La social-démocratisation du mouvement communiste

Une social-démocratisation du mouvement communiste a-t-elle été et est-elle possible ?

La question que pose ce titre paraît incongrue, alors que nous vivons des mensonges sur le communisme, des mensonges considérés comme des vérités établies, tels la résolution du Parlement européen du 2 avril 2009 et la résolution du 19 septembre 2019 de ce même Parlement européen, des textes qui, entre autres, manifestent la doxa de la politique occidentale de droite ou de gauche depuis plusieurs décennies, doxa qui en arrive à mettre un signe d’égalité entre le communisme et le nazisme. Quelle idée de parler du mouvement communiste, un mouvement qui a disparu, un mouvement qui n’a jamais existé, un mouvement complètement insignifiant, définitivement discrédité par tous les intellectuels organiques, par l’unanimité inique !

La question que pose ce titre est aussi délicate, dans la mesure où elle ne doit pas nuire au développement du mouvement social, en le distrayant par une question peu importante, un retour en arrière mal à propos, ou en risquant de nuire à l’unité du mouvement, en brisant un consensus, mais un consensus obscurantiste quand il réécrit l’histoire et la réalité selon des mythes, des censures et des mensonges diffusés par la propagande bourgeoise. Il ne paraît pas inutile de mettre en garde contre les risques de concessions à la bourgeoisie, concessions génératrices, selon une réaction en chaîne imprévisible, de concessions de plus en plus nombreuses et importantes.

La question que pose ce titre peut devenir brusquement une question d’actualité : le mouvement social qui se développe, au départ en réaction contre une inflation minimisée par le gouvernement – une inflation qui équivaut à une baisse des salaires, des retraites et des épargnes – et contre la loi sur les retraites, peut remettre en question toutes les vérités établies et nous faire ainsi basculer de l’univers du mensonge, celui des médias contrôlés par la finance américaine et des médias « publics »contrôlés par le banquier américain Macron, ses agences de management et sa nomenklatura atlantiste, brusquement dans la réalité. Cette réalité consiste en particulier en ce que l’inflation et la loi sur les retraites sont une façon de payer les guerres américaines, par le truchement des trois instruments des États-Unis que sont la Communauté européenne, l’OTAN et le gouvernement français (depuis l’expulsion de De Gaulle en 1969 par les politiciens et médias atlantistes, les présidents de la République socialistes ou de droite sont tous – à part un moment Chirac – inconditionnellement pour les guerres impérialistes des États-Unis et de ses alliés). Ce basculement du mensonge vers la réalité permettrait au mouvement social de ne pas être aveugle à cet enjeu fondamental de notre entrée en guerre contre la Russie, la Chine et tous les pays qui n’obéissent pas. Ce basculement des mensonges à la réalité permettrait au mouvement social de retrouver son anti-impérialisme, quand le mouvement social luttait contre les bases américaines, contre la guerre de Corée, contre la guerre du Vietnam, en dénonçant non l’agressé mais les agresseurs impérialistes.

En tout cas, pour le moment, nous vivons dans la quasi-absence d’une véritable histoire du déclin du mouvement communiste et de son explication.

Je voudrais démontrer la possibilité de la social-démocratisation rampante du mouvement communiste (j’essaye de parler de faits historiques incontestables ; évidemment, il y a le problème du choix des faits, de la façon de les décrire et de les nommer, et cela constitue mon biais, qui doit donner lieu à des contestations, à des discussions). Pour parler de cette éventuelle social-démocratisation du mouvement communiste, il faut définir ce que j’appelle social-démocratie et ce que j’appelle communisme.

1) Définissons de manière empirique ce que j’appelle le courant social-démocrate.

1, a) Les actes des sociaux-démocrates.

Au temps de Marx, la social-démocratie s’appelait socialisme. Ce socialisme de l’époque, rejeté par Marx et par les communistes, était caractérisé par certaines concessions à la bourgeoisie.

Le parti social-démocrate allemand de la fin du dix-neuvième siècle est passé nettement en 1914 d’une inspiration communiste à la social-démocratie quand il s’est engagé, contrairement à ses engagements internationalistes, dans la guerre impérialiste.

La social-démocratie au pouvoir en 1918 en Allemagne, c’est l’utilisation des terroristes des Corps Francs, ancêtres des nazis, pour assassiner des communistes et terroriser la classe ouvrière.

La social-démocratie en France en 1920, c’est le refus non démocratique, dans le parti socialiste, de la décision de la majorité (3208 voix) qui se prononce pour l’adhésion à l’Internationale communiste : le parti socialiste SFIO constitué par ceux qui n’ont pas accepté le vote de la majorité – 1022 voix – va inaugurer un fonctionnement interne d’apparence démocratique.

La social-démocratie en France en 1938-39-40, ce sont, avec Daladier, président du parti radical socialiste, et le soutien de Léon Blum, président du parti socialiste, les accords de Munich, la remise en question du Front populaire, la répression des grèves ouvrières, puis l’arrestation de 30 000 militants communistes, la déportation des députés communistes dans des camps en Algérie et le vote des pleins pouvoirs à Pétain par 87 députés socialistes (29 ont voté contre). Quelques hommes de droite, à la suite en particulier de De Gaulle, et quelques sociaux-démocrates fidèles à la gauche rejoignent les communistes dans le refus de la trahison, du nazisme et de l’antisémitisme.

La social-démocratie après-guerre en France, c’est la collaboration avec la droite française pro-américaine, la guerre d’Algérie, les votes de 1958 et 1962 pour la Ve République (cette monarchie présidentielle dont on voit le fonctionnement actuellement : seul le parti communiste avait appelé à voter non aux deux référendums).

Depuis 1981 au pouvoir, la social-démocratie commence en 1983 par la désindexation des salaires sur l’inflation, suivie par un ensemble de « réformes » qui sont contraires aux vœux et aux intérêts de la grande majorité de la population, faisant de la France une drôle de démocratie qui dégrade année après année la situation des classes sociales qui n’appartiennent pas à la bourgeoisie atlantiste.

N’oublions pas aussi, toujours de la part du courant social-démocrate, les interventions militaires extérieures, le soutien aux Khmers rouges, le soutien à certains terroristes syriens, djihadistes et autres. N’oublions pas, de la part de ce courant social-démocrate, le silence sur le coup d’État de 2014 à Kiev, le silence sur les révolutions populaires à Odessa, à Kharkov, à Dniepropetrovsk, en Crimée et dans le Donbass à la suite de ce coup d’État, le silence sur les massacres des populations civiles (par les terroristes nazis bandéristes et par les bombardements de l’armée de Kiev), le silence sur la suppression des libertés, sur le racisme et sur les crimes de guerre du régime de Kiev. N’oublions pas les sanctions contre la Russie (les sanctions contre la Russie, comme les sanctions contre l’Iran, Cuba et d’autres pays, sont dirigées contre les populations et sont des crimes de guerre selon la charte de l’ONU). N’oublions pas, de la part de ce courant social-démocrate, le soutien financier et militaire à un régime de Kiev dont on vient de voir la nature, les votes de crédits de guerre et les applaudissements aux représentants du régime de Kiev.

N’oublions pas, toujours de la part de ce courant social-démocrate, à la suite des États-Unis, la politique de va-t-en-guerre contre la Russie et la Chine, en reprenant le racisme anti-russe et le racisme anti-chinois.

Comme tous les racismes, ces racismes, au nom de la vérité des faits, de la liberté, des droits de l’homme, de la démocratie, de la défense des populations et même de l’antiracisme (!), diabolisent les dirigeants, les citoyens et les régimes russes ou chinois, pour justifier la censure à l’égard des représentants de ces régimes, ce qui permet de propager les mensonges les plus gros, les plus invraisemblables, sans risque de se faire contester, ce qui enferme la population française dans l’irréalisme, dans l’irrationalisme, ce qui permet de justifier la guerre en cours contre la Russie et contre la Chine (installation de bases militaires et de fusées nucléaires aux frontières tout autour de la Russie et de la Chine, sanctions et blocus économiques contre les populations de ces régimes pour qu’elles changent leur régime et leurs dirigeants, soutien financier et médiatique à des mouvements d’opposition ou des mouvements terroristes– en particulier par des « organisations non-gouvernementales » plus ou moins militarisées – pour effectuer des révolutions de couleur, sans oublier les assassinats, les attentats, les sabotages, etc).

De la part des représentants de ce courant social-démocrate, on cherchera en vain une mise en question des nombreuses guerres engagées par les États-Unis et les pays de l’OTAN, la dénonciation de la bestialité de leurs armées et de leurs crimes de guerre.

Ces représentants du courant social-démocrate utilisent le concept d’impérialisme à tort et à travers (ils parlent de l’impérialisme chinois, et comme on leur dit que l’impérialisme se manifeste par la guerre et que la Chine n’engage pas de guerre, ils parlent de coercition économique chinoise).

Ils ne parlent pas de l’illégitimité en droit international des sanctions et des blocus, ils remplacent la charte de l’ONU par l’ordre basé sur les règles, des règles instituées arbitrairement et à géométrie variable.

 La social-démocratie traditionnelle française s’est tellement discréditée quand elle était au pouvoir par ses entorses à la démocratie (faire des réformes contraires aux professions de foi électorales et opposées aux intérêts de la grande majorité) que les tendances ou les courants qui constituaient son apparence de démocratie interne se sont désagrégés, ont fait scission, constituant ainsi plusieurs partis, dont le parti socialiste maintenu, les écologistes (Europe-écologie les Verts), les mélanchonistes (France insoumise, Nouvelle Union populaire écologique et sociale).

Cependant, une force social-démocrate peut évoluer de manière positive : le parti socialiste et le parti radical socialiste de 1936 s’allient avec le Parti communiste pour un ou deux ans, avec des résultats bénéfiques pour la classe ouvrière, mais des résultats vite remis en question. En 1970 au Chili, le parti socialiste d’Allende et le parti communiste s’allient au pouvoir pour des réformes bénéfiques en faveur des classes populaires, mais les États-Unis interviennent en 1973 selon la méthode du « changement de régime ». À partir de 1981 (accession de la gauche au pouvoir), le parti socialiste de Mitterrand s’allie de manière épisodique avec le parti communiste (mais ce parti communiste n’est plus tout à fait celui de 1936) pour quelques mesures positives vite remises en question : les perspectives sont, dès 1982, catastrophiques pour la classe ouvrière (le premier ministre Mauroy, le 3 septembre 1982, commence en expliquant au Club de la presse : « il ne faut plus indexer les salaires sur les prix car cela entraîne l’inflation »).

1, b) Les paroles des sociaux-démocrates.

Il est important de tenir compte des discours actuels des sociaux-démocrates à l’égard d’eux-mêmes et à l’égard du courant communiste. Ces discours sont tellement extrémistes, tellement anticommunistes que la droite bourgeoise n’a plus besoin d’argumenter contre le communisme : il lui suffit de reprendre ces discours et même d’avoir le beau rôle de les rectifier vers plus de réalisme (c’est ainsi que certains hommes et médias étiquetés à droite font preuve sur certains aspects de réalisme, de rationalité, apparaissant objectivement comme plus à gauche que la gauche elle-même, une gauche qui se retrouve sur ces aspects à droite ou même à l’extrême droite, laissant ainsi la place libre à la droite dans toutes ses dimensions néfastes pour les classes populaires et la démocratie !).

Ces discours sociaux-démocrates nous apprennent que ce sont les États-Unis qui ont vaincu Hitler (l’URSS a à peine participé), que Staline a fait plus de morts que Hitler, que le communisme est l’équivalent du nazisme, du fascisme, de la dictature, de ce que ces discours nomment totalitarisme, que les innombrables guerres des États-Unis et de ses vassaux sont des guerres pour la démocratie, pour la liberté, pour les droits de l’homme, que les 900 bases américaines en dehors des États-Unis et que le budget militaire américain (presque la moitié du budget militaire mondial) sont non des actes d’agression impérialiste, mais des actes humanitaires pour la défense du monde libre, alors que les pays agressés sont désignés comme des pays dictatoriaux et impérialistes.

Tout cela constitue « l’évidence » des médias et des politiciens sociaux-démocrates, une évidence qui rencontre l’évidence qui doit constituer pour la bourgeoisie l’idéologie de la population, une évidence qui doit être maintenue par la répétition quotidienne de la propagande et par la censure de tout ce qui n’est pas conforme, aussi bien à l’école ou à l’entreprise que dans l’édition, la culture, la politique ou les médias.

Qu’un social-démocrate (au sens que nous venons de donner, un sens objectif) s’appelle lui-même « socialiste » ou « communiste » (une falsification, celle de s’appeler communiste alors qu’on est objectivement social-démocrate, et de telles falsifications ne manquent pas !), cela ne doit pas nous influencer pour caractériser correctement ce social-démocrate. Les plus dogmatiques des sociaux-démocrates dénoncent le dogmatisme de l’adversaire communiste, les moins démocratiques dénoncent l’absence de démocratie chez le concurrent communiste, les plus criminels – ceux qui ont cautionné la barbarie coloniale ou les terrorismes – dénoncent la criminalité extrême du courant communiste, tandis que le social-démocrate se présente toujours comme le meilleur partisan de la liberté, de la démocratie, des droits de l’homme, etc.

C’est la confusion et l’inversion des valeurs, c’est l’univers des mensonges qui se superpose à la réalité. On est loin d’une approche rationaliste de l’actualité et de l’histoire.

1c) Les raisons de la transformation des courants communistes,

Emmanuel Todd. « La défaite de l’Occident », Gallimard, 2024.

Le nihilisme caractérise l’Occident en guerre contre la Russie et la Chine.

 D’un point de vue théorique, le nihilisme est la forme extrême de la postmodernité, c’est-à-dire, d’une part, la mégalomanie violente, l’insensibilité aux souffrances, le plaisir de détruire, l’intérêt à l’exploitation et à la guerre, et d’autre part, le travestissement de la réalité, les mensonges  éhontés, l’irrationalité, l’incapacité de comprendre, la politique au jour le jour.

Le nihilisme n’apparaît pas encore quand le christianisme devient un christianisme zombie, avec des croyances de substitution (l’État-nation, le communisme, le nazisme, etc.) qui organisent et structurent les individus. Le nihilisme apparaît au moment où les mœurs et les valeurs héritées du religieux disparaissent, laissant place à des individus privés de toute croyance collective : l’État-nation se désintègre, la globalisation triomphe, les sociétés sont atomisées, l’éthique du travail, la moralité sociale contraignante, la capacité de sacrifice pour la collectivité disparaissent. Les gens sont incapables de penser par eux-mêmes, tout en étant capables d’intolérance. Il n’y a plus de conscience, de surmoi, d’idéal du moi qui permettent de s’élever au-dessus des désirs immédiats pour être plus que soi-même. Ce rien, ce néant, produit des réactions souvent stupides ou abjectes.

Ce nihilisme, c’est aussi un libéralisme qui protège en priorité la minorité riche, un libéralisme qui caractérise tous les pays de l’Occident et qui fait de ces pays des oligarchies.

Ce nihilisme, qui avait existé sous une autre forme en Allemagne comme nazisme hitlérien, apparaît d’abord aux États-Unis.

Les dirigeants oligarchiques des pays de l’OTAN sont devenus nihilistes depuis qu’ils sont complètement asservis aux dirigeants nihilistes américains, quand les paradis fiscaux où ils placent leurs dollars ont été complètement contrôlés par les 300 000 fonctionnaires américains spécialement employés pour ce contrôle des paradis fiscaux.

Les dirigeants nihilistes américains se sont laissés entraîner par les nihilistes ukrainiens nazis bandéristes dans le soutien à leur guerre contre la Russie.

Terminons cette présentation par une revue de ce qui peut constituer le nihilisme actuellement.

Dans le nihilisme, les classes éduquées supérieures (10% de la population) se pensent supérieures et passent leur temps de travail, non à penser le monde, mais à tromper les autres classes, qui en retour se méfient.

 Les dirigeants nihilistes, dans un climat de moralité zéro, optent pour une dynamique du pouvoir pur, avec une préférence pour la force militaire et la guerre, réagissant à des impulsions venues d’un réseau local tout à fait dénué de morale commune, un réseau sans croyance de portée nationale ou universelle, un réseau anomique, atomisé, d’individus faibles, au surmoi fragile, sans idéal du moi pour les structurer, mus par un mécanisme de régulation mimétique interne au groupe local ou professionnel auquel ils appartiennent.

 Les individus nihilistes qui dirigent n’existent que les uns par rapport aux autres, ne déterminent pas leurs actes et décisions en se référant à des valeurs extérieures à leur groupe ou à des valeurs supérieures, religieuses, morales ou historiques : leur seule conscience est locale.

Par exemple, ils sont enfermés professionnellement dans la politique étrangère, dans l’international, ce qui les prédispose à l’activisme : ils ont intérêt à ce que leur pays ait une politique ambitieuse. Plus le gouvernement est occupé à l’extérieur et plus il y a de postes à pourvoir parmi les experts en politique internationale. Plus la part de la richesse nationale consacrée à résoudre les problèmes mondiaux sera grande et plus importante sera leur influence potentielle, d’où une propension à gonfler les menaces et une obsession de la puissance militaire.

Si ces politiciens nihilistes ont intérêt à ce que ça chauffe militairement, il en est de même de la police, de l’armée et du journalisme : les journalistes qui, autrefois, adhéraient à des idéologies opposées, sont devenus des journalistes nihilistes, c’est-à-dire sont devenus le « Journalisme », avec son éthique et ses préoccupations propres et aussi sa propre préférence pour la guerre, parce que la guerre, c’est du spectacle.

Les appareils d’État sont des gigantesques et froides machines peuplées d’individus qui, pour l’essentiel, respectent le principe hiérarchique. Ces monstres bureaucratiques sont chevauchés par la petite bande de demi-intellectuels nihilistes qui dirigent.

Le nihilisme, c’est la pauvreté et la mortalité qui s’accroissent, la moralité, l’éthique de travail et le sentiment de responsabilité qui se sont évaporés, les décisions qui ont cessé d’être morales ou rationnelles, le respect des engagements qui devient une chose désuète, l’irrationalité se manifestant par l’incompréhension de la marche inexorable autant qu’absurde à la guerre. Les dirigeants sortent du réel, perdent leur self-control, préférant l’irrationalité, la violence, l’aggravation des conflits et les guerres.

 Pour les dirigeants nihilistes, peu importe l’inflation puisqu’elle ne touche que les pauvres.

