La destruction capitaliste de la créativité : Joséphine Tassy

Joséphine Tassy : « L’Indésir », premier roman 2023, L’Iconoclaste, 2021.

Dans notre beau monde capitaliste, le monde des droits humains (le modèle du gouvernement israélien et de ses soutiens occidentaux dans le génocide en Palestine), le monde de la démocratie (le modèle de l’Ukraine, de sa réhabilitation des assassins de juifs, de ses milices nazies massacrant des civils et de l’interdiction depuis 2015 du parti communiste), la mère de la narratrice a essayé de faire des études de droit et d’histoire de l’art, puis s’est lancée dans la peinture, mais le capitalisme, dont la seule la fin est le profit (la rentabilité du Capital est le cadre contraignant de notre « liberté »), détruit les existences et détruit la liberté, l’intelligence, l’amour et l’art, et, dans les décombres de l’art indésirable, la mère a perdu le désir.

1 La narratrice est Nuria. Elle s’exprime parfois en vers libres. Les dialogues sont en italique. Les dix scènes se succèdent logiquement, au dernier moment, de manière peu prévisible. Se dessine progressivement l’univers subjectif et affectif de la narratrice et de sa rencontre de hasard – qui va peut-être durer –, l’univers de sa mère et des proches d’une mère jamais nommée par son prénom, des proches qui se révèlent avec leurs qualités et, parfois, avec surprise, leurs faiblesses. On est là sans être là, on est avec sans être avec, on a des projets sans en avoir, on s’étonne des autres comme de soi-même. Autrement dit, par une narratrice absolument sans projet, la construction des hasards et des transitions dessine la totalité du monde et des relations de cette mère qui a perdu le désir, de cette artiste qui a été détruite par le quotidien trop souvent individualiste et individualisant, avec quelques moments élémentaires d’affection, de présence silencieuse, de corps à corps.

La narratrice est dans son appartement. La veille au soir elle a dansé et bu dans une boîte et elle est venue avec Abel, qu’elle a embrassé en dansant, qui a perdu ses clés et qui est en train de dormir sur le canapé. Au téléphone, elle apprend par sa grand-mère paternelle, Jeanne/Maja, que sa mère est morte. Elle propose à Abel de l’accompagner au cimetière, enterrer sa mère.

2 Au cimetière, la mère va être incinérée.

Un jeune homme de 28 ans, Félix, en larmes dit avoir été amoureux de la mère. C’est lui qui a découvert la mère morte. Au début, il n’a pas cru qu’elle était morte, puis il s’est aperçu : suicidée par des cachets. Apprenant que Nuria est sa fille, il invite Nuria et Abel chez lui. En fait, il est en collocation. Dans le frigo n’y a plus de bière, mais il y a une bouteille de whisky.

La narratrice se souvient : chez sa grand-mère, en Provence, son père, un Noir, mort quand Nuria avait six ans, et sa mère, très belle aux yeux jaunes. Nuria a été élevée par la grand-mère paternelle, Jeanne.

Félix donne les clés de l’appartement de la mère.

3 Nuria s’aperçoit qu’elle a perdu son porte-monnaie. Nuria et Abel vont au café en face du cimetière : non, on n’a pas apporté un porte-monnaie.

Il y a dans le café Arnaud, le frère de la mère, l’oncle de Nuria, avec sa femme, Constance. Arnaud raconte que la mère était artiste peintre, après avoir commencé une licence de droit et une licence d’histoire de l’art. Arnaud et Constance ont hébergé la mère de Nuria quand elle était au lycée. Constance raconte que la mère lui a lancé une assiette au visage, qu’elle était monstrueuse, égoïste. On apprend que Charlotte, la mère de la mère, s’est suicidée, et aussi Françoise, la grand-mère maternelle de la mère, des femmes aux yeux jaunes.

Nuria reçoit un coup de téléphone : je t’ai vu ce matin au Père-Lachaise, j’ai ton porte-monnaie, on se voit dans une demi-heure.

4 Au bistrot Le Nerval à Pigalle, au milieu des boutiques de sexe, Nuria et Abel rencontrent Salomé, une magnifique jeune femme de l’âge de la narratrice, une danseuse, l’amante de la mère, la femme de René, le patron du Nerval.

