La chasse aux sorcières : Baz Luhrmann

Baz Luhrmann : « Elvis », film, 2022.

C’est l’époque de la mise au pas culturelle et politique, de la chasse aux sorcières, aux Etats-Unis, pour les novateurs. On broie les intelligences, on massacre allègrement la créativité. Les gouvernements républicains ou démocrates sont des conservateurs anticommunistes et racistes à l’époque de la jeunesse d’Elvis Presley, des conservateurs anticommunistes particulièrement depuis 1917. Un jeune qui n’est pas passé par les universités qui forment au bon chic bon genre, qui est issu en plus de la classe ouvrière, avec un père qui est allé dans les goulags américains (c’est ainsi que les opposants américains appellent les prisons actuelles qui comprennent plus de 2 000 000 de personnes) et en plus, un jeune qui a fréquenté les milieux noirs et intégré leur culture, c’est insupportable, et il faut le mettre au pas.

La chasse aux sorcières sévit en effet aux États-Unis depuis la fin de la première guerre mondiale. Elle a détruit une grande partie de la jeunesse créative.

 Nous avons eu en France après la fin de la seconde guerre  mondiale une chasse aux sorcières encore plus efficace, et le résultat, c’est que nous sommes dirigés par des crétins diplômés, seulement capables de gérer les marges de l’empire américain, avec une culture complètement américanisée.

Un tel film, qui a été créé dans la métropole de l’empire, ne peut pas être créé dans les marges colonisées, vassalisées de l’empire. La censure en France, même si elle est invisible, est implacable. Toute créativité doit se soumettre. Il n’y a plus de place pour la jeunesse, pour la créativité, pour la novation, sinon en paroles. C’est donc la désindustrialisation et la déculturation.

Le père d’Elvis Presley a fait un peu de prison.

Jeune, Elvis Presley aime les bandes dessinées avec des hommes volants et fréquente les lieux de musique, de chant et de danse afro-américains. Il est engagé par une maison de disques et a un certain succès.

Le colonel Tom Parker met la main sur lui comme impresario. Le colonel est le gardien du temple américain, l’intermédiaire qui broie et oriente la créativité selon les normes des conservateurs républicains ou démocrates. Les amis noirs d’Elvis le dissuade de devenir dépendant.

 Elvis Presley est racheté par RCA avec une somme considérable. Quand il se produit sur scène, c’est la folie du public. Il est une révolution artistique et culturelle.

Elvis Presley peut offrir à sa famille une grande maison et des voitures de luxe. Son père est employé dans sa compagnie de chant.

Les autorités politiques voient d’un mauvais œil ce jeune homme blanc qui danse et chante comme un Noir. On veut lui interdire la radio et la télévision. La mère d’Elvis est choquée par cette attitude des racistes et des conservateurs, elle se met à boire.

La réaction politique et artistique essaie d’agir sur Elvis Presley par l’intermédiaire de son impresario. Elvis Presley va devoir mettre un smoking et éviter les déhanchements, chanter des chants de Noël, mais il ne respecte pas la consigne. Les racistes et les conservateurs se déchaînent contre lui. Il est obligé de s’engager dans l’armée, de tondre ses cheveux gominés. C’est en Allemagne qu’il apprend la mort de sa mère et qu’il connaît sa femme, avec qui il a une fille. De retour aux États-Unis, il tourne quelques films qui, à son appréciation, n’ont pas beaucoup de valeur. C’est le moment du meurtre de Martin Luther King et du meurtre du président Kennedy. L’Amérique broie.

Le colonel impresario joue au casino, il est drogué aux jeux et il a des dettes, et il s’entend avec le directeur de l’hôtel continental de Las Vegas pour produire Elvis Presley chaque soir pendant une certaine durée de temps. Elvis Presley est ainsi interdit de tournée mondiale, de la découverte d’un autre public et d’autres façons de créer.

 Le travail imposé par le colonel et ses sponsors uniquement intéressés par l’argent est épuisant. Elvis Presley prend des médicaments que lui prescrit un médecin peu qualifié. Elvis essaye de se détacher de son impresario, de cette dépendance mortifère, mais le colonel lui fait comprendre que, sans lui, lui et son père seront endettés et ne pourront pas vivre. C’est la loi du système capitaliste américain. Elvis est prisonnier de la dette et de son impresario qui symbolise le capitalisme américain, faisant travailler les gens, apparemment sans violence, par la contrainte de la dette et de l’argent, jusqu’à épuisement.

C’est la dégringolade d’un artiste victime d’une chasse aux sorcières – il avait introduit de manière révolutionnaire le chant, la musique et la danse noires dans la culture américaine – et pour cela il a été censuré, interdit et finalement obligé de s’engager dans l’armée – et en définitive victime d’une exploitation inhumaine, par laquelle il meurt à 44 ans. La haine des prédateurs créanciers de la banque, de l’assurance, de l’immobilier, de l’industrie financiarisée et du commerce financiarisé a réussi à éteindre la flamme de la poésie et de la jeunesse.

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