Le nihilisme, c’est aussi la pulsion suicidaire, avec la destruction de l’industrie, des métiers et des existences, le renoncement à défendre les intérêts du pays, l’aspiration à la soumission par l’absence de conscience nationale et de principe directeur d’action. Ce sont les privatisations sauvages, l’externalisation des services étatiques, la baisse de l’espérance de vie et du niveau de vie, la moralité zéro.

 Le nihilisme, c’est le néolibéralisme, comme instinct d’acquisition libéré de toute morale, de toute limite. Il s’agit de faire de l’argent, la cupidité à l’état pur.

Si le nihilisme est la conversion au mal, à la pauvreté, à l’atomisation sociale, aux comportements négatifs, aux violences exercées sur les citoyens nationaux ou étrangers, à la mégalomanie, à l’obsession de l’argent et du pouvoir, à l’autodestruction et à la guerre, il est aussi – souvenons-nous en quand nous sommes actuellement soumis à la censure, à la propagande, aux mensonges et à la pensée unique – le refus de la réalité, par exemple la négation de la réalité de la guerre ou la négation de la réalité de la différence des genres masculins et féminins.

Le racisme antirusse prépare à la guerre contre la Russie.

L’Occident invente la légende noire de Poutine et de la Russie.

Les surprises de la guerre.

Ce qui est surprenant, c’est l’irruption d’une guerre en Europe, c’est l’affrontement entre les États-Unis et la Russie et non entre les États-Unis et la Chine, c’est l’investissement de l’Ukraine dans la guerre, c’est la résistance économique de la Russie, c’est l’effondrement de toute volonté européenne autonome, c’est le Royaume-Uni hystériquement antirusse, c’est l’intérêt de la Scandinavie pour la guerre contre la Russie, c’est l’effondrement économique et militaire des États-Unis, c’est l’isolement de l’Occident et c’est la défaite de l’Occident.

L’État-nation et sa disparition : les États-Unis ne sont plus un État-nation.

L’État-nation est à la fois wébérien en interne et hobbésien en externe, il est ancré dans une culture et des valeurs communes, il est autonome, il possède une classe moyenne éduquée et différenciée. Il n’y a pas d’État-nation s’il y a un déficit commercial systématique, si les classes moyennes sont détruites, s’il n’y a plus de culture commune, s’il n’y a pas de projet commun. Un État n’est pas un État-nation s’il est dirigé par un groupe militaire sans culture, n’ayant comme valeurs que la puissance et la violence, avec une élite atomisée, anomique, il est un système étatique à grande capacité de nuisance.

Une défaite en Ukraine peut ne pas être acceptée par l’espace mental des États-Unis d’aujourd’hui : la guerre contre la Russie peut être pour les États-Unis existentielle.

État impérial, État bas-impérial, État post-impérial : les États-Unis sont un État post-impérial.

Les États-Unis ne sont pas un État impérial (« l’Occident collectif ») ni un État bas-impérial (il y a la vitesse des évolutions, l’existence d’Internet, l’existence de nations géantes et la disparition du substrat chrétien), mais plutôt un État post-impérial (comme il n’y a plus de culture porteuse d’intelligence, on a des actions irréfléchies et contradictoires, avec une expansion en phase de contraction de base industrielle).

La hausse de la mortalité américaine et les dollars qui courent vers Kiev sont caractéristiques de la tendance irréversible vers le post-impérialisme, vers la disparition de la moralité sociale et du sentiment collectif, vers la désintégration du cœur du système face à l’expansion centrifuge.

L’état religieux zéro conduit à une pulsion de destruction.

L’état religieux zéro conduit à une pulsion de destruction des choses et des hommes (l’amoralisme découlant d’une absence de valeurs) et à une pulsion de destruction de la vérité, l’interdiction de toute description raisonnable du monde.

L’Occident n’existe plus, puisque, pour lui, il n’y a pas d’autre légitime.

Le système occidental actuel aspire à représenter la totalité du monde et ne reconnaît plus l’existence d’un autre légitime, il cesse par conséquent d’exister.

 La Russie, par contre, pense en termes de souveraineté et d’équivalence des nations : tenant compte de l’existence de forces hostiles, elle peut assurer sa cohésion sociale.

L’Occident est une menace.

Les déséquilibres internes de l’Occident, sa crise, ses illusions, ses mirages, ses leurres statistiques, ses manquements des médias, ses mensonges d’État, ses délires complotistes, sa violence deviennent des menaces pour la stabilité du monde.

La stabilité russe actuelle.

La stabilité russe se caractérise par les taux bas de décès par alcoolisme, de suicide, d’homicides, de mortalité infantile, de corruption, par les exportations de produits agricoles, de centrales nucléaires, par des champions nationaux d’Internet, par un système de messagerie financière russe et un système national de cartes de paiement, par le protectionnisme, par le rôle central de l’État, par le soutien populaire au régime même s’il y a des restrictions aux libertés (démocratie autoritaire), par la mise au pas de l’élite et l’attention extrême aux revendications ouvrières, par la liberté de circulation, par le nombre d’ingénieurs. La faiblesse de la Russie est sa basse fécondité.

 L’auteur ne fait pas la différence entre l’époque stalinienne, démonisée, et l’époque kroutchévienne : il n’y a pas de profondeur historique informée.

L’Ukraine.

En ce qui concerne l’Ukraine, Emmanuel Todd parle du coup d’État de Maidan, « selon les Russes » et de l’Olodomor comme fait historique. Il ne parle pas des révolutions de 2014 en Crimée et dans l’est de l’Ukraine, ni de leur répression par le régime de Kiev. L’histoire de l’Ukraine depuis 2014 n’est pas informée.

Emmanuel Todd  a l’avantage de reconnaître, contrairement à Macron, qu’il existe des nazis en Ukraine, que les assassins de Juifs sont célébrés.

 Emmanuel Todd n’est pas conscient que, dans un régime formellement démocratique, il suffit de très peu de nazis bandéristes, armés et payés par les États-Unis, pour contrôler la politique et l’armée. Dans la république de Weimar, les Corps francs et les nazis qui leur succèdent, même s’ils ne sont pas nombreux, sont financés et possèdent des armes, ce qui leur permet d’assassiner et de semer la terreur dans les villes et villages.

 En ce qui concerne l’Europe de l’Est, Emmanuel Todd reprend la mythologie historique sur Katyn et il utilise la notion fourre-tout de totalitarisme. Pour lui, le communisme sur le plan politique se révèle plus violent que certaines des dictatures de l’entre-deux-guerres.

Le protestantisme est un facteur de développement économique.

Le protestantisme alphabétise et donc favorise l’essor économique. Le protestantisme considère les hommes comme inégaux (les élus et les damnés) et par son exigence de traduction de la Bible en langue vernaculaire, contribue à la formation des cultures nationales.

 Le protestantisme autoritaire correspond à la famille souche, le protestantisme est libéral par la famille nucléaire absolue.

 Le catholicisme du Bassin parisien, contiguë au protestantisme, est libéral du fait de la famille nucléaire égalitaire.

Une oligarchie qui pense à tromper les classes populaires.

L’Occident a un libéralisme qui protège en priorité la minorité riche : c’est une oligarchie.

 Les classes éduquées supérieures se pensent supérieures et passent leur temps de travail, non à penser le monde, mais à tromper les classes de niveau primaire ou secondaire, qui en retour se méfient.

Du christianisme au christianisme zombie, puis à l’état zéro.

 Le christianisme devient un christianisme zombie, avec des croyances de substitution (l’État-nation, le communisme, le nazisme, etc.) qui organisent et structurent les individus.

Vient un moment où les mœurs et les valeurs héritées du religieux disparaissent, laissant place à des individus privés de toute croyance collective : l’État-nation se désintègre, la globalisation triomphe, les sociétés sont atomisées, l’éthique du travail, la moralité sociale contraignante, la capacité de sacrifice pour la collectivité disparaissent. Nous sommes incapables de penser par nous-mêmes, tout en étant capables d’intolérance. Il n’y a plus de conscience, de surmoi, d’idéal du moi qui permettent de s’élever au-dessus des désirs immédiats pour être plus que soi-même. Le rien, le néant, produit des réactions admirables, stupides ou abjectes.

L’Union européenne, nihiliste, guerrière, destructrice, menteuse, qui méprise les pauvres, qui dissous les nations et renonce à la liberté et à la puissance, se suicide en se lançant dans une guerre qu’elle n’a pas la puissance de gagner.

Les élites européennes construisent l’Europe avec des mots, enfumant les peuples.

 L’irruption du réel de la guerre provoque chez eux les sanctions, qui rendent la guerre mondiale, que seuls en Occident les États-Unis peuvent affronter : c’est la fin de l’Europe.

Pour les dirigeants européens, peu importe l’inflation, elle ne touche que les pauvres.

 Il y a aussi le nihilisme économique des dirigeants européens, avec leur destruction de l’industrie.

 Il y a la moralité zéro des dirigeants européens, avec l’agression militaire contre la Russie, leur volonté de guerre.

 Il s’agit d’une pulsion suicidaire, comme si les dirigeants européens espéraient la fin de la construction européenne, une construction européenne qu’ils considèrent plus ou moins consciemment comme moribonde, même si, provisoirement, la guerre donne du sens à cette construction européenne.

 Cette pulsion suicidaire se manifeste en particulier par la renonciation du géant allemand à la puissance et par la renonciation des élites européennes à la liberté.

 Les élites européennes n’ont pas compris que le moteur du projet européen était la dissolution des nations, avec des citoyens apathiques et atomisés, des élites irresponsables et la destruction de l’industrie.

Sans conscience nationale, sans boussole, l’Allemagne devient une machine à produire.

Dans cette dissolution des nations, l’Allemagne s’est révélée plus résistante, car la famille souche, autoritaire et inégalitaire, conserve des habitudes mentales de discipline, de travail et d’ordre.

Privée de conscience nationale, la société allemande devient une machine à produire. C’est l’obsession de l’adaptation industrielle. Cette obsession implique en particulier de compenser l’atonie démographique par un afflux massif d’immigrés. Dans le courant des années 2000, l’Allemagne agit comme une société machine, résolvant des problèmes économiques séparément les uns des autres sans que la guide la notion de véritable destin national. En 2012, de manière schizophrénique ou sans repère, elle entre dans un partenariat énergétique étroit avec la Russie (ce que les États-Unis ne veulent pas), tout en comptant sur les États-Unis pour la protéger militairement. Cette combinaison d’actes désordonnés caractérise une société dépourvue d’une conception globale de ce qu’elle fait.

Nation active (avec idéal) et nation inerte (nation-machine, etc.).

 A partir de 2000, l’Allemagne n’est plus une nation active (l’idéal national s’est évaporé, mais le peuple subsiste), elle est une nation inerte qui, hors de toute conscience d’elle-même, continue sur une trajectoire, avec une obsession économique.

En culture souche, les chefs ont un sentiment de supériorité, tout en étant anxieux.

 Dans la culture souche, les individus sont sécurisés par la présence au dessus d’eux d’une autorité quelconque, et les chefs, que ne surplombe plus aucune autorité rassurante, ressentent un malaise qui n’est pas trop grave si le pays n’est pas très puissant (si le pays n’est pas très puissant, il y aura toujours un parrain extérieur), mais qui est grave si le pays commence à dominer. L’inégalité des frères entre eux mute en inégalité des hommes et des peuples. L’autorité du père sur les fils devient droit de domination sur les peuples faibles. Cela donne : mon pays est supérieur à tous les autres et ces autres doivent obéir.

 La nation souche, puissance industrielle dominante, perd le contact avec la réalité, ce qui peut se traduire par la perte de self-control des chefs, ou bien par le renoncement à défendre les intérêts du pays, l’aspiration à la soumission, exprimant la difficulté d’être un chef en système souche quand il n’y a pas de conscience nationale et donc de principe directeur d’action (d’anxieux, le dirigeant souche devient passif).

 L’atomisation sociale produit de la fébrilité ou de la passivité (faire semblant de faire la guerre est une forme de passivité qui peut être plus efficace que la fébrilité).

L’atomisation sociale produit de la passivité chez les dominés, de l’activisme chez les dominants.

Dans le cas de l’Allemagne, il est possible que la passivité (qui peut se traduire par l’attitude de faire semblant de faire la guerre) soit supérieure à la fébrilité.

En Occident, les peuples sont dominés et sans perspective, et donc sans action collective.

En Occident, les peuples ne comptent plus, aussi bien par la faute des élites que parce que, rendus anomiques par un état religieux et idéologique zéro, aucune action collective ne peut plus les mobiliser.

En Occident, les dirigeants, tous oligarques, sont obligés de placer leurs capitaux dans des paradis fiscaux contrôlés par les États-Unis et leurs sont donc serviles.

 Les dirigeants sont des robots pilotés de l’extérieur.

Depuis 1960, le dollar est une monnaie d’échange à l’échelle internationale. Les riches oligarques thésaurisent en dollars, plaçant dans des paradis fiscaux anglo-saxons contrôlés par les États-Unis (300 000 employés sont affectés à cette surveillance), perdant ainsi leur autonomie mentale et stratégique, ce qui explique leur soumission, leur servilité.

Les États-Unis ont besoin des capacités industrielles de leur protectorat.

 Les États-Unis en déclin ont besoin des capacités industrielles de leurs derniers protectorats, qu’ils contrôlent étroitement.

Le nihilisme domine en Grande-Bretagne.

Apparaît en Grande-Bretagne une moralité zéro, la désindustrialisation, une baisse de l’espérance de vie et du niveau de vie, des privatisations sauvages, des externalisations des services étatiques.

Le néolibéralisme, c’est l’instinct d’acquisition libéré (faire de l’argent), sans morale, en détruisant les usines, les métiers, les existences.

Le néolibéralisme est la libération d’un instinct d’acquisition dissocié de toute morale, dissimulé derrière une théorie économique. C’est la cupidité. Il s’agit de manière simpliste de faire de l’argent. Il s’agit, de manière nihiliste, de détruire des usines, des métiers, des existences. C’est le protestantisme zéro.

Le nihilisme, c’est la conversion au mal, à la pauvreté, à l’atomisation sociale, aux comportements négatifs, aux violences exercées sur les citoyens nationaux ou étrangers, à l’obsession de l’argent et du pouvoir, à l’autodestruction et à la guerre, mais c’est aussi le refus de la réalité, la négation de la réalité.

Le nihilisme est un concept qui symbolise la conversion de l’Amérique du bien au mal. Les États-Unis mènent à la pauvreté et à l’atomisation sociale avec des comportements négatifs, conséquence de la décomposition du protestantisme. L’état zéro du protestantisme permet de comprendre le pourrissement interne, la mégalomanie externe, les violences exercées sur les citoyens américains sur les citoyens des autres pays. La vie politique fonctionne sans valeur, elle n’est qu’un mouvement qui tend vers la violence. C’est l’obsession de l’argent et du pouvoir, mais l’argent et le pouvoir ne sauraient être des buts en eux-mêmes, des valeurs. Le vide induit une propension à l’autodestruction, au militarisme.

Le nihilisme, ce n’est pas seulement le besoin de détruire soi et les autres, c’est aussi le refus de la réalité, la négation de la réalité.

 Comme exemple de nihilisme appliqué, il y a ces grandes entreprises pharmaceutiques, relayées par des médecins bien payés et peu scrupuleux et par le Congrès, qui mettent à la disposition des patients des médicaments qui mènent très fréquemment à une mort directe.

Comme autre exemple de nihilisme, de refus de la réalité, de négation de la réalité, il y a la religion nihiliste du genre, qui prétend qu’on peut transformer un homme en femme, réciproquement.

Le grand nombre d’éduqués supérieurs entraîne la fin de l’ethos égalitaire, du sentiment d’appartenance, des valeurs communes, de l’unité idéologique, des classes moyennes (il ne reste plus qu’une classe moyenne supérieure, 10% de la population), de la méritocratie, des capacités intellectuelles et l’essor des inégalités, des parasites des écoles de commerce et des oligarques nihilistes qui se moquent des 90%.

Le seuil de 25 pour cent d’éduqués supérieurs a été atteint aux États-Unis dès 1965. Les éduqués supérieurs considèrent alors qu’ils détiennent une supériorité intrinsèque. Au rêve d’égalité succède une légitimation de l’inégalité. Le développement de l’éducation supérieure voit s’éteindre l’ethos égalitaire que l’alphabétisation de masse avait répandue et, au-delà, tout sentiment d’appartenance à une collectivité. L’unité religieuse et idéologique vole en éclats. S’enclenche alors un processus d’atomisation sociale et d’amenuisement de l’individu, qui, cessant d’être encadré par des valeurs communes, se retrouve fragilisé. Apparaît le déclin intellectuel.

 L’implosion du protestantisme et de son inégalitarisme métaphysique libère les Noirs du principe d’inégalité tout en désorganisant la démocratie américaine qui fixait l’inégalité sur les races inférieures, les Indiens et les Noirs (d’un côté les élus, les Blancs, et de l’autre les damnés).

 La liquidation de la classe ouvrière par la globalisation a causé le dépérissement des classes moyennes. Ne subsiste plus qu’une classe moyenne supérieure, 10% de la population peut-être, accrochée à l’oligarchie des 0,1% supérieur, et qui s’efforce de ne pas dégringoler.

 Les privilégiés sont fatigués de jouer le jeu de la méritocratie, même s’ils en sortent gagnants. Les plus riches avaient toujours été en mesure d’acheter des places à leur progéniture à Harvard, Yale ou Princeton. Les rejetons des catégories moyennes supérieures devaient subir des tests. On vient de supprimer les tests. La renonciation au principe méritocratique clôt la phase démocratique de l’histoire américaine.

Nous avons une société oligarchique. Les oligarques vivent entourés de leurs dépendants, des privilégiés eux aussi. Ensemble, ils se moquent des difficultés qu’affrontent 90% de leurs concitoyens. C’est cette oligarchie libérale, travaillée par le nihilisme, qui mène la lutte de l’Occident.

On assiste à une fuite sociale interne des cerveaux : vers le droit, la finance et les écoles de commerce, tous secteurs où les revenus peuvent être plus élevés que ceux de l’ingénierie ou de la recherche scientifique. Les études supérieures en droit, en finance ou de commerce, sans provoquer une quelconque amélioration des capacités productives ou même intellectuelles des individus concernés, leur procure toutefois, par suite de leur position sociale, une capacité supérieure de prédation de la richesse produite par le système. La multiplication de tels diplômés crée une multitude de parasites.