Salomé raconte qu’un matin, Arnaud vient la chercher avec Nuria dans une décapotable sans capote. Au bord de la Méditerranée, les trois amis vivent ensemble, corps contre corps.

Salomé apprend à la mère à danser, à se mettre du rouge à lèvres.

5 Dans l’appartement de Nuria, à 2 h 35, Nuria se réveille après un rêve sur les yeux jaunes.

La veille au soir elle s’est disputée avec Abel qui n’avait pas envie. Elle rappelle Abel qui la rejoint.

6 Nuria et Abel vont dans l’appartement de la mère. Ils pensent à faire l’amour.

Arrive Guy Garcin. Il a déjà vu la narratrice quand elle était petite. Il vient chercher des albums. Il y a des photos prises par un des amants américains de la mère. Garcin tenait une galerie. Il a travaillé avec un photographe sénégalais, Abdou. Il a conseillé la mère pour orienter sa peinture vers l’abstrait.

Il n’est pas au courant que la mère s’est suicidée en prenant des cachets.

Abel remarque ce qui est écrit sur le porte-clés de la clé de l’appartement de la mère : dans une figurine dorée de Vierge sans enfant : les Lundis du Saint Esprit, Paroisse Saint-Laurent.

7 Nuria et Abel entrent dans l’église Saint-Laurent. Ils rencontrent Myriam, une espagnole, qui a connu la narratrice quand elle était toute petite et qui est la marraine de la narratrice. À l’époque, Myriam enseignait le catéchisme. Elle a abordé la mère quand celle-ci, enceinte, venait chaque jour dans l’église.

Myriam raconte la légende de la Vierge de Nuria, la Vierge noire, la moreneta de la vallée de Nuria : un pèlerin en a rêvée, part à sa recherche et la trouve. La vraie Vierge est en bois, noire de la fumée des bougies.

Nuria reçoit un coup de téléphone de Salomé, qui va lui apporter son porte-monnaie. Abel va chercher trois bouteilles d’eau, Nuria le rejoint. Nuria et Abel s’embrassent.

8 Sur le parvis de l’église, Garcin arrive : il a trouvé une photo de la narratrice toute petite. Garcin veut connaître Myriam, il entre dans l’église avec Nuria. Garcia et Myriam se disputent, Garcin affirmant que la mère n’était pas une grenouille de bénitier, mais une libertine.

Salomé arrive avec Arnaud : Garcin les appelle la sauterelle et le hanneton, le petit chauve. Garcin dit que Salomé raconte n’importe quoi, qu’elle ne parlait plus à la mère depuis des années, qu’avec elle, Salomé et Arnaud, vous formiez un trio dégueulasse.

Salomé accuse Garcin qui a fait croire que la mère pourrait gagner de l’argent avec sa peinture.

Garcin accuse Arnaud et Salomé d’avoir tué la mère.

Myriam s’en va pour prendre son train. Garcin traite Salomé de pute.

Félix arrive avec Abel. Félix accuse Garcin d’être un pervers et Garcin répond : tu la connaissais à peine, moi je l’ai aimé 30 ans ! Félix jette un missel sur Garcin, le pousse, et tous les bancs basculent. Félix aide Garcin à se relever, et Garcin est son père ! Le père et le fils aimaient la même femme.

Abel et Nuria s’en vont. Arnaud les rattrape : il faut absolument que vous rencontriez Benoît.

9 La tristesse de Benoît est discrète. Benoît a le même âge que la mère. Il y a un moment où la mère n’a plus voulu être suivie. Elle n’avait plus envie. Plus exactement, elle avait perdu le désir, et sans le désir on n’est rien. Le désir est une force qui nous projette au-delà de nous-mêmes, une force irrésistible qui donne des rêves. Il inspire tout, nos déceptions, nos douleurs, notre amour de l’autre et de soi.

Pourquoi la mère a perdu son désir ? Apparaît Zoë, la fille de Benoît, déguisée en fée : les adultes, ils savent jamais pourquoi !

Crépuscule : Nuria et Abel sont l’un contre l’autre. Plus près, plus près.

Nuria a découvert que la seule raison de vivre est le désir.

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