 Pour compenser leurs carences en travailleurs scientifiques et techniques de tous niveaux, les États-Unis en importent massivement (2,5 millions).

 Les inégalités augmentent.

Il est plus facile de produire de la monnaie que des biens : l’ingénieur ou l’industriel devient marginal.

 L’Amérique produit la monnaie du monde, le dollar, et la capacité qu’elle a de tirer de la richesse monétaire du néant la paralyse. Produire la monnaie du monde à un coût minimal ou nul rend plus rentables et par conséquent peu attirantes toutes les activités autres que la création monétaire. Les 95% de la production monétaire résultent des prêts que les banques consentent à des particuliers ou s’accordent entre elles. S’il y a une crise, la Fed, pour sauver le système, émettra plus argent, garantissant que la création monétaire par les banques et les particuliers, de fait par l’État, est sans limite.

Absence de limites aussi pour la dette publique américaine dont le plafond légal est chaque fois que c’est nécessaire relevé par le Congrès.

 Les dollars et les bons du trésor continuent d’être émis et les privilégiés de la planète continuent à les acheter.

 Difficile d’amender un tel système : il est tellement plus facile de produire de la monnaie que des biens. Et le beau métier sera bien sûr celui qui rapproche son possesseur de la création monétaire, de la source de l’opulence : banquier, avocat fiscaliste, lobbyiste au service du banquier, etc. L’ingénieur est trop éloigné de cette source prodigue, l’industriel vit avec l’obligation de réaliser un taux de profit fixé par les gens qui fabriquent de l’argent.

 Une protection aux frontières contre l’industrie étrangère ne peut suffire si la vraie concurrence vient d’une planche à billets interne, collective et démoniaque. Le mécanisme se répercute, par anticipation, sur les jeunes qui choisissent formations et métiers. C’est la fuite des cerveaux vers les métiers improductifs. Il s’agit de se rapprocher des fontaines sacrées d’où jaillit le dollar.

Les néoconservateurs, dans un climat de moralité zéro, optent pour une dynamique du pouvoir pur, avec une préférence pour la force militaire et la guerre, réagissant à des impulsions venues d’un réseau local tout à fait dénué de morale commune, un réseau sans croyance de portée nationale ou universelle, un réseau anomique, atomisé, d’individus faibles, au surmoi fragile, sans idéal du moi pour les structurer, mus par un mécanisme de régulation mimétique interne au groupe local ou professionnel auquel ils appartiennent. Les individus n’existent que les uns par rapport aux autres, ne déterminant pas leurs actes et décisions en se référant à des valeurs extérieures à leur groupe ou des valeurs supérieures (des valeurs religieuses, morales ou historiques) : leur seule conscience est locale, villageoise, enfermés professionnellement dans la politique étrangère, dans l’international, ce qui prédispose à l’activisme : ils ont intérêt à ce que les États-Unis aient une politique mondiale ambitieuse. Plus le gouvernement américain est occupé à l’extérieur et plus il y a de postes à pourvoir parmi les experts en politique internationale. Plus la part de la richesse nationale consacrée à résoudre les problèmes mondiaux sera grande et plus importante sera leur influence potentielle, d’où une propension à gonfler les menaces et une obsession de la puissance militaire. Si ces politiciens du Blob ont intérêt à ce que ça chauffe militairement, il en est de même de la police, de l’armée et du journalisme : les journalistes qui, autrefois, adhéraient à des idéologies opposées, sont devenus le « Journalisme », avec son éthique et ses préoccupations propres et aussi sa propre préférence pour la guerre, parce que la guerre, c’est du spectacle. Aux États-Unis, les appareils d’État (l’armée, marine, l’Air Force, la CIA, la NSA) sont des gigantesques et froides machines peuplées d’individus qui, pour l’essentiel, respectent le principe hiérarchique. Ces monstres bureaucratiques sont chevauchés par la petite bande de demi-intellectuels qui habitent le Blob, ce sous-village de Washington.

 On pourrait ajouter que ces néoconservateurs et les élus qui les soutiennent sont souvent d’anciens dirigeants d’industrie et de finance liés à la guerre, des lobbyistes du complexe militaro-industriel. En France, le président de la république est associé gérant d’une banque américaine.

La fin de l’élite du pouvoir, dans un climat de moralité zéro, s’est accompagnée de la volatilisation de tout ethos commun aux groupes dirigeants. L’élite WASP indiquait une direction, des objectifs moraux, bons ou mauvais. Le groupe dirigeant actuel (je n’ose l’appeler élite) ne propose rien de tel. Ne subsiste en son sein qu’une dynamique du pouvoir pur qui, projetée sur le monde extérieur, mute en une préférence pour la puissance militaire et la guerre.

Les individus qui composent le groupe dirigeant de la plus grande puissance mondiale n’obéissent plus à un système d’idées qui le transcende mais réagissent à des impulsions venues du réseau local auquel ils appartiennent. Le village de Washington n’est plus qu’une collection d’individus tout à fait dénués de morale commune. Le groupe n’est plus soudé par une croyance de portée nationale ou universelle. Il est anomique au sens d’atomisé, selon un mécanisme purement local de régulation des croyances et des actes. Il s’agit d’individus au surmoi fragile qu’aucune croyance collective, société ou idéal du moi ne structurent ni n’encadrent. Ces individus faibles sont mus par un mécanisme de régulation mimétique interne au groupe auquel ils appartiennent localement ou professionnellement.

 L’atomisation des sociétés individualistes avancées induit des dérives centripètes de lieu ou de métier. Les individus n’existent que les uns par rapport aux autres. Ils ne déterminent plus leurs actes et décisions en se référant à des valeurs extérieures et surtout supérieures : religieuses, morales, historiques. Leur seule conscience est locale, villageoise.

Le Blob washingtonien est un groupe dirigeant dépourvu d’attache intellectuelle ou idéologique extérieure à lui-même. Alors qu’autrefois les personnes qui se consacraient à la politique étrangère avaient été formées dans d’autres disciplines, y entrant avec des vues et des préoccupations générales, les gens du Blob ne sortent jamais de leur corral, même quand ils changent de postes ou en apparence de métier.

L’effet pervers de cet enfermement dans l’international est qu’il prédispose à l’activisme. Ils ont un intérêt personnel à ce que les États-Unis aient une politique mondiale ambitieuse. Plus le gouvernement américain est occupé à l’extérieur, plus il y a de postes à pourvoir parmi les experts en politique internationale, plus la part de la richesse nationale consacrée à résoudre ses problèmes mondiaux sera grande et plus importante sera leur influence potentielle, d’où une propension à gonfler les menaces et une obsession de la puissance militaire. Il y a intérêt professionnel à ce que ça chauffe !

Dans un monde où dépérissent les idéologies, subsistent bien entendu l’État et plus encore les métiers. Ainsi les journalistes qui, autrefois, adhéraient à des idéologies opposées, sont devenus le « Journalisme », avec son éthique et ses préoccupations propres et aussi, notons le, sa propre préférence pour la guerre, parce que c’est du spectacle.

Même schéma pour la police ou l’armée.

Dans le Blob, les membres circulent en marge des partis. Comme dans n’importe quel milieu étroit, dans n’importe quel village, on voit se former des couples et se conclure des mariages.

Aux États-Unis, les appareils d’État (l’armée, marine, l’Air Force, la CIA, la NSA) sont des gigantesques et froides machines peuplées d’individus qui, pour l’essentiel, respectent le principe hiérarchique. Ces monstres bureaucratiques sont chevauchés par la petite bande de demi-intellectuels qui habitent le Blob, un sous-village de Washington.

Les occidentaux vivent comme une sorte de bourgeoisie planétaire, en exploiteurs du travail sous-payé du Reste du monde, ce qui transforme les populations du Reste en prolétariat généralisé et transforme le prolétariat européen, qui doit une partie de son niveau de vie en hausse au travail des peuples du Reste, en une plèbe de serviteurs apprivoisés, non plus engagés dans les industries agricoles et manufacturières de base, mais maintenus dans l’exécution de services personnels ou de services industriels mineurs, sous le contrôle de la nouvelle aristocratie financière. Les ouvriers occidentaux ne consomment plus ce qu’ils produisent. Les objets de consommation sont désormais produits ailleurs. Comme les prolétaires européens doivent une partie de leur niveau de vie en hausse au travail des peuples du Reste, ils peuvent négocier dans un système social plus aimable, avec des partis politiques et des syndicats devenus réformistes. Cependant, du fait que l’ablation de leur valeur en tant que producteurs les prive d’utilité sociale, les ouvriers sont en désarroi, souvent acculés à l’alcoolisme, à la drogue, au suicide, et au vote à droite : alors que les partis de gauche, sociaux-démocrates ou communistes, s’appuyaient sur des classes ouvrières exploitées, les partis populistes s’appuient sur des plèbes dont le niveau de vie dérive largement du travail sous-payé des prolétaires de Chine, du Bangladesh, du Maghreb ou d’ailleurs ; les électeurs populaires du Rassemblement national sont des extracteurs de plus-value à l’échelle mondiale : ils sont donc très normalement de droite. Si la délocalisation de nombreuses activités productives a contribué à anémier de plus en plus nos provinces et nos banlieues, le libre-échange a tenu sa promesse de favoriser le consommateur aux dépens du producteur, de transformer le producteur en consommateur, et le citoyen productif en plébéien parasite, guère désireux au fond de retrouver le chemin et la discipline de l’usine, ce qui explique la difficulté de la réindustrialisation. Mais tout cela ne concerne pas seulement les milieux populaires. C’est l’ensemble de la société qui profite du travail des ouvriers chinois et des enfants du Bangladesh, les jeunes diplômés de l’enseignement supérieur mal payés comme les prolos, les électeurs de LFI comme des électeurs du RN. Ils vivent tous des surprofits de la globalisation.

Les Occidentaux n’ont pas reconnu qu’en délocalisant leur industrie ils se proposaient de vivre comme une sorte de bourgeoisie planétaire, en exploiteurs du travail sous-payé du Reste du monde. Ce rapport d’exploitation a transformé les populations du Reste en prolétariat généralisé. Les classes supérieures prélèvent ainsi d’énormes tributs au moyen desquels elles entretiennent une plèbe de serviteurs apprivoisés, non plus engagés dans les industries agricoles et manufacturières de base, mais maintenus dans l’exécution de services personnels ou de services industriels mineurs sous le contrôle d’une nouvelle aristocratie financière.

 La participation indirecte des classes ouvrières de l’Ouest aux surprofits générés par l’impérialisme s’exprime par le fait que les prolétaires européens doivent une partie de leur niveau de vie en hausse au travail des peuples du Reste, qu’ils peuvent donc négocier dans un système social qui leur devient plus aimable, avec des partis socialistes et des syndicats qui deviennent réformistes.

 Le prolétariat occidental est complètement transformé en une plèbe vivant largement du travail du Reste du monde. Les ouvriers occidentaux ne consomment plus ce qu’ils produisent : les objets de leur consommation sont désormais produits ailleurs. Le prolétariat laborieux se mue en plèbe dans les années 2000, à l’instigation des théoriciens et des praticiens de l’économie mondialisée.

Les théoriciens actuels de l’économie ne s’intéressent qu’aux consommateurs, qui doivent pouvoir acheter les biens dont ils ont besoin au prix le moins élevé. Ces apôtres théoriciens menacent sans cesse les peuples occidentaux de devoir payer plus cher leur nourriture, leurs vêtements, leur téléphone portable, leurs automobiles, leurs médicaments, les jouets de leurs enfants et leur nain de jardin s’ils s’obstinent à vouloir les fabriquer eux-mêmes. Les apôtres ont gagné, mais leur victoire a des conséquences socio-politiques qu’ils n’avaient pas anticipées.

 Nous constatons, en effet, premièrement, le désarroi moral des ouvriers que l’ablation de leur valeur en tant que producteurs a privé d’utilité sociale. Ils sont souvent acculés à l’alcoolisme, à la drogue, au suicide.

 Nous constatons, deuxièmement, le vote à droite des ouvriers. Alors que les partis de gauche, sociaux-démocrates ou communistes, s’appuyaient sur des classes ouvrières exploitées, les partis populistes s’appuient sur des plèbes dont le niveau de vie dérive largement du travail sous-payé des prolétaires de Chine, du Bangladesh, du Maghreb ou d’ailleurs ; les électeurs populaires du Rassemblement national sont des extracteurs de plus-value à l’échelle mondiale : ils sont donc très normalement de droite.

 Cette analyse permet de comprendre pourquoi il est si difficile de réindustrialiser. Si la délocalisation de nombreuses activités productives a contribué à anémier de plus en plus nos provinces et nos banlieues, le libre-échange a tenu sa promesse de favoriser le consommateur aux dépens du producteur, de transformer le producteur en consommateur, et le citoyen productif en plébéien parasite, guère désireux au fond de retrouver le chemin et la discipline de l’usine.

Mais cela ne concerne pas seulement les milieux populaires. C’est l’ensemble de la société, dans le monde occidental avancé, qui profite du travail des ouvriers chinois et des enfants du Bangladesh, les jeunes diplômés de l’enseignement supérieur mal payés comme les prolos, les électeurs de LFI comme des électeurs du RN. Ils vivent tous des surprofits de la globalisation.

L’OTAN, considérant une guerre conventionnelle contre la Russie trop dangereuse, se rabat sur des opérations conventionnelles très localisées (comme l’Occident fait fabriquer ce dont il a besoin par les travailleurs des pays à bas salaires, il fait faire la guerre par l’Ukraine) et sur les sanctions, des sanctions qui donnent à la guerre une dimension mondiale et un caractère de lutte à mort entre les États-Unis et la Russie. Cependant, les sanctions ne marchent pas, car le Reste du monde a convenu d’aider la Russie, l’Occident découvrant qu’on ne l’aimait pas, ne se rendant pas compte que l’exploitation par l’Occident d’un Reste du monde où triment pour des salaires dérisoires hommes, femmes et enfants, incline le Reste vers une Russie qui ne joue pas le jeu de cette exploitation mondiale en insistant pour rester une nation souveraine et garder ses valeurs traditionnelles. De plus, la saisie illégale des avoirs russes à l’étranger a soulevé une vague de terreur parmi les classes supérieures du Reste du monde : échapper à l’État américain prédateur devient une obsession, se dégager de l’empire du dollar devient un objectif raisonnable (l’Occident pensait que les classes supérieures du Reste allaient été solidaires de l’Occident, où ils recyclent leurs dollars et utilisent leurs paradis fiscaux, dans un espace commun à tous les super-riches de la planète, dans un univers post-national authentique).

L’affrontement en Ukraine oppose la Russie aux États-Unis et à leurs alliés (ou vassaux). Cet affrontement est avant tout économique, sous forme de sanctions. En effet la doctrine militaire russe autorise désormais Moscou à user de frappes nucléaires tactiques si l’État russe est menacé. L’engagement de l’OTAN dans une guerre conventionnelle créerait une situation trop dangereuse. L’Ukraine est donc le théâtre d’opérations conventionnelles très localisées. Les Russes, en s’interdisant de mener une vraie guerre conventionnelle, ont satisfait les Occidentaux.

 L’envoi de matériel militaire à l’Ukraine, mais non d’hommes, s’inscrit bien dans la logique de la globalisation : nous avons, dans un premier temps, fait fabriquer ce dont nous avions besoin par les travailleurs des pays à bas salaires ; dans un second temps, nous faisons faire la guerre dont nous avons besoin par un pays à bas coût. Le corps humain ne vaut pas cher en Ukraine.

Dans le cas de la guerre en Ukraine, les sanctions ont surtout élargi à la planète le champ des opérations et donner à la guerre, instantanément, une dimension mondiale et un caractère de lutte à mort entre les États-Unis et la Russie. Pour fonctionner, la sanction doit abolir la neutralité des non-belligérants et obtenir leur participation. Le Reste du monde a convenu d’aider la Russie. L’Occident a découvert qu’on ne l’aimait pas : une terrible blessure narcissique. Le Reste du monde a soutenu la Russie dans son effort pour briser l’OTAN, en achetant son pétrole et son gaz, en lui fournissant les matériels et les pièces détachées dont elle avait besoin pour continuer la guerre et marcher sans trop de mal comme société civile.

L’exploitation mondiale du Reste par l’Occident constitue le contenu sémantique de la vision du Reste, où triment pour des salaires dérisoires hommes, femmes et enfants, d’où cette inclination du Reste pour cette Russie qui ne joue pas le jeu de cette exploitation mondiale mais insiste au contraire pour rester une nation souveraine, une inclination qui manifeste que l’opposition économique entre un Occident exploiteur et un Reste du monde exploité est bien une réalité (il y a aussi le fait que Poutine est contre l’homophobie et la politique du genre et qu’il promeut le christianisme orthodoxe, ce qui séduit de nombreux pays).

Dans cette exploitation, l’Occident a laissé subsister les classes dirigeantes locales, et dans sa stratégie des sanctions, l’Occident a été inconscient que le concret de ces sanctions allait susciter dans les classes supérieures locales du Reste une peur inédite des États-Unis. Si ce sont les travailleurs du bas de l’échelle sociale qui boulonnent pour assurer le confort de l’Occident, les multiples décisions d’aider la Russie n’ont pas été prises par les travailleurs exploités, mais par les groupes dirigeants indiens, turc, saoudien, sud-africain, brésilien, argentin et tant d’autres. On aurait pu s’attendre à ce qu’ils fussent solidaires de l’Occident, où ils recyclent leurs dollars et duquel ils pourraient même s’imaginer faire partie. Les grands hôtels, les paradis fiscaux, les écoles privées américaines et anglaises où les ploutocrates de tous les pays envoient leurs enfants auraient pu, ensemble, délimiter un espace commun à tous les super-riches de la planète, dans un univers post-national authentique. Mais la saisie illégale des avoirs russes à l’étranger a soulevé une vague de terreur parmi les classes supérieures du Reste du monde. En traquant l’argent et les yachts des oligarques russes, les États-Unis (et leurs vassaux) ont, de fait, menacé dans leurs biens tous les oligarques du monde, ceux des grands comme des petits pays. Échapper à l’État prédateur américain est devenu partout une obsession et se dégager de l’empire du dollar devient pour tous un objectif raisonnable. Les sanctions ont en pratique rapproché les peuples du Reste du monde de leurs privilégiés.

En Amérique, c’est l’état zéro de la religion et de l’idéologie, la forme extrême de la postmodernité qu’est le nihilisme, c’est la pauvreté et la mortalité qui s’accroissent, la moralité, l’éthique de travail et le sentiment de responsabilité qui se sont évaporés, les décisions qui ont cessé d’être morales ou rationnelles, le respect des engagements qui devient une chose désuète, l’irrationalité dans la fusion du nihilisme américain avec le nihilisme ukrainien, l’incompréhension de la marche inexorable autant qu’absurde à la guerre, avec une phase pacifiste, suivie d’une phase guerrière, suivie d’une phase un peu moins guerrière, suivie elle-même de la situation actuelle où les États-Unis, avec Trump et Biden, sortent du réel, préférant l’irrationalité, la violence, l’aggravation des conflits et les guerres.

Après la chute de l’URSS, toutes les nations sont inertes, affectées par un mouvement vers un état zéro de la religion et de l’idéologie (c’est pourquoi Poutine veut préserver la Russie d’un engagement total dans la guerre : les Russes sont des individus modernes qui pensent d’abord à leur plaisir et à leur peine, tout en étant, il est vrai, à l’abri de la forme extrême de la postmodernité qu’est le nihilisme).

L’Amérique s’étend vers l’extérieur, alors qu’à l’intérieur la pauvreté et la mortalité s’accroissent. La moralité, l’éthique du travail et le sentiment de responsabilité se sont évaporés. Les décisions ont cessé d’être morales ou rationnelles. Le respect des engagements est considéré comme une chose désuète : trahir devient normal.

 Les dirigeants ne maîtrisent plus la séquence historique, et en particulier ne comprennent pas la marche inexorable autant qu’absurde à la guerre.

 La fusion du nihilisme américain avec le nihilisme ukrainien est la revanche ultime sur la raison en histoire.

 Dans une première phase, les États-Unis acceptent la perspective d’une paix générale, même si Brzezinski considère que la liaison de l’Allemagne et de la Russie est la menace principale et que, pour achever la Russie, il faut arracher l’Ukraine.

 Dans une deuxième phase belliciste, les États-Unis agrandissent l’OTAN, interviennent en Irak, en Afghanistan, en Ukraine (révolution orange).

Avec la crise de 2008 et l’élection de Barak Obama, dans une troisième phase relativement moins belliciste, les États-Unis se retirent l’Irak, les Allemands entraînent les États-Unis en Ukraine en 2014, les États-Unis n’interviennent pas en Crimée et en Syrie.

 Dans la quatrième phase, les États-Unis sortent du réel, Donald Trump est élu, puis Biden. Les États-Unis sont entraînés par les nihilistes ukrainiens. Les États-Unis préfèrent l’irrationalité, la violence, l’aggravation des conflits, les guerres.

L’Occident invente la légende noire de Poutine et de la Russie.

Le 24 février 2022, Poutine lance un défi à l’OTAN. Il laisse transparaître avec un réalisme cruel un rapport de force technique qui lui est favorable.

Le discours aurait mérité d’être discuté, mais s’est imposé la vision d’un Poutine incompréhensible et de Russes soit incompréhensibles, soit soumis, soit idiots.

Ce qui est surprenant, c’est l’irruption d’une guerre en Europe, c’est l’affrontement entre les États-Unis et la Russie et non entre les États-Unis et la Chine, c’est l’investissement de l’Ukraine dans la guerre, c’est la résistance économique de la Russie, c’est l’effondrement de toute volonté européenne autonome, c’est le Royaume-Uni hystériquement antirusse, c’est l’intérêt de la Scandinavie pour la guerre contre la Russie, c’est l’effondrement économique et militaire des États-Unis, c’est l’isolement de l’Occident et c’est la défaite de l’Occident.

La guerre nous fournit beaucoup de surprises. La première est l’irruption de la guerre en Europe, une vraie guerre entre deux États. La deuxième est que l’affrontement est entre les États-Unis et la Russie et non entre les États-Unis et la Chine. La troisième est que l’Ukraine trouve dans la guerre une raison de vivre, une justification de sa propre existence. La quatrième est la résistance économique de la Russie. La cinquième est l’effondrement de toute volonté européenne autonome. La sixième est le surgissement du Royaume-Uni en roquet antirusse. La septième est l’intérêt de la Scandinavie pour la guerre. La huitième est l’effondrement économique et militaire des États-Unis. La neuvième est l’isolement de l’Occident. La dixième est la défaite de l’Occident.

L’État-nation est à la fois wébérien en interne et hobbésien en externe, il est ancré dans une culture et des valeurs communes, il est autonome, il possède une classe moyenne éduquée et différenciée. Il n’y a pas d’État-nation s’il y a un déficit commercial systématique, si les classes moyennes sont détruites, s’il n’y a plus de culture commune, s’il n’y a pas de projet commun, s’il est dirigé par un groupe militaire sans culture, n’ayant comme valeurs que la puissance et la violence, avec une élite atomisée, anomique : un système à grande capacité de nuisance.

Les Russes comme les réalistes américains, qui conçoivent les relations internationales comme une combinaison de rapports de force égoïstes entre États-nations, partagent la représentation d’un monde constitué d’États-nations, détenteurs en interne du monopole de la violence légitime (État wébérien), et survivants dans un environnement extérieur où seul importent les rapports de force (État hobbésien). Ils pensent en termes d’États-nations et de souveraineté. L’État-nation n’est pas juste l’État ou la nation décrite de façon abstraite : c’est un État et une nation, ancrés dans une culture et possédant des valeurs communes. Ils tiennent compte de l’épaisseur anthropologique et historique du monde. Le monde issu des grandes vagues de décolonisation de la seconde moitié du vingtième siècle est organisé en États qui ne pouvaient imaginer autre chose que de devenir des nations.

Le concept d’État-nation présuppose l’appartenance des diverses strates de la population d’un territoire à une culture commune, au sein d’un système politique qui peut être indifféremment démocratique, oligarchique, autoritaire, totalitaire. Pour être applicable, il exige aussi que le territoire en question jouisse d’un degré minimal d’autonomie économique, une autonomie qui n’exclut pas des échanges commerciaux équilibrés.

Un déficit commercial systématique rend le concept d’État-nation caduc puisque l’entité territoriale ne peut survivre que par la perception d’un tribut ou d’une prébende venus de l’extérieur, sans contrepartie.

Un État-nation qui marche correctement suppose par ailleurs une structure de classe spécifique, incluant des classes moyennes comme centre de gravité, donc plus qu’une simple bonne entente entre l’élite dirigeante et la masse. C’est grâce à une hiérarchie urbaine concrète, peuplée d’une classe moyenne éduquée et différenciée, que peut apparaître l’État, système nerveux de la nation. La destruction des classes moyennes a contribué à la désintégration de l’État-nation américain. Partout où la classe moyenne l’emporte numériquement sur les deux extrêmes ensemble ou sur l’un des deux seuls, on peut avoir un gouvernement stable (partout, celui qui inspire le plus de confiance, c’est l’arbitre, et l’arbitre, c’est l’homme qui a une position moyenne).

Sans conscience nationale, par définition, plus d’État-nation. Dans le cas de l’Union européenne, un dépassement de la nation est au cœur du projet. Les États-Unis souffrent de la disparition d’une culture nationale partagée par la masse et les classes dirigeantes : c’est l’implosion par étapes de la culture blanche, anglo-saxonne et protestante. Les États-Unis sont un empire privé de centre et de projet, un organisme essentiellement militaire dirigé par un groupe sans culture (au sens anthropologique) qui n’a plus comme valeurs fondamentales que la puissance et la violence. Ce groupe des néoconservateurs est assez étroit mais se meut dans une classe supérieure atomisée, anomique, et il a une grande capacité de nuisance géopolitique et historique.

Une défaite en Ukraine peut ne pas être acceptée par l’espace mental des États-Unis d’aujourd’hui.

L’évolution sociale des pays occidentaux induit un rapport difficile des élites à la réalité, un espace mental nouveau qu’il faut définir.

Si on prend en compte que le système américain est devenu tout à fait autre chose qu’un État-nation, que le niveau de vie des Américains dépend d’importations que des exportations ne couvrent plus, que l’Amérique n’a plus de classe dirigeante nationale au sens classique, qu’elle n’a même plus de culture centrale bien définie mais qu’y subsiste une gigantesque mécanique étatique et militaire, il faut considérer qu’il peut y avoir d’autres issues que le simple repli d’un État-nation qui assumerait une énième défaite en Ukraine, par Ukrainiens interposés, après ses retraits du Vietnam, d’Irak et d’Afghanistan, il se peut que la question ukrainienne soit existentielle pour les États-Unis.

Les États-Unis ne sont pas un État impérial (« l’Occident collectif ») ni un État bas-impérial (il y a la vitesse des évolutions, l’existence d’Internet, l’existence de nations géantes et la disparition du substrat chrétien), mais plutôt un État post-impérial (comme il n’y a plus de culture porteuse d’intelligence, on a des actions irréfléchies et contradictoires, avec une expansion en phase de contraction de base industrielle).

Les États-Unis ne sont pas un État impérial, un système impérial pluraliste, avec un Occident collectif au sein duquel les Européens ne sont que des vassaux. En effet, il n’y a pas un centre dominant, censé posséder une culture commune des élites ainsi qu’une vie intellectuelle raisonnable, et une périphérie dominée.

Les États-Unis ne sont pas un État bas-impérial. Rome en décadence, en improvisant une première globalisation, avait liquidé sa classe moyenne par l’afflux massif de blé, de produits manufacturés et d’esclaves qui avait détruit la paysannerie et l’artisanat, comme la classe ouvrière américaine a succombé à l’afflux de produits chinois, d’où une société polarisée entre une plèbe économiquement inutile et une ploutocratie prédatrice. Mais il y a l’existence d’Internet, la vitesse des évolutions incomparables et la présence autour des États-Unis de ces nations géantes que sont la Russie et la Chine, et surtout, il y a la disparition complète du substrat chrétien qui avait fait la force économique de l’Occident, disparition qui explique la pulvérisation des classes dirigeantes américaines et les turbulences mondiales actuelles.

Les États-Unis et leurs dépendances constituent un État post-impérial : si l’Amérique conserve la machinerie militaire de l’empire, elle n’a plus en son cœur une culture porteuse d’intelligence et c’est pourquoi elle se livre en pratique à des actions irréfléchies et contradictoires telles qu’une expansion diplomatique et militaire accentuée dans une phase de contraction massive de sa base industrielle (une guerre moderne sans industrie est un oxymore).

La hausse de la mortalité américaine et les dollars qui courent vers Kiev sont caractéristiques de la tendance irréversible vers le post-impérialisme, vers la disparition de la moralité sociale et du sentiment collectif, vers la désintégration du cœur du système face à l’expansion centrifuge.

Les États-Unis étaient un État-nation géant dans leur phase impériale positive des années 1945-1990 face à l’URSS. Les processus fondamentaux ne sont pas réversibles : la séquence stade national, puis impérial puis post-impérial n’est pas réversible, de même que la séquence extinction religieuse, disparition de la moralité sociale et du sentiment collectif n’est pas réversible, de même que la séquence expansion géographique centrifuge, désintégration du cœur originel du système n’est pas réversible. La hausse de la mortalité américaine et les milliards de dollars qui courent vers Kiev sont caractéristiques de ces processus irréversibles.

L’état religieux zéro conduit à une pulsion de destruction des choses et des hommes (l’amoralisme découlant d’une absence de valeurs) et à une pulsion de destruction de la vérité, l’interdiction de toute description raisonnable du monde.

En 2002, en utilisant des représentations rationalisantes de l’histoire et de l’activité des États, on pouvait supposer aux États-Unis un objectif de puissance rationnel, interprétant l’agitation diplomatique et militaire des États-Unis comme un micro-militarisme théâtral, visant à donner, pour un coût raisonnable, l’impression que l’Amérique était indispensable au monde après la chute de l’Union soviétique. Certes, le niveau de vie, la force du dollar, les mécanismes d’exploitation, les rapports de force militaires objectifs constituent un univers à peu près rationnel en surface, et de ce point de vue la question du niveau de vie américain et du risque que lui fait courir un effondrement systémique est importante.

Mais l’hypothèse exclusive d’une raison raisonnable doit être abandonnée pour intégrer ce qui est irrationnel en l’homme, notamment ses besoins spirituels. L’homme s’est efforcé de trouver au mystère de sa condition et à son caractère difficilement acceptable une solution religieuse. L’état religieux zéro va produire dans certains cas une déification du vide, un nihilisme, c’est-à-dire, d’une part, une pulsion de destruction des choses et des hommes, d’autre part, la destruction de la notion de vérité, l’interdiction de toute description raisonnable du monde, ce qui rejoint l’amoralisme découlant d’une absence de valeurs (l’acception la plus commune du mot). Pour un scientifique, les deux couples que forment le bien et le mal, le vrai et le faux se confondent.

Le système occidental actuel aspire à représenter la totalité du monde et ne reconnaît plus l’existence d’un autre légitime, il cesse par conséquent d’exister. La Russie, par contre, pense en termes de souveraineté et d’équivalence des nations : tenant compte de l’existence de forces hostiles, elle peut assurer sa cohésion sociale.

Le réalisme stratégique des États-nations n’a pas compris que l’Occident n’est plus constitué d’États-nations. La mentalité post-impériale, émanation d’un empire en désintégration, est imperméable à l’idée de souveraineté nationale. Aucune de ces deux mentalités ne saisit toute la réalité, mais les prises sur la réalité de l’une de l’autre ne sont pas équivalentes et l’asymétrie joue en faveur de la Russie.

Les groupes humains n’existent pas en eux-mêmes, mais toujours par rapport à d’autres groupes humains équivalents. Les titres de concitoyens et des compatriotes tombent en désuétude et perdent leur signification s’ils ne s’opposent pas à ceux d’étrangers et d’halogènes. Nous aimons les individus pour leurs qualités personnelles, mais nous aimons notre pays en tant qu’il est un parti dans les divisions de l’humanité. La moralité interne d’une société a un rapport avec son immoralité externe. C’est l’hostilité à un autre groupe qui fait qu’on est solidaire du sien. On donne à la multitude d’un peuple le sentiment d’union grâce à l’hostilité envers ceux qui s’opposent à lui. Si on éteint l’émulation qui est excitée de l’étranger, on brise ou affaiblit les liens sociaux chez soi et on ferme l’activité et les vertus nationales.

Le système occidental actuel aspire à représenter la totalité du monde et ne reconnaît plus l’existence d’un autre. Si l’on ne reconnaît plus l’existence d’un autre, légitime, on cesse d’exister soi-même. La force de la Russie et de penser en termes de souveraineté et d’équivalence des nations : tenant compte de l’existence de forces hostiles, elle peut assurer sa cohésion sociale.

Les déséquilibres internes de l’Occident, sa crise, ses illusions, ses mirages, ses leurres statistiques, ses manquements des médias, ses mensonges d’État, ses délires complotistes, sa violence deviennent des menaces pour la stabilité du monde.

Partant d’une action militaire de la Russie, nous découvrirons la crise de l’Occident.

Si l’analyse de la dynamique sociale russe est simple, l’examen de l’Europe, du Royaume-Uni et plus encore des États-Unis nous fera affronter illusions, reflets et mirages : nous découvrirons des déséquilibres internes d’une ampleur telle qu’ils en deviennent des menaces pour la stabilité du monde.

. Nous devrons admettre que la guerre, expérience de la violence et de la souffrance, royaume de la sottise et de l’erreur, est aussi un test de réalité : l’idéologie, les leurres statistiques, les manquements des médias, les mensonges des États et les délires du complotisme perdent leur pouvoir et une vérité simple apparaît : la crise occidentale est le moteur de l’histoire.

La stabilité russe se caractérise par les taux de décès par alcoolisme, de suicide, d’homicides, de mortalité infantile, de corruption, par les exportations de produits agricoles, de centrales nucléaires, par des champions nationaux d’Internet, par un système de messagerie financière russe et un système national de cartes de paiement, par le protectionnisme, par le rôle central de l’État, par le soutien populaire au régime même s’il y a des restrictions aux libertés (démocratie autoritaire), par la mise au pas de l’élite et l’attention extrême aux revendications ouvrières, par la liberté de circulation, par le nombre d’ingénieurs. La faiblesse de la Russie est sa basse fécondité. L’auteur ne fait pas la différence entre l’époque stalinienne, démonisée, et l’époque kroutchévienne : il n’y a pas de profondeur historique informée.

Entre 2000 et 2020, les taux de décès par alcoolisme, de suicides, d’homicides, de mortalité infantile et de corruption baissent, le niveau de vie s’élève, le taux de chômage baisse. La Russie atteint l’autosuffisance alimentaire, devenant un des plus grands exportateurs de produits agricoles (céréales, oléagineux, viande). Les importations de produits alimentaires sont divisées par deux. La Russie est le premier exportateur de centrales nucléaires. La Russie s’appuie sur des champions nationaux présents dans tous les segments de l’Internet, tout en restant ouverte aux solutions occidentales (il y a une concurrence véritable entre les Gafa et leurs équivalents locaux). Les accords de Minsk ont été signés en vue d’être prêt à affronter un régime de sanctions maximal, avec mise en place d’un système de messagerie financière russe, un système national de cartes de paiement et un système de paiement par carte. La principale mesure de protection de l’industrie et de l’agriculture a été la très forte dépréciation du rouble, puis, avec les sanctions, le protectionnisme, qui oblige à trouver des substituts aux importations. L’appareil d’État reste central, étant donné l’importance des ressources énergétiques. La Russie est une démocratie (soutien populaire au régime) autoritaire (non-respect des droits des minorités, restrictions aux libertés de la presse et de divers groupes de la société civile). Malgré le rôle central de l’État, il y a un attachement viscéral à l’économie de marché. Si Poutine a mis au pas la haute élite, il porte une attention extrême aux revendications ouvrières, cherchant à affermir le soutien à son régime dans les milieux populaires. Poutine est attaché à la liberté de circulation : les Russes ont le droit de sortir de Russie, même en temps de guerre.

Mieux et plus qu’un PIB, une économie est une population qui travaille avec ses différents niveaux de formation et ses types de compétence. La Russie forme plus d’ingénieurs que les États-Unis, malgré la disproportion des populations (il est vrai que les États-Unis importent des ingénieurs et des scientifiques).

Il y a un rapport entre l’émergence de classes moyennes éduquées et le développement de tendances libérales, voire libertaires.

Le facteur déclenchant de la chute du communisme soviétique a été l’émergence d’une classe moyenne éduquée supérieure.

Le passage d’un seuil de 50 pour cent d’hommes alphabétisés engendre dans le monde anglo-américain un libéralisme pur aux dix-septième et dix-huitième siècles, en France un libéralisme égalitaire à partir du dix-huitième siècle, en Allemagne la social-démocratie et le nazisme aux dix-neuvième et vingtième siècles, en Russie le communisme. L’accession à l’enseignement supérieur de 20 à 25 pour cent d’étudiants par génération entraîne l’effritement des idéologies primaires associées au stade de l’alphabétisation de masse. Le rapport au texte écrit et à l’idéologie devient plus critique, les paroles cessent d’être transcendantes. La Russie atteint ce seuil entre 1985 et 1990 (les États-Unis vers 1965).

Il y a un lien entre le communisme et la famille communautaire paysanne. Ce type familial, patrilinéaire, rassemblant le père et ses fils mariés dans une exploitation agricole, véhicule des valeurs d’autorité (du père sur les fils) et d’égalité (des frères entre eux). Le principe patrilinéaire se perpétue symboliquement par le système des trois noms : prénom, nom du père, nom de famille. L’abolition du servage, l’urbanisation et l’alphabétisation affranchissent l’individu de l’étouffante famille communautaire. L’individu libéré cherche dans le parti, dans l’économie centralisée, dans le KGB, des substituts à la puissance paternelle. Les valeurs d’autorité et d’égalité ne peuvent s’éteindre en quelques années à peine.

L’Amérique d’Eisenhower était consciente d’une spécificité russe, d’un pays au tempérament communautaire pour ne pas dire communiste. Régnait alors dans les esprits l’idée que le monde n’était pas homogène. Régnait une tolérance à la diversité qui reposait sur un tempérament américain pluraliste mis en forme par une école d’anthropologie raisonnable. Les États-Unis ont connu un temps le maccarthysme, paranoïa universaliste, mais, à partir de 1960, l’intolérance se déploie, actuellement dans toute sa splendeur avec les néoconservateurs, ces héritiers triomphalistes du maccarthysme. La Russie est vue en termes généraux. Il y a un refus de tenir compte de l’existence d’une culture russe, avec l’existence d’un État fort, avec l’acceptation d’une certaine forme d’autoritarisme et d’aspiration à l’homogénéité sociale, avec très peu d’individualisme.

Les inégalités sont importantes. Les oligarques russes, contrairement aux oligarques américains, ont renoncé à intervenir dans le système politique.

La faiblesse fondamentale de la Russie est sa basse fécondité. La Russie a choisi de faire une guerre lente pour économiser les hommes. La nouvelle doctrine, tenant compte de la pauvreté en hommes, autorise des frappes nucléaires tactiques si la nation et l’État russes sont menacés. Les Russes ont cinq ans pour terminer la guerre.

En ce qui concerne l’Ukraine, l’auteur parle du coup d’État de Maidan, « selon les Russes » et de l’Olodomor comme fait historique. Il ne parle pas des révolutions de 2014 en Crimée et dans l’est de l’Ukraine, ni de leur répression par le régime de Kiev. Il n’est pas conscient que, dans un régime formellement démocratique, il suffit de très peu de nazis bandéristes, armés et payés par les États-Unis, pour contrôler la politique et l’armée. En ce qui concerne l’Europe de l’Est, l’auteur reprend la mythologie historique sur Katyn et il utilise la notion fourre-tout de totalitarisme. Pour lui, le communisme sur le plan politique se révèle plus violent que certaines des dictatures de l’entre-deux-guerres. Même l’histoire de l’Ukraine depuis 2014 n’est pas informée.

L’auteur parle du coup d’État de Maidan, « selon les Russes » et de l’Olodomor comme fait historique. Il ne parle pas des révolutions de 2014 en Crimée et dans l’est de l’Ukraine, ni de leur répression par le régime de Kiev.

L’auteur distingue une Ukraine occidentale, assez rurale, de famille nucléaire très nette, structurée par des traditions religieuses gréco-catholiques, foyer traditionnel du nationalisme (Ukraine ultranationaliste), une Ukraine centrale de religion orthodoxe, de famille nucléaire assortie d’une parenté patrilinéaire faible, de tempérament certes individualiste, qui mais qui n’a jamais réussi à accoucher d’un État (Ukraine anarchique), une Ukraine russophile, que ses classes moyennes ont déserté, qui n’a plus de forme, malgré son fonds anthropologique nucléaire et patrilinéaire fort (Ukraine anomique). L’Ukraine ultranationaliste est surreprésentée au sein des élites politiques, l’Ukraine anarchique est surreprésentée dans l’élite militairo-policière.

L’auteur note le silence des dirigeants, des journalistes et des universitaires sur le fait d’arborer des insignes SS. Ce silence dit quelque chose de terrible sur notre état moral alors que nous nous gargarisons de célébrations mémorielles.

Pour l’auteur, le nazisme sans l’antisémitisme, ça n’existe pas. Ce qui caractérise l’Ukraine, ce n’est pas l’antisémitisme mais la russophobie.

Le protestantisme alphabétise et donc favorise l’essor économique. Le protestantisme considère les hommes comme inégaux (les élus et les damnés) et par son exigence de traduction de la Bible en langue vernaculaire, contribue à la formation des cultures nationales. Le protestantisme autoritaire correspond à la famille souche, le protestantisme est libéral par la famille nucléaire absolue. Le catholicisme du Bassin parisien, contiguë au protestantisme, est libéral du fait de la famille nucléaire égalitaire.

Il y a un lien entre le protestantisme et l’essor économique de l’Europe. Le protestantisme alphabétise par principe les populations qu’ils contrôlent parce que tous les fidèles doivent accéder directement aux écritures saintes. Or, une population alphabétisée capable de développement technologique et économique. La religion protestante à modeler une force de travail supérieurement efficace.

La France est le pays catholique qui, par effet de contiguïté, a réussi à se maintenir dans la sphère la plus développée de l’Occident.

 Selon la doctrine de la prédestination, il y a des élus et des damnés. Les hommes ne sont donc pas égaux. Ceci s’oppose à l’idée catholique ou orthodoxe d’une fondamentale égalité des hommes, lavés du péché originel par le baptême.

Luther et ses disciples, en exigeant que la Bible soit traduite en langue vernaculaire, ont contribué à la formation de cultures nationales et d’États puissants, guerriers, conscients d’eux-mêmes. Les peuples, à force de trop lire la Bible, se croient élus de Dieu.

Les formes autoritaires de protestantisme s’expliquent surtout par des prédispositions anthropologiques. La famille souche allemande ressemble à la famille communautaire russe. Un seul des fils est appelé à cohabiter avec le père, et non tous les fils comme en Russie, mécanisme qui produit un ordre social plus stable. Aucune égalité des frères ne le ronge, aucune association des frères contre le père ne le menace, aucune aspiration révolutionnaire radicale contre le tsar ou Dieu ne peut l’abattre.

 L’Angleterre protestante s’est, à l’opposé, distinguée par l’épanouissement de la liberté, celle du Parlement et celle de la presse. La famille nucléaire absolue ne fait jamais cohabiter plus qu’un couple et ses enfants, lesquels quittent leurs parents dès l’adolescence, envoyés comme domestiques dans d’autres familles. Un tel système prépare les individus à la liberté, il leur insuffle même un inconscient libéral, que les colons anglais exportent en Amérique. En France, dans le Bassin parisien, la famille nucléaire est égalitaire, puisque frères et sœurs sont égaux devant l’héritage, tandis que dans le monde anglo-saxon cette règle d’égalité entre les enfants n’existe pas. Le fond nucléaire peut nourrir un libéralisme instinctif.

Les États-Unis peuvent très tôt surmonter l’absence de principe égalitaire dans la vie familiale grâce à une fixation de l’idée d’infériorité sociale sur les Indiens et sur les Noirs, mais d’égalité des Blancs entre eux se révèle un principe moins solide que l’égalité des hommes en général.

L’Occident a un libéralisme qui protège en priorité la minorité riche : c’est une oligarchie. Les classes éduquées supérieures se pensent supérieures et passent leur temps de travail, non à penser le monde, mais à tromper les classes de niveau primaire ou secondaire, qui en retour se méfient. Le christianisme devient un christianisme zombie, avec des croyances de substitution (l’État-nation, le communisme, le nazisme, etc.) qui organisent et structurent les individus. Vient un moment où les mœurs et les valeurs héritées du religieux disparaissent, laissant place à des individus privés de toute croyance collective : l’État-nation se désintègre, la globalisation triomphe, les sociétés sont atomisées, l’éthique du travail, la moralité sociale contraignante, la capacité de sacrifice pour la collectivité disparaissent. Nous sommes incapables de penser par nous-mêmes, tout en étant capables d’intolérance. Il n’y a plus de conscience, de surmoi, d’idéal du moi qui permettent de s’élever au-dessus des désirs immédiats pour être plus que soi-même. Le rien, le néant, produit des réactions admirables, stupides ou abjectes.

L’Occident est libéral puisqu’il protège les minorités. La minorité la mieux protégée en Occident est la minorité des riches. Nous avons donc non une démocratie libérale mais une oligarchie libérale.

Formellement, on a toujours une démocratie libérale, nantie du suffrage ni universel, du Parlement et parfois d’un président élu et d’une presse libre. Les mœurs démocratiques, par contre, ont disparu. Les classes supérieurs se pensent intrinsèquement supérieures et les élites se refusent à représenter le peuple, se refusant à des comportements qualifiés de populistes. Le peuple doit être tenu à l’écart de la gestion économique et de la répartition de la richesse, en un mot : trompé. C’est du travail pour la classe politique, c’est même devenu le travail auquel elle se consacre en priorité. De là l’hystérisation des problèmes raciaux ou ethniques et les bavardages sans effet sur des sujets pourtant sérieux : l’écologie, le statut des femmes ou le réchauffement climatique. Tout cela a un rapport négatif avec la géopolitique, la diplomatie et la guerre. Accaparés par leur nouveau métier – gagner des élections qui ne sont plus que des pièces de théâtre et demandent, comme le vrai théâtre, des compétences spécifiques et du travail –, les membres des classes politiques occidentales n’ont plus le temps de se former à la gestion des rapports internationaux. Habitués à triompher chez eux des moins éduqués, laborieusement mais le plus souvent avec succès (c’est leur boulot), se pensant par là-même confirmés dans leur supériorité intrinsèque, ils se trouvent en présence de vrais adversaires, qu’ils n’impressionnent guère et qui ont eu le temps de penser le monde et n’ont pas eu à dépenser autant d’énergie dans la préparation des élections russes ou dans les rapports de force internes au parti communiste chinois. Nous commençons à apercevoir la réelle infériorité technique de Biden ou de Macron face à Poutine ou Xi Jinping.

La nouvelle stratification éducative a créé des éduqués supérieurs qui méprisent les éduqués de niveaux primaires et secondaires, lesquels, en retour, se méfient d’eux. La dégénérescence des démocraties libérales ne se résume cependant pas à une guerre du haut de la société contre le bas.

 La stratification éducative a fait exploser les croyances et des forces collectives. Le christianisme a été la matrice religieuse originelle de toutes nos croyances collectives ultérieures (la nation, la classe, le socialisme, le communisme, le gaullisme, le travaillisme, le conservatisme, la social-démocratie, le nazisme, la démocratie chrétienne). L’affaissement de la pratique et de l’encadrement religieux amène à un premier état, zombie, de la sécularisation, dans lequel l’essentiel des mœurs et des valeurs de la religion disparue subsistent, notamment l’aptitude à l’action collective. Apparaissent les croyances de substitution, généralement des idéologies politiques fortes qui organisent et  structurent les individus comme le faisait la religion. Les sociétés restent cohérentes et capables d’action. L’État-nation est typiquement la manifestation d’un état zombie de la religion. L’État-nation est une religion nationale et ses pasteurs sont des fonctionnaires.

Arrive enfin le moment où les mœurs et les valeurs héritées du religieux s’étiolent ou explosent, et disparaissent enfin. Apparaît le vide religieux absolu, avec des individus privés de toute croyance collective de substitution. Un état zéro de la religion. C’est à ce moment-là que l’État-nation se désintègre et que la globalisation triomphe, dans des sociétés atomisées où l’on ne peut même plus concevoir que l’État puisse agir efficacement. L’état religieux zéro fait disparaître le sentiment national, l’éthique du travail, la notion d’une moralité sociale contraignante, la capacité de sacrifice pour la collectivité, toutes ces choses dont l’absence fait la fragilité de l’Occident dans la guerre.

L’individu ne peut être grand que dans une communauté et par L. Nous devenons une multitude de nains mimétiques qui n’osent plus penser par eux-mêmes – mais se révèle quand même tout aussi capable d’intolérance que les croyants d’autrefois.

Les croyances collectives ne sont pas seulement des idées que partagent des individus et qui leur permettent d’agir ensemble. Elles les structurent. En leur inculquant des règles morales approuvées par d’autres, elles les transforment. Cette société à l’œuvre à l’intérieur même de l’individu, c’est la conscience qui implique l’existence des autres (écouter sa conscience, faire son examen de conscience), c’est le surmoi, l’idéal du moi, qui permet à l’individu de s’élever au-dessus de ses désirs immédiats, pour être mieux et plus que lui-même. L’état religieux zéro traduit un vide, une déficience du surmoi. Il définit du rien, du néant, mais pour un être humain qui malgré tout ne cesse pas d’exister et continue d’éprouver l’angoisse de la finitude humaine. Ce rien, ce néant, va donc quand même produire quelque chose, une réaction, dans toutes les directions : certaines admirables, d’autres stupides, d’autres abjectes. Le nihilisme, qui idolâtre le rien, semble la plus banale des réactions.

Les élites européennes construisent l’Europe avec des mots, enfumant les peuples. L’irruption du réel de la guerre provoque chez eux les sanctions, qui rendent la guerre mondiale, que seuls en Occident les États-Unis peuvent affronter : c’est la fin de l’Europe. Peu importe l’inflation, elle ne touche que les pauvres. Il y a aussi leur nihilisme économique, avec la destruction de l’industrie, leur moralité zéro, avec l’agression militaire contre la Russie et leur pulsion suicidaire, espérant la fin de la construction européenne moribonde (provisoirement, la guerre donne du sens à cette construction européenne), avec la renonciation du géant allemand à la puissance et la renonciation des élites européennes à la liberté. Les élites européennes n’ont pas compris que le moteur du projet européen était la dissolution des nations, avec des citoyens apathiques et atomisés, des élites irresponsables et la destruction de l’industrie. L’Allemagne s’est révélée plus résistante, car la famille souche, autoritaire et inégalitaire, conserve des habitudes mentales de discipline, de travail et d’ordre. Privée de conscience, la société allemande devient une machine à produire. C’est l’obsession de l’adaptation industrielle qui implique de compenser l’atonie démographique par un afflux massif d’immigrés. Dans le courant des années 2000, l’Allemagne agit comme une société machine, résolvant des problèmes économiques séparément les uns des autres sans que la guide la notion de véritable destin national. En 2012, elle entre dans un partenariat énergétique étroit avec la Russie (ce que les États-Unis ne veulent pas), tout en comptant sur les États-Unis pour la protéger militairement. Cette combinaison d’actes désordonnés caractérise une société dépourvue d’une conception globale de ce qu’elle fait. A partir de 2000, l’Allemagne n’est plus une nation active (l’idéal national s’est évaporé, mais le peuple subsiste), elle est une nation inerte qui, hors de toute conscience d’elle-même, continue sur une trajectoire, avec une obsession économique. Dans la culture souche les individus sont sécurisés par la présence au dessus d’eux d’une autorité quelconque, et les chefs, que ne surplombe plus aucune autorité rassurante, ressentent un malaise qui n’est pas trop grave si le pays n’est pas très puissant (il y aura un parrain extérieur), mais qui est grave si le pays commence à dominer. L’inégalité des frères entre eux mute en inégalité des hommes et des peuples. L’autorité du père sur les fils devient droit de domination sur les peuples faibles : mon pays est supérieur à tous les autres et ces autres doivent obéir. La nation souche, puissance industrielle dominante perd le contact avec la réalité, ce qui peut se traduire par la perte de self-control des chefs, ou bien par le renoncement à défendre les intérêts du pays, le renoncement, l’aspiration à la soumission, exprimant la difficulté d’être un chef en système souche quand il n’y a pas de conscience nationale et donc de principe directeur d’action (d’anxieux, le dirigeant souche devient passif). L’atomisation sociale produit de la passivité chez les dominés, de l’activisme chez les dominants. Il est possible que la passivité (faire semblant de faire la guerre) soit supérieure à la fébrilité.

L’Europe se trouve engagée dans une guerre contraire à ses intérêts, autodestructrice. L’union européenne disparaît derrière l’OTAN. L’axe Berlin Paris est supplanté par un axe Londres Varsovie Kiev piloté de Washington, renforcé par les pays scandinaves et baltes devenus des satellites directs de la Maison-Blanche et du Pentagone. En Europe, les responsables politiques, les journalistes, les universitaires construisaient l’Europe avec des mots, en enfumant leurs peuples. L’irruption du réel provoqua immédiatement chez eux une réaction absurde, les sanctions.

Ils ont été incapables de prévoir que les sanctions rendaient la guerre mondiale. Seuls, du côté occidental, les États-Unis pouvaient mener une guerre mondiale. Les sanctions signaient la fin de l’Europe. Le caractère autodestructeur des sanctions se traduit par une hausse des taux d’inflation en Europe. Pour la tranquillité d’esprit oligarchique et libérale, ce sont les faibles qui souffrent de l’inflation de guerre.

 Mais aussi, l’industrie est menacée. Le solde commercial de la zone euro passe d’une valeur positive à une valeur négative. Il faut payer aussi la fermeture des filiales européennes en Russie. C’est du nihilisme économique.

Malgré le sabotage de Nord Stream, les Allemands et les Français envoient des armes en Ukraine. L’Europe supporte le poids économique principal de la guerre, une guerre dont l’objectif officiel est moralement douteux. Poutine ne fait peser aucune menace sur l’Europe occidentale, sachant ne pas avoir les moyens démographiques et militaires d’une expansion vers l’ouest. La Russie mène une guerre défensive contre un monde occidental offensif, l’Europe de la paix. Cela montre en Europe occidentale une moralité zéro.

L’Europe est poussée par la conscience que le projet européen est mort. Un sentiment de vide sociologique et historique envahit nos élites et nos classes moyennes. Poutine redonne du sens à la construction européenne : l’union européenne avait besoin d’un ennemi extérieur pour se ressouder et repartir de l’avant. Ce discours cache le fait que l’union est une usine à gaz, ingérable et irréparable, avec des institutions qui tournent à vide, une monnaie unique entraînant des déséquilibres internes irréversibles. La réaction de l’Europe manifeste une pulsion suicidaire, l’espoir inavouable que cette guerre sans fin fasse tout exploser. Nos élites pourraient alors se défausser sur la Russie. Leur obscur désir serait que la guerre débarrasse l’Europe d’elle-même. Poutine serait leur sauveur, un Satan rédempteur.

Les États-Unis, affaiblis, ridicules, inquiétants, dispense à l’Union européenne une mort militairement assistée.

Le suicide européen se manifeste par la renonciation du géant allemand à la puissance et par la renonciation des élites européennes à la liberté.

L’Allemagne de 2007 pouvait jouer le rôle de leader en Europe et se distinguer des États-Unis lors de la guerre d’Irak. Sa dégringolade morale et politique se produit en même temps que celle de toutes les autres nations européennes. Les dirigeants n’ont pas compris que le moteur sociologique profond du projet européen était la dissolution spontanée des nations, avec des agrégats atomisés, peuplé de citoyens apathiques et d’lit irresponsable. Le premier nihilisme européen a pris la forme d’une négation des peuples et des nations et d’un démantèlement des appareils industriels périphériques.

L’Allemagne s’est révélée plus résistante, car la famille souche, autoritaire et inégalitaire, conserve des habitudes mentales de discipline, de travail et d’ordre. Mais l’Allemagne ne sort pas indemne du processus, qui prend la forme singulière de l’obsession de l’efficacité économique pour elle-même. Privée de conscience, la société allemande devient une machine à produire. C’est l’obsession de l’adaptation industrielle qui implique de compenser l’atonie démographique par un afflux massif d’immigrés. Dans le courant des années 2000, l’Allemagne agit comme une société machine, résolvant des problèmes économiques séparément les uns des autres sans que la guide la notion de véritable destin national. En 2012, elle entre dans un partenariat énergétique étroit avec la Russie (ce que les États-Unis ne veulent pas), tout en comptant sur les États-Unis pour la protéger militairement. Cette combinaison d’actes désordonnés caractérise une société dépourvue d’une conception globale de ce qu’elle fait.

A partir de 2000, l’Allemagne n’est plus une nation active (l’idéal national s’est évaporé, mais le peuple subsiste), elle est une nation inerte qui, hors de toute conscience d’elle-même, continue sur une trajectoire, avec une obsession économique.

Alors que dans un pays de culture individualiste, arriver au pouvoir est une apothéose (l’individu chef, c’est l’individu réalisé, absolu, heureux d’être chef), dans la culture souche de type allemand on japonais les individus placés à tous les niveaux de la hiérarchie sont sécurisés par la présence au dessus d’eux d’une autorité quelconque, et les chefs, que ne surplombe plus aucune autorité rassurante, ressentent un malaise qui n’est pas trop grave si le pays n’est pas très puissant (il y aura un parrain extérieur), mais qui est grave si le pays commence à dominer son environnement. L’inégalité des frères entre eux mute en inégalité des hommes et des peuples. L’autorité du père sur les fils devient droit de domination sur les peuples faibles : mon pays est supérieur à tous les autres et ces autres doivent obéir.

Alors que dans la famille communautaire russe ou chinoise l’autoritarisme est corrigé par l’égalitarisme (l’inégalité des frères devient égalité des hommes et des peuples, selon l’universalisme communiste ou le souverainisme généralisé qui propose la vision d’un monde multipolaire où chaque pôle est égal aux autres, autoritaire dans sa sphère), la nation souche, première puissance industrielle, dominante, dominatrice, perd le contact avec la réalité. La perte de self-control des hommes placés au sommet de la pyramide peut être qualifiée de mégalomanie structurellement induite par la société souche.

Cela ne s’est pas produit. Les élites allemandes ont renoncé à défendre dans l’immédiat les intérêts de leur pays. On a l’impression d’observer en action, en inaction plutôt, la classe dirigeante d’une société souche naine, secondaire, qui refuse l’autonomie et qui aspire à la soumission. La véritable raison de ce refus de grandir tient à la difficulté d’être un chef en système souche quand il n’y a pas de conscience nationale et donc de principe directeur d’action. D’anxieux, le dirigeant souche devient passif. Dans les sociétés individualistes et dominantes avec absence de projet national, résultant d’un vide, d’une décomposition des forces collectives, la réaction n’est pas la passivité, mais un activisme fébrile, manœuvré par des bandes plutôt que par des chefs de parti structurés par des doctrines : l’atomisation sociale produit de la passivité chez les dominés, de l’activisme chez les dominants. Il est possible que la passivité (faire semblant de faire la guerre) est supérieure à la fébrilité.

En Occident, les peuples ne comptent plus, aussi bien par la faute des élites que parce que, rendus anomiques par un état religieux et idéologique zéro, aucune action collective ne peut plus les mobiliser. Les dirigeants sont des robots pilotés de l’extérieur. Depuis 1960, le dollar est une monnaie d’échange à l’échelle internationale. Les riches oligarques thésaurisent en dollars, plaçant dans des paradis fiscaux anglo-saxons contrôlés par les États-Unis, perdant ainsi leur autonomie mentale et stratégique, ce qui explique leur soumission, leur servilité. Les États-Unis en déclin ont besoin des capacités industrielles de leurs derniers protectorats, qu’ils contrôlent étroitement.

Le traité de Lisbonne, qui remet en cause les référendums néerlandais et français, marque un renforcement du principe oligarchique en Europe. Les peuples ne comptent plus, pas seulement par la faute des élites, mais parce que, rendus anomiques par un état religieux et idéologique zéro, aucune action collective ne peut plus les mobiliser.

La guerre d’Ukraine révèle que personne en Europe n’a de pensée ni d’action autonomes. Les dirigeants se transforment en robots pilotés de l’extérieur. Cette robotisation s’explique parce que l’Europe, simultanément oligarchique et anomique, est envahie par les mécanismes souterrains de la globalisation financière, phénomène dirigé et contrôlé par les États-Unis.

Dans un système oligarchique, économique autant que politique, la richesse s’accumule en haut de la structure sociale. Cette richesse doit aller quelque part. Comment mettre son argent à l’abri et le faire travailler ? L’un des phénomènes fondamentaux des dernières décennies a été l’extension du dollar comme monnaie refuge et des paradis fiscaux sous contrôle américain comme lieu de refuge des avoirs européens.

L’émergence du dollar comme monnaie d’échange à l’échelle internationale, en dehors du territoire américain, remonte aux années 1960. La banque d’Angleterre commence par autoriser les banques établies dans la City à utiliser le dollar comme monnaie et à consentir des prêts dans cette devise. Le Trésor américain perd certes son contrôle exclusif et direct mais la sphère d’action des États-Unis s’étend. A la fin des années 1960, plus d’une centaine de filiales de banques étrangères opèrent dans la City. L’eurodollar est en fait un dollar « monnaie du monde ». La monnaie de l’État américain devient l’instrument de réserve et de spéculation de tous les riches de la planète, et l’État américain, de fait, l’État de tous les riches du monde. Les vrais riches perdent la confiance dans l’euro et préfèrent thésauriser en dollars, et la conversion en dollars des avoirs des riches soutient la valeur du dollar. Les paradis fiscaux sont tous soumis à des degrés divers aux États-Unis (à partir de 1980, le placement en Suisse de l’argent des riches diminue) : briser la Suisse est essentiel pour tenir les oligarchies européennes). Le contrôle final est totalement américain. Avec la création de sociétés-écrans enchâssées les unes dans les autres, les paradis fiscaux édifient un monde invisible mais partie non négligeable du monde réel. Si une grande partie de l’argent des riches européens fructifie sous l’œil bienveillant d’autorités supérieures situées aux États-Unis, on peut considérer que les classes supérieures européennes ont perdu leur autonomie mentale et stratégique.

Mais le pire, leur surveillance par la NSA, reste à venir. Internet a d’abord incarné un rêve de liberté, suscitant un sentiment grisant : liberté de rencontrer des personnes auxquelles auparavant on n’aurait jamais pu parler, liberté de circulation de l’information, liberté d’envoyer des photos d’un bout à l’autre de la planète, liberté de la pornographie, liberté de réserver sur simple impulsion son billet d’hôtel, d’examiner à tout instant son compte en banque, de faire circuler son argent. Dans un second temps, on s’est rendu compte qu’Internet, c’est aussi l’enregistrement de tout, absolument tout ce qu’on y fait, et la possibilité de mettre sous surveillance la totalité des actions, présentes et passées, financières et sexuelles, qui s’y déroulent. Les riches qui ont commencé à déposer leur argent dans les paradis fiscaux anglo-saxons n’ont pas compris tout de suite qu’ils se plaçaient sous l’œil et le contrôle des autorités américaines. La surveillance concerne en particulier les oligarchies du monde. L’asile accordé à Snowden, qui a révélé en 2013 le programme d’espionnage à grande échelle mise au point par le gouvernement américain (300 000 personnes font partie du contrôle), est l’une des choses que les Américains n’ont pas pardonnées à Poutine. Cela explique la soumission des élites européennes. On ne peut savoir dans quelle mesure les données collectées permettent de tenir les élites occidentales, jusqu’à quel degré les comptabilités privées sont atteintes, mais il suffit que les élites européennes croient se sentent surveillées pour se montrer très prudentes dans leurs rapports avec le maître américain. La peur fait partie de l’explication de la servilité européenne envers les États-Unis. Elle n’est pas le seul facteur d’alignement, mais ce système de pouvoir absolument étanche, avec un taux d’obéissance proche de 100 pour cent, fait songer qu’une ambiance totalitaire doit régner dans les hautes sphères.

Les classes supérieures de l’Europe oligarchique en construction ont été séduites par la globalisation financière et piégées par l’enregistrement universel des données. Si la prise américaine initiale sur ses protectorats européens et asiatiques date de 1945, Internet l’a énormément renforcé. On constate effectivement que depuis le milieu des années 2000, le contrôle américain de l’Europe occidentale s’est alourdi.

Nous devons souligner le décalage entre les perceptions des États-Unis par les Européens (l’OTAN se renforce, l’Amérique est indispensable) et par le reste du monde (la production des États-Unis régresse). À mesure que le système américain se rétracte dans l’ensemble du monde, il pèse de plus en plus sur ses protectorats initiaux, qui restent sa base ultime de puissance. Il s’agit pour les États-Unis de contrôler l’Europe et l’Asie extrême orientale, car les États-Unis ont besoin de leurs capacités industrielles. Les puces électroniques sont fabriqués à Taiwan, en Corée ou au Japon. Ce qui reste d’activités industrielles se trouve au Japon, en Corée, en Allemagne et en Europe de l’Est. L’inconscient de l’OTAN, de sa mécanique militaire, idéologique et psychologique, c’est non de protéger l’Europe occidentale, mais de la contrôler. Dans sa structure productive globale, l’Occident n’est pas symétrique : on voit apparaître des rapports d’exploitation systémique de la périphérie par le centre américain.

Apparaît en Grande-Bretagne une moralité zéro, la désindustrialisation, une baisse de l’espérance de vie et du niveau de vie, des privatisations sauvages, des externalisations des services étatiques. Le néolibéralisme est la libération d’un instinct d’acquisition dissocié de toute morale, dissimulé derrière une théorie économique. C’est la cupidité. Il s’agit de manière simpliste de faire de l’argent. Il s’agit, de manière nihiliste, de détruire des usines, des métiers, des existences. C’est le protestantisme zéro.

Le Brexit découle d’une implosion de la nation britannique.

Les minorités ethniques accèdent à l’enseignement supérieur et donc à la politique en forte proportion. Les Indiens ou les Chinois ont des structures familiales verticales (communautaires mais qui réservent une place particulière à l’aîné) ainsi que des traditions de respect pour l’éducation, alors que la famille nucléaire absolue des Anglais n’encadre pas ses rejetons aussi efficacement, et le protestantisme zéro d’aujourd’hui ne véhicule plus le potentiel éducatif du protestantisme actif ou du protestantisme zombie.

On voit se profiler une moralité zéro quand on veut déporter des immigrés aux Rwandais quand on livre à l’Ukraine des munitions à uranium appauvri, quand on emprisonne Julian Assange. La moitié des médecins ne sont pas britanniques. Les enfants anglais sont chétifs. Les salaires sont bloqués, les retraites diminuées, l’inflation importante, les taux d’intérêt des emprunts immobiliers augmentent, l’espérance de vie stagne, la désindustrialisation est plus importante qu’ailleurs. On a privatisé jusqu’à l’absurde : les chemins de fer, l’eau. On externalisée des tâches qui incombent à l’État : le secteur privé gère les prisons, les allocations de logement, les services fiscaux, le nettoyage des rues, les écoles, les contrats informatiques. Les organisations caritatives gèrent les services sociaux des personnes âgées des handicapés. On baisse les impôts. On forme très peu d’ingénieurs. Il suffit de se débarrasser des mots, qui organisent le conscient, pour observer les faits, qui sont l’inconscient en action. La révolution conceptuelle néolibérale apparaît alors comme la simple libération d’un instinct d’acquisition dissocié de toute morale. C’est la cupidité. On peut faire de l’argent en bradant les biens d’État, en rançonnant les citoyens par l’externalisation. Tony Blair incarne la cupidité de l’inconscient : depuis qu’il n’est plus premier ministre, il s’occupe à faire de l’argent, beaucoup d’argent. Le néolibéralisme fonde un capitalisme non wébérien, dont l’esprit serait libéré de l’éthique protestante. Au-delà de son simplisme intellectuel, la révolution néolibérale trahit une déficience morale. La fièvre de destruction des usines, des métiers, des existences individuelles, exprime un instinct de destruction dissimulé derrière la théorie économique. C’est du nihilisme. La vérité cachée du néolibéralisme, quand il dit que la société n’existe pas, est la négation pure et simple de la réalité, à moins qu’il ne formule le souhait de la destruction de la société.

Le vide religieux est la vérité ultime du néolibéralisme, de la disparition de la moralité sociale, du nihilisme.

Le protestantisme se distingue par une plongée en lui-même de l’individu sous le prétexte de dialoguer avec Dieu. Il implique un degré d’intériorisation presque inconnu jusqu’à son avènement. Mais, dans le même temps, il entraîne un renforcement de la conscience collective. L’individu qui intériorise est également surveillé par la collectivité avec une précision inédite. La Réforme ne signifie pas l’élimination de la domination de l’Église. Elle constitue plutôt la substitution d’une nouvelle forme de domination, le remplacement d’une autorité relâchée par une autre qui pénètre tous les domaines de la vie publique ou privée, imposant une réglementation de la conduite pesante et sévère, représentant une forme insupportable de contrôle ecclésiastique sur l’individu. Le protestantisme exige que les masses soient alphabétisées, ce qui explique l’avance les pays réformés en matière d’instruction mais aussi en ce qui concerne le décollage économique. Professant que chaque fidèle est lui-même prêtre, le protestantisme dénote une composante égalitaire démocratique. Mais, à un niveau plus profond, on trouve l’opposé : la prédestination (certains sont élus et d’autres damnés). Le protestantisme est une éthique du travail : nous sommes sur terre pour travailler et épargner. Il y a aussi le puritanisme sexuel.

Avec Benjamin Franklin, Tomas Paine, Tomas Jefferson, les Lumières écossaises, David Hume, Adam Smith et Adam Ferguson s’exprime un relâchement de la foi protestante dans les classes moyennes supérieures.

La Révolution française et la révolution industrielle font surgir le sentiment d’une menace et une peur renouvelée de la damnation : un regain protestant enfièvre l’Angleterre et l’Écosse entre 1780 et 1840. L’Angleterre du sud-est est à domination anglicane. L’Angleterre du Nord, le pays de Galles, la Cornouaille et les zones industrielles ouvrières sont dominées par les sectes protestantes non-conformistes, les méthodistes en particulier.

Ce protestantisme bicéphale s’effondre entre 1870 et 1930. Privée de son encadrement protestant, la Grande-Bretagne découvre le nationalisme qui associe l’Angleterre et l’Écosse dans une entité commune, supérieure à leurs diverses Églises, et participe à la boucherie de la première guerre mondiale. Ce protestantisme zombie permet à la Grande-Bretagne, entre 1939 et 1945, de rester une collectivité solidaire, efficace, morale.

Le retour du religieux parcourt l’ensemble du monde occidental et la Grande-Bretagne en particulier au lendemain de la deuxième guerre mondiale, avec des valeurs de décence et de conformisme familial constituant le substrat du baby-boom, et avec l’État social, apothéose du christianisme zombie.

Le passage à l’état zéro de la religion se produit à partir des années 1960 avec le développement de l’éducation supérieure et l’atomisation sociale. Le néolibéralisme émancipe la finance et procède à la destruction de l’appareil productif. Sur son marché pur et parfait s’agitent des hommes sans moralité, simplement cupides, le protestant zéro, l’homme idéal du néolibéralisme.

Le nihilisme est un concept qui symbolise la conversion de l’Amérique du bien au mal. Les États-Unis mènent à la pauvreté et à l’atomisation sociale avec des comportements négatifs, conséquence de la décomposition du protestantisme. L’état zéro du protestantisme permet de comprendre le pourrissement interne, la mégalomanie externe, les violences exercées sur les citoyens américains sur les citoyens des autres pays. La vie politique fonctionne sans valeur, elle n’est qu’un mouvement qui tend vers la violence. C’est l’obsession de l’argent et du pouvoir, mais l’argent et le pouvoir ne sauraient être des buts en eux-mêmes, des valeurs. Le vide induit une propension à l’autodestruction, au militarisme. Le nihilisme, ce n’est pas seulement le besoin de détruire soi et les autres, c’est aussi le refus de la réalité, la négation de la réalité. Comme exemple de nihilisme appliqué, il y a ces grandes entreprises pharmaceutiques, relayées par des médecins bien payés et peu scrupuleux et par le Congrès, qui mettent à la disposition des patients des médicaments qui mènent très fréquemment à une mort directe. Il y a la religion nihiliste du genre, qui prétend qu’on peut transformer un homme en femme, réciproquement. Le seuil de 25 pour cent d’éduqués supérieurs a été atteint aux États-Unis dès 1965. Les éduqués supérieurs considèrent alors qu’ils détiennent une supériorité intrinsèque. Au rêve d’égalité succède une légitimation de l’inégalité. Le développement de l’éducation supérieure voit s’éteindre l’ethos égalitaire que l’alphabétisation de masse avait répandue et, au-delà, tout sentiment d’appartenance à une collectivité. L’unité religieuse et idéologique vole en éclats. S’enclenche alors un processus d’atomisation sociale et d’amenuisement de l’individu, qui, cessant d’être encadré par des valeurs communes, se retrouve fragilisé. Apparaît le déclin intellectuel.

 L’implosion du protestantisme et de son inégalitarisme métaphysique libère les Noirs du principe d’inégalité tout en désorganisant la démocratie américaine qui fixait l’inégalité sur les races inférieures, les Indiens et les Noirs (d’un côté les élus, les Blancs, et de l’autre les damnés). La liquidation de la classe ouvrière par la globalisation a causé le dépérissement des classes moyennes. Ne subsiste plus qu’une classe moyenne supérieure, 10% de la population peut-être, accrochée à l’oligarchie des 0,1% supérieur, et qui s’efforce de ne pas dégringoler. Les privilégiés sont fatigués de jouer le jeu de la méritocratie, même s’ils en sortent gagnants. Les plus riches avaient toujours été en mesure d’acheter des places à leur progéniture à Harvard, Yale ou Princeton. Les rejetons des catégories moyennes supérieures devaient subir des tests. On vient de supprimer les tests. La renonciation au principe méritocratique clôt la phase démocratique de l’histoire américaine. Nous avons une société oligarchique. Les oligarques vivent entourés de leurs dépendants, des privilégiés eux aussi. Ensemble, ils se moquent des difficultés qu’affrontent 90% de leurs concitoyens. C’est cette oligarchie libérale, travaillée par le nihilisme, qui mène la lutte de l’Occident.

On assiste à une fuite sociale interne des cerveaux : vers le droit, la finance et les écoles de commerce, tous secteurs où les revenus peuvent être plus élevés que ceux de l’ingénierie ou de la recherche scientifique. Les études supérieures en droit, en finance ou de commerce, sans provoquer une quelconque amélioration des capacités productives ou même intellectuelles des individus concernés, leur procure toutefois, par suite de leur position sociale, une capacité supérieure de prédation de la richesse produite par le système. La multiplication de tels diplômés crée une multitude de parasites. Pour compenser leurs carences en travailleurs scientifiques et techniques de tous niveaux, les États-Unis en importent massivement (2,5 millions). Les inégalités augmentent. L’Amérique produit la monnaie du monde, le dollar, et la capacité qu’elle a de tirer de la richesse monétaire du néant la paralyse. Produire la monnaie du monde à un coût minimal ou nul rend plus rentables et par conséquent peu attirantes toutes les activités autres que la création monétaire. Les 95% de la production monétaire résultent des prêts que les banques consentent à des particuliers ou s’accordent entre elles. S’il y a une crise, la Fed, pour sauver le système, émettra plus argent, garantissant que la création monétaire par les banques et les particuliers, de fait par l’État, est sans limite. Absence de limites aussi pour la dette publique américaine dont le plafond légal est chaque fois que c’est nécessaire relevé par le Congrès. Les dollars et les bons du trésor continuent d’être émis et les privilégiés de la planète continuent à les acheter. Difficile d’amender un tel système : il est tellement plus facile de produire de la monnaie que des biens. Et le beau métier sera bien sûr celui qui rapproche son possesseur de la création monétaire, de la source de l’opulence : banquier, avocat fiscaliste, lobbyiste au service du banquier, etc. L’ingénieur est trop éloigné de cette source prodigue, l’industriel vit avec l’obligation de réaliser un taux de profit fixé par les gens qui fabriquent de l’argent. Une protection aux frontières contre l’industrie étrangère ne peut suffire si la vraie concurrence vient d’une planche à billets interne, collective et démoniaque. Le mécanisme se répercute, par anticipation, sur les jeunes qui choisissent formations et métiers. C’est la fuite des cerveaux vers les métiers improductifs. Il s’agit de se rapprocher des fontaines sacrées d’où jaillit le dollar.

La fin de l’élite du pouvoir, dans un climat de moralité zéro, s’est accompagnée de la volatilisation de tout ethos commun aux groupes dirigeants. L’élite WASP indiquait une direction, des objectifs moraux, bons ou mauvais. Le groupe dirigeant actuel (je n’ose l’appeler élite) ne propose rien de tel. Ne subsiste en son sein qu’une dynamique du pouvoir pur qui, projetée sur le monde extérieur, mute en une préférence pour la puissance militaire et la guerre.

Les individus qui composent le groupe dirigeant de la plus grande puissance mondiale n’obéissent plus à un système d’idées qui le transcende mais réagissent à des impulsions venues du réseau local auquel ils appartiennent. Le village de Washington n’est plus qu’une collection d’individus tout à fait dénués de morale commune. Le groupe n’est plus soudé par une croyance de portée nationale ou universelle. Il est anomique au sens d’atomisé, selon un mécanisme purement local de régulation des croyances et des actes. Il s’agit d’individus au surmoi fragile qu’aucune croyance collective, société ou idéal du moi ne structurent ni n’encadrent. Ces individus faibles sont mus par un mécanisme de régulation mimétique interne au groupe auquel ils appartiennent localement ou professionnellement. L’atomisation des sociétés individualistes avancées induit des dérives centripètes de lieu ou de métier. Les individus n’existent que les uns par rapport aux autres. Ils ne déterminent plus leurs actes et décisions en se référant à des valeurs extérieures et surtout supérieures : religieuses, morales, historiques. Leur seule conscience est locale, villageoise.

Le Blob washingtonien est un groupe dirigeant dépourvu d’attache intellectuelle ou idéologique extérieure à lui-même. Alors qu’autrefois les personnes qui se consacraient à la politique étrangère avaient été formées dans d’autres disciplines, y entrant avec des vues et des préoccupations générales, les gens du Blob ne sortent jamais de leur corral, même quand ils changent de postes en apparence de métier. L’effet pervers de cet enfermement dans l’international et qui prédispose à l’activisme. Ils ont un intérêt personnel à ce que les États-Unis et une politique mondiale ambitieuse. Plus le gouvernement américain est occupé à l’extérieur, plus il y a de postes à pourvoir parmi les experts en politique internationale, plus la part de la richesse nationale consacrée à résoudre ses problèmes mondiaux sera grande et plus importante sera leur influence potentielle, d’où une propension à gonfler les menaces et une obsession de la puissance militaire. Il y a intérêt professionnel à ce que ça chauffe !

Dans un monde où dépérissent les idéologies, subsistent bien entendu l’État et plus encore les métiers. Ainsi les journalistes qui, autrefois, adhéraient à des idéologies opposées, sont devenus le « Journalisme », avec son éthique et ses préoccupations propres et aussi, notons le, sa propre préférence pour la guerre, parce que c’est du spectacle. Même schéma pour la police ou l’armée.

Dans le Blob, les membres circulent en marge des partis. Comme dans n’importe quel milieu étroit, dans n’importe quel village, on voit se former des couples et se conclure des mariages.

Aux États-Unis, les appareils d’État (l’armée, marine, l’Air Force, la CIA, la NSA) sont des gigantesques et froides machines peuplées d’individus qui, pour l’essentiel, respectent le principe hiérarchique. Ces monstres bureaucratiques sont chevauchés par la petite bande de demi-intellectuels qui habitent le Blob, un sous-village de Washington.

Les États-Unis risquent beaucoup dans la conjoncture actuelle. Leur dépendance économique au reste du monde est devenue immense. Leur société se décompose. Perdre le contrôle de leurs ressources extérieures provoquerait une chute du niveau de vie de la population, qui n’est déjà pas brillant. Les États-Unis ne réussissent pas à séparer dans leur évolution ce qui est interne et ce qui est externe : il faut partir de la dynamique interne de la société, de sa régression, pour comprendre la politique extérieure.

Le nihilisme est un concept qui symbolise la conversion de l’Amérique du bien au mal. Les États-Unis d’aujourd’hui tracent la voie qui mène à la pauvreté et à l’atomisation sociale. Les valeurs et le comportement de la société américaine sont aujourd’hui foncièrement négatifs. Cette négativité est le produit d’une décomposition du protestantisme.

 La phase zombie du protestantisme américain a été massivement positive. Elle va de la présidence de Roosevelt à celle d’Eisenhower, et elle a vu s’édifier un État social, des universités prodiguant un enseignement de masse et de qualité, se répandre une culture optimiste qui a séduit le monde. Cette Amérique avait récupéré les valeurs positives du protestantisme (haut niveau éducatif, égalitarisme entre les Blancs) et tentait de se débarrasser de ses valeurs négatives (racisme, puritanisme).

 La crise actuelle correspond, en revanche, à l’atterrissage dans l’état zéro du protestantisme, qui permet de comprendre le pourrissement interne, la mégalomanie externe, les violences exercées sur les citoyens américains et sur les citoyens des autres pays. La dynamique actuelle a pour moteur le vide. La vie politique fonctionne sans valeur, elle n’est qu’un mouvement qui tend vers la violence. Au plan de la pensée et des idées, c’est l’état de vide, avec comme obsession résiduelle l’argent et le pouvoir. L’argent et le pouvoir ne sauraient être des buts en eux-mêmes, des valeurs. Ce vide induit une propension à l’autodestruction, au militarisme, à une négativité endémique, en somme, au nihilisme. Il y a aussi le refus de la réalité : le nihilisme ne traduit pas seulement un besoin de détruire soi et les autres. Plus en profondeur, quand il se transforme en une sorte de religion, il tend à nier la réalité.

Comme exemple de nihilisme appliqué, il y a l’augmentation de la mortalité aux États-Unis par alcoolisme, suicide et addiction aux opioïdes. La chute de l’espérance de vie a été précédée par un ralentissement de la croissance, à partir de 1980, durant les années néolibérales. La hausse de la mortalité, en particulier de la mortalité infantile, va de pair avec les dépenses de santé les plus élevés au monde. Une partie de ces dépenses de santé est consacrée à la destruction de la population : de grandes entreprises pharmaceutiques, relayées par des médecins bien payés et peu scrupuleux, ont mis à la disposition des patients des antidouleur dangereux, addictifs, menant très fréquemment à une mort directe, à l’alcoolisme ou au suicide. Certaines catégories supérieures de la population dévastent donc une partie de la population. Nous sommes en pleine moralité zéro. En 2016, le Congrès, tenu par ces lobbys, a interdit aux autorités sanitaires de suspendre l’usage de ces médicaments, autrement dit une loi autorisant l’industrie pharmaceutique à continuer à assassiner. C’est du nihilisme.

Il y a eu l’Amérique de Roosevelt, celle qui décidait de surtaxer les riches et qui instituait un contre-pouvoir syndical, pour intégrer la classe ouvrière dans les classes moyennes et rendre possible la mobilisation démocratique pendant la guerre.

 Il y a eu l’Amérique d’Eisenhower qui se focalisait sur l’éducation, avec une élite blanche anglo-saxonne protestante, avec l’Église épiscopale, dont le protestantisme tolèrait une bonne dose de hiérarchie et d’autorité sociale. Cette élite était porteuse d’une morale et d’une exigence.

Nous sommes actuellement à l’état zéro du christianisme, un état qui mène au nihilisme, et même à sa forme la plus achevée : le déni de la réalité. C’est en particulier la révolution du « genre » : un individu peut changer de genre selon son goût, par simple déclaration à l’État civil, changer de sexe par le port de vêtements significatifs, l’ingestion d’hormones ou une opération chirurgicale. La génétique nous dit que l’on ne peut pas transformer un homme (chromosomes X Y) en femme (chromosomes X X), et réciproquement. Prétendre le faire, c’est affirmer le faux, un acte intellectuel typiquement nihiliste. Ce besoin d’affirmer le faux, de lui rendre un culte et de l’imposer comme la vérité, c’est une religion nihiliste.

Le seuil de 25 pour cent d’éduqués supérieurs a été atteint aux États-Unis dès 1965. Les éduqués supérieurs considèrent alors qu’ils détiennent une supériorité intrinsèque. Au rêve d’égalité succède une légitimation de l’inégalité. Le développement de l’éducation supérieure voit s’éteindre l’ethos égalitaire que l’alphabétisation de masse avait répandue et, au-delà, tout sentiment d’appartenance à une collectivité. L’unité religieuse et idéologique vole en éclats. S’enclenche alors un processus d’atomisation sociale et d’amenuisement de l’individu, qui, cessant d’être encadré par des valeurs communes, se retrouve fragilisé.

Apparaît alors un déclin intellectuel à tous les niveaux, avec une baisse du niveau éducatif, de l’intensité des études et du quotient intellectuel.

Dans l’Amérique heureuse et protestante zombie d’Eisenhower, les Noirs ne sont pas inclus dans la démocratie. Les États-Unis sont devenus une démocratie, en dépit de l’inégalitarisme métaphysique protestant, parce qu’ils ont fixé l’inégalité sur les races inférieures, les Indiens puis les Noirs. D’un côté les élus, les Blancs, et de l’autre les damnés, les Noirs (au départ, les Indiens).

L’éducation supérieure a fait imploser le protestantisme et ainsi libéré les Noirs du principe d’inégalité. La libération des Noirs a désorganisé la démocratie américaine (il n’y a pas seulement la montée des inégalités de revenus et l’effacement du rôle des citoyens non diplômés). Le racisme américain classique est bel et bien mort. Cependant, les Noirs demeurent piégés : leur émancipation est intervenue tandis que s’opérait la stratification éducative, qui accroissait l’inégalité économique, diminuait le niveau scolaire, le niveau de vie et la mobilité sociale. L’émancipation des Noirs s’accomplit alors qu’ils sont en bas de la pyramide sociale, ce qui leur rend très difficile d’échapper à leurs conditions objectives. Concentrés dans la strate inférieure, ils ont acquis la citoyenneté dans une société où s’était évanoui l’idéal de citoyens égaux. Ils deviennent des individus semblables aux autres au moment où l’individu rapetisse.

La liquidation de la classe ouvrière par la globalisation a causé le dépérissement des classes moyennes. Ne subsiste plus qu’une classe moyenne supérieure, 10% de la population peut-être, accrochée à l’oligarchie des 0,1% supérieur, et qui s’efforce de ne pas dégringoler. C’est cette classe moyenne supérieure qui s’oppose à la résurgence d’une taxation progressive, davantage que la classe la plus élevée, dont le capital échappe largement à l’impôt.

On a une société libérale, qui défend la démocratie contre l’autocratie russe, qui détient le plus fort taux d’incarcération au monde, où les fusillades de masse se multiplient.

L’obésité révèle un manque d’autodiscipline, d’autant plus nette quand elle touche les riches qui ont les moyens de se procurer des aliments de qualité : le taux d’obésité est un indicateur du contrôle que les individus parviennent à exercer sur eux-mêmes. Le taux américain trahit une déficience du surmoi à l’échelle de la société tout entière.

Les privilégiés sont fatigués de jouer le jeu de la méritocratie, même s’ils en sortent gagnants. Les plus riches avaient toujours été en mesure d’acheter des places à leur progéniture à Harvard, Yale ou Princeton. Les rejetons des catégories moyennes supérieures devaient subir des tests. On vient de supprimer les tests. La renonciation au principe méritocratique clôt la phase démocratique de l’histoire américaine. Nous avons une société oligarchique. Les oligarques vivent entourés de leurs dépendants, des privilégiés eux aussi. Ensemble, ils se moquent des difficultés qu’affrontent 90% de leurs concitoyens. C’est cette oligarchie libérale, travaillée par le nihilisme, qui mène la lutte de l’Occident. Elle ne se rend pas compte qu’elle règne sur une économie en décomposition et largement fictive.

Les points forts de l’économie américaine – les Gafa et le gaz, la Silicon Valley et le Texas – sont situés aux deux pôles du spectre des activités humaines : les lignes de code informatique tendent vers l’abstraction, l’énergie est une matière première. Les difficultés de l’économie américaine remplissent le reste du spectre : la fabrication des objets, c’est-à-dire l’industrie au sens traditionnel du mot.

La proportion de la production industrielle américaine par rapport à celle du monde, la proportion de la fabrication américaine de machines outils par rapport à celle du monde, l’exportation des produits agricoles diminuent. Les importations ne sont pas couvertes par des exportations, mais par l’émission de dollars : l’Amérique finance son déficit commercial en émettant des bons du trésor, qui permettent aux gens les plus riches de thésauriser leur argent dans les paradis fiscaux. Le déficit commercial s’accroît malgré la réorientation protectionniste officielle. On assiste à une fuite sociale interne des cerveaux : vers le droit, la finance et les écoles de commerce, tous secteurs où les revenus peuvent être plus élevés que ceux de l’ingénierie ou de la recherche scientifique. Les études supérieures en droit, en finance ou de commerce, sans provoquer une quelconque amélioration des capacités productives au même intellectuelles des individus concernés, leur procure toutefois, par suite de leur position sociale, une capacité supérieure de prédation de la richesse produite par le système. La multiplication de diplômés crée une multitude de parasites. Pour compenser leurs carences en travailleurs scientifiques et techniques de tous niveaux, les États-Unis en importent massivement (2,5 millions).

Les inégalités augmentent. L’Amérique produit la monnaie du monde, le dollar, et la capacité qu’elle a de tirer de la richesse monétaire du néant la paralyse. Produire la monnaie du monde à un coût minimal ou nul rend plus rentables et par conséquent peu attirantes toutes les activités autres que la création monétaire. Les 95% de la production monétaire résultent des prêts que les banques consentent à des particuliers ou s’accordent entre elles. S’il y a une crise, la Fed, pour sauver le système, émettra plus argent, garantissant que la création monétaire par les banques et les particuliers, de fait par l’État, est sans limite. Absence de limites aussi pour la dette publique américaine dont le plafond légal est chaque fois que c’est nécessaire relevé par le Congrès. Les dollars et les bons du trésor continu d’être émis et les privilégiés de la planète continuent à les acheter. Difficile d’amender un tel système : il est tellement plus facile de produire de la monnaie que des biens. Et le beau métier sera bien sûr celui qui rapproche son possesseur de la création monétaire, de la source de l’opulence : banquier, avocat fiscaliste, lobbyiste au service du banquier, etc. L’ingénieur est trop éloigné de cette source prodigue, l’industriel vit avec l’obligation de réaliser un taux de profit fixé par les gens qui fabriquent de l’argent. Une protection aux frontières contre l’industrie étrangère ne peut suffire si la vraie concurrence vient d’une planche à billets interne, collective et démoniaque. Le mécanisme se répercute, par anticipation, sur les jeunes qui choisissent formations et métiers. C’est la fuite des cerveaux vers les métiers improductifs. Il s’agit de se rapprocher des fontaines sacrées d’où jaillit le dollar.

Quel est la tribu aux mœurs singulières qui, par ses goûts et ses décisions, mène l’Occident aux portes de la Russie ? On étudie une communauté primitive dans son milieu naturel : ce sera la ville de Washington. Nous nous intéressons plus particulièrement à l’établissement géopolitique américain, qu’on appelle le « Blob », du nom d’un micro-organisme inquiétant (organisme unicellulaire d’aspect visqueux que l’on rencontre en forêt, où il se multiplie en absorbant les bactéries et les champignons qui l’environnent ; il est dénué de cerveau). L’élite du pouvoir WASP a disparu. L’état zéro de la religion a balayé non seulement les différences religieuses, mais aussi des différences de race et d’éducation. Quelle différence entre un catholique zéro et un protestant zéro, la différence entre un Blanc et un Noir dans une ambiance de protestantisme zéro et de damnation zéro ? La vaporisation du protestantisme a entraîné celle du racisme américain traditionnel.

L’avenir des classes dirigeantes se lit dans les universités. La disparition du protestantisme, avec son exigence éducative et son culte de l’effort, sur fond anthropologique d’une famille nucléaire absolue qui encadre peu ses enfants, a dévasté les capacités scolaires de la population blanche, faisant converger des descendants des protestants et des catholiques dans une même baisse du niveau. La surreprésentation des Asiatiques à l’université résulte d’un dynamisme éducatif supérieur. Les enfants d’immigrés japonais, coréens, chinois et vietnamiens ont été protégés, pendant deux générations, par des structures familiales autoritaires et par la tradition qui sacralise l’éducation, tradition greffée sur la transmission familiale (famille souche c’est chez les Japonais et les Coréens, communautaire chez les Chinois et les Vietnamiens, nuance souche au sud-est de la Chine et au nord du Vietnam, nuance nucléaire au sud du Vietnam).

La fin de l’élite du pouvoir, dans un climat de moralité zéro, s’est accompagnée de la volatilisation de tout ethos commun aux groupes dirigeants. L’élite WASP indiquait une direction, des objectifs moraux, bons ou mauvais. Le groupe dirigeant actuel (je n’ose l’appeler élite) ne propose rien de tel. Ne subsiste en son sein qu’une dynamique du pouvoir pur qui, projetée sur le monde extérieur, mute en une préférence pour la puissance militaire et la guerre.

Les individus qui composent le groupe dirigeant de la plus grande puissance mondiale n’obéissent plus à un système d’idées qui le transcende mais réagissent à des impulsions venues du réseau local auquel ils appartiennent. Le village de Washington n’est plus qu’une collection d’individus tout à fait dénués de morale commune. Le groupe n’est plus soudé par une croyance de portée nationale ou universelle. Il est anomique au sens d’atomisé, selon un mécanisme purement local de régulation des croyances et des actes. Il s’agit d’individus au surmoi fragile qu’aucune croyance collective, société ou idéal du moi ne structurent ni n’encadrent. Ces individus faibles sont mus par un mécanisme de régulation mimétique interne au groupe auquel ils appartiennent localement ou professionnellement. L’atomisation des sociétés individualistes avancées induit des dérives centripètes de lieu ou de métier. Les individus n’existent que les uns par rapport aux autres. Ils ne déterminent plus leurs actes et décisions en se référant à des valeurs extérieures et surtout supérieures : religieuses, morales, historiques. Leur seule conscience est locale, villageoise.

Le Blob washingtonien est un groupe dirigeant dépourvu d’attache intellectuelle ou idéologique extérieure à lui-même. Alors qu’autrefois les personnes qui se consacraient à la politique étrangère avaient été formées dans d’autres disciplines, y entrant avec des vues et des préoccupations générales, les gens du Blob ne sortent jamais de leur corral, même quand ils changent de postes en apparence de métier. L’effet pervers de cet enfermement dans l’international et qui prédispose à l’activisme. Ils ont un intérêt personnel à ce que les États-Unis et une politique mondiale ambitieuse. Plus le gouvernement américain est occupé à l’extérieur, plus il y a de postes à pourvoir parmi les experts en politique internationale, plus la part de la richesse nationale consacrée à résoudre ses problèmes mondiaux sera grande et plus importante sera leur influence potentielle, d’où une propension à gonfler les menaces et une obsession de la puissance militaire. Il y a intérêt professionnel à ce que ça chauffe !

Dans un monde où dépérissent les idéologies, subsistent bien entendu l’État et plus encore les métiers. Ainsi les journalistes qui, autrefois, adhéraient à des idéologies opposées, sont devenus le « Journalisme », avec son éthique et ses préoccupations propres et aussi, notons le, sa propre préférence pour la guerre, parce que c’est du spectacle. Même schéma pour la police ou l’armée.

Dans le Blob, les membres circulent en marge des partis. Comme dans n’importe quel milieu étroit, dans n’importe quel village, on voit se former des couples et se conclure des mariages.

Aux États-Unis, les appareils d’État (l’armée, marine, l’Air Force, la CIA, la NSA) sont des gigantesques et froides machines peuplées d’individus qui, pour l’essentiel, respectent le principe hiérarchique. Ces monstres bureaucratiques sont chevauchés par la petite bande de demi-intellectuels qui habitent le Blob, un sous-village de Washington.

Binken et Nuland sont d’origine juive. Leur indifférence au passé peut s’expliquer de deux façons.

D’abord la plus vraisemblable. L’état zéro de la religion est aussi un État zéro de la mémoire. Une absence complète de conscience historique peut expliquer pourquoi le passé de l’Ukraine ne les importune pas. Ces deux responsables politiques ne seraient plus que des Américains sans mémoire, absolument indifférents donc au passé antisémite de l’Ukraine et au néonazisme symbolique du nationalisme ukrainien actuel. Seuls les inspireraient la grandeur de l’empire américain.

Une autre interprétation serait plus angoissante, et surtout pour les Ukrainiens. Cette guerre va détruire la nation ukrainienne. La police militaire ukrainienne empêche les hommes valides de fuir en Roumanie ou en Pologne. Pourquoi ces Américains d’origine juive ukrainienne qui, avec le gouvernement de Kiev, copilotent cette boucherie, ne ressentent-t-ils pas cela comme une juste punition infligée à ce pays qui a tant fait souffrir leurs ancêtres ?

Les Occidentaux n’ont pas reconnu qu’en délocalisant leur industrie ils se proposaient de vivre comme une sorte de bourgeoisie planétaire, en exploiteurs du travail sous-payé du Reste du monde. Ce rapport d’exploitation a transformé les populations du Reste en prolétariat généralisé. Les classes supérieures prélèvent ainsi d’énormes tributs au moyen desquels elles entretiennent une plèbe de serviteurs apprivoisés, non plus engagés dans les industries agricoles et manufacturières de base, mais maintenus dans l’exécution de services personnels ou de services industriels mineurs sous le contrôle d’une nouvelle aristocratie financière. La participation indirecte des classes ouvrières de l’Ouest aux surprofits générés par l’impérialisme s’exprime par le fait que les prolétaires européens doivent une partie de leur niveau de vie en hausse au travail des peuples du Reste, qu’ils peuvent donc négocier dans un système social qui leur devient plus aimable, avec des partis socialistes et des syndicats qui deviennent réformistes. Le prolétariat occidental est complètement transformé en une plèbe vivant largement du travail du Reste du monde. Les ouvriers occidentaux ne consomment plus ce qu’ils produisent : les objets de leur consommation sont désormais produits ailleurs. Le prolétariat laborieux se mue en plèbe dans les années 2000, à l’instigation des théoriciens et des praticiens de l’économie mondialisée. Les théoriciens actuels de l’économie ne s’intéressent qu’aux consommateurs, qui doivent pouvoir acheter les biens dont ils ont besoin au prix le moins élevé. Ces apôtres théoriciens menacent sans cesse les peuples occidentaux de devoir payer plus cher leur nourriture, leurs vêtements, leur téléphone portable, leurs automobiles, leurs médicaments, les jouets de leurs enfants et leur nain de jardin s’ils s’obstinent à vouloir les fabriquer eux-mêmes. Les apôtres ont gagné, mais leur victoire a des conséquences socio-politiques qu’ils n’avaient pas anticipé. Nous constatons en effet, d’une part, le désarroi moral des ouvriers que l’ablation de leur valeur en tant que producteurs a privé d’utilité sociale (ils sont souvent acculés à l’alcoolisme, à la drogue, au suicide) et d’autre part, leur vote à droite (alors que les partis de gauche, sociaux-démocrates ou communistes, s’appuyaient sur des classes ouvrières exploitées, les partis populistes s’appuient sur des plèbes dont le niveau de vie dérive largement du travail sous-payé des prolétaires de Chine, du Bangladesh, du Maghreb ou d’ailleurs ; les électeurs populaires du Rassemblement national sont des extracteurs de plus-value à l’échelle mondiale : ils sont donc très normalement de droite). Cette analyse permet de comprendre pourquoi il est si difficile de réindustrialiser. Si la délocalisation de nombreuses activités productives a contribué à anémier de plus en plus nos provinces et nos banlieues, le libre-échange a tenu sa promesse de favoriser le consommateur aux dépens du producteur, de transformer le producteur en consommateur, et le citoyen productif en plébéien parasite, guère désireux au fond de retrouver le chemin et la discipline de l’usine. Mais cela ne concerne pas seulement les milieux populaires. C’est l’ensemble de la société, dans le monde occidental avancé, qui profite du travail des ouvriers chinois et des enfants du Bangladesh, les jeunes diplômés de l’enseignement supérieur mal payés comme les prolos, les électeurs de LFI comme des électeurs du RN. Ils vivent tous des surprofits de la globalisation.

L’affrontement en Ukraine oppose la Russie aux États-Unis et à leurs alliés (ou vassaux). Cet affrontement est avant tout économique, sous forme de sanctions. En effet la doctrine militaire russe autorise désormais Moscou à user de frappes nucléaires tactiques si l’État russe est menacé. L’engagement de l’OTAN dans une guerre conventionnelle créerait une situation trop dangereuse. L’Ukraine est donc le théâtre d’opérations conventionnelles très localisées. Les Russes, en s’interdisant de mener une vraie guerre conventionnelle, ont satisfait les occidentaux. L’envoi de matériel militaire à l’Ukraine, mais non d’hommes, s’inscrit bien dans la logique de la globalisation : nous avons, dans un premier temps, fait fabriquer ce dont nous avions besoin par les travailleurs des pays à bas salaires ; dans un second temps, nous faisons faire la guerre dont nous avons besoin par un pays à bas coût. Le corps humain ne vaut pas cher en Ukraine.

Dans le cas de la guerre en Ukraine, les sanctions ont surtout élargi à la planète le champ des opérations et donner à la guerre, instantanément, une dimension mondiale et un caractère de lutte à mort entre les États-Unis et la Russie. Pour fonctionner, la sanction doit abolir la neutralité des non-belligérants et obtenir leur participation. Le Reste du monde a convenu d’aider la Russie. L’Occident a découvert qu’on ne l’aimait pas. Une terrible blessure narcissique. Le Reste du monde a soutenu la Russie dans son effort pour briser l’OTAN, en achetant son pétrole et son gaz, en lui fournissant les matériels et les pièces détachées dont elle avait besoin pour continuer la guerre et marcher sans trop de mal comme société civile.

L’exploitation mondiale du Reste par l’Occident est la vision du Reste, où triment pour des salaires dérisoires hommes, femmes et enfants, d’où cette inclination du Reste pour cette Russie qui ne joue pas le jeu de l’exploitation mondiale mais insiste au contraire pour rester une nation souveraine, une inclination qui manifeste que l’opposition économique entre un Occident exploiteur et un Reste du monde exploité est bien une réalité (il y a aussi le fait que Poutine est contre l’homophobie et la politique du genre et qu’il promeut le christianisme orthodoxe, ce qui séduit de nombreux pays).

Dans cette exploitation, l’Occident a laissé subsister les classes dirigeantes locales, et dans sa stratégie des sanctions, l’Occident a été inconscient que le concret de ces sanctions allait susciter dans les classes supérieures locales du Reste une peur inédite des États-Unis. Si ce sont les travailleurs du bas de l’échelle sociale qui boulonnent pour assurer le confort de l’Occident, les multiples décisions d’aider la Russie n’ont pas été prises par les travailleurs exploités, mais par les groupes dirigeants indiens, turc, saoudien, sud-africain, brésilien, argentin et tant d’autres. On aurait pu s’attendre à ce qu’ils fussent solidaires de l’Occident, où ils recyclent leurs dollars et duquel ils pourraient même s’imaginer faire partie. Les grands hôtels, les paradis fiscaux, les écoles privées américaines et anglaises où les ploutocrates de tous les pays envoient leurs enfants auraient pu, ensemble, délimiter un espace commun à tous les super riches de la planète, dans un univers post-national authentique. Mais la saisie illégale des avoirs russes à l’étranger a soulevé une vague de terreur parmi les classes supérieures du Reste du monde. En traquant l’argent et les yachts des oligarques russes, les États-Unis (et leurs vassaux) ont, de fait, menacé dans leurs biens tous les oligarques du monde, ceux des grands comme des petits pays. Échapper à l’État prédateur américain est devenu partout une obsession et se dégager de l’empire du dollar devient pour tous un objectif raisonnable. Les sanctions ont en pratique rapproché les peuples du Reste du monde de leurs privilégiés.

Les Occidentaux n’ont pas reconnu qu’en délocalisant leur industrie ils se proposaient de vivre comme une sorte de bourgeoisie planétaire, en exploiteurs du travail sous-payé du Reste du monde. Ce rapport d’exploitation a transformé les populations du Reste en prolétariat généralisé tout en laissant subsister, avec une certaine inconscience, les classes dirigeantes locales.

En 1902, pour John Hobson, il y a comme une fédération de grandes puissances qui, loin de faire avancer la cause de la civilisation mondiale, introduit le péril d’un parasitisme occidental, d’un groupe de nations industrielles avancées, dont les classes supérieures prélèvent d’énormes tributs en Asie et en Afrique, au moyen desquels elles entretiennent de grandes masses de serviteurs apprivoisés, non plus engagés dans les industries agricoles et manufacturières de base, mais maintenus dans l’exécution de services personnels ou de services industriels mineurs sous le contrôle d’une nouvelle aristocratie financière. En soumettant par exemple la Chine au contrôle économique de groupes similaires de financiers, d’investisseurs et de responsables politiques et commerciaux, on draîne le plus grand réservoir potentiel de profits que le monde ait jamais connu, afin de les consommer en Europe. C’est comme l’empire romain finissant, précipité dans l’abîme par une classe dirigeante parasitaire qui faisait la chasse aux esclaves et transformait le peuple romain en une plèbe assistée, et en route pour sa désintégration féodale. Cette prédiction aura dû attendre, pour se réaliser, l’épuisement des nations européennes dans deux guerres mondiales, le glissement du centre de gravité de l’Occident vers les États-Unis et surtout la décomposition endogène de l’Amérique et de l’Europe par l’éducation supérieure, la dissolution des croyances collectives, l’atomisation mentale de leur peuple et de leurs élites. Wells, dans La Machine à explorer le temps, décrit les bourgeois, consommant la nourriture produite par les ouvriers de l’industrie, bêtes souterraines et anthropophages, avant d’être dévorés eux-mêmes.

L’entrée de la Chine dans l’organisation mondaine du commerce, en 2001, marque le basculement de l’Occident dans le paradigme de Hobson.

Engels, en 1892, et Lénine, en 1117, établissent un lien entre le réformisme social-démocrate et la participation indirecte des classes ouvrières de l’Ouest au surprofit générés par l’impérialisme. Les prolétaires européens devaient déjà une partie de leur niveau de vie en hausse au travail des colonies. Ils étaient donc à même de négocier dans un système social qui leur devenait plus aimable. Ce que ne pouvait imaginer Engels ou Lénine, mais que Hobson avait entrevu, c’est que le prolétariat occidental pourrait être complètement transformé en une plèbe vivant largement du travail des Chinois et d’autres peuples du monde. Ce monde est advenu par la grâce de la globalisation, qui a mené la société de consommation à son stade final. Jusque vers 1980, les ouvriers occidentaux consommaient pour l’essentiel ce qu’ils produisaient : ce fut la première société de consommation, issue des 30 Glorieuses. Mais la délocalisation des usines occidentales a transformé les peuples. Les objets de leur consommation sont désormais produits ailleurs. Le prolétariat laborieux des années 1950 se mue en plèbe dans les années 2000, à l’instigation des théoriciens et des praticiens de l’économie mondialisée. Les théoriciens actuels de l’économie ne s’intéressent qu’aux consommateurs, qui doit pouvoir acheter les biens dont il a besoin au prix le moins élevé. Ces apôtres menacent sans cesse les peuples occidentaux de devoir payer plus cher leur nourriture, leurs vêtements, leur téléphone portable, leurs automobiles, leurs médicaments, les jouets de leurs enfants et leur nain de jardin s’ils s’obstinent à vouloir les fabriquer eux-mêmes. Les apôtres ont gagné, mais leur victoire a des conséquences socio-politiques qu’ils n’avaient pas anticipé.

Nous constatons le désarroi moral des ouvriers américains que l’ablation de leur valeur en tant que producteurs a privé d’utilité sociale et acculés à l’alcoolisme, à la drogue ou au suicide, la majorité votant à droite.

Pourquoi les populations qui ont survécu au démantèlement de leur industrie sont-elles maintenant de droite ? Les partis de gauche, sociaux-démocrates aux communistes, s’appuyaient sur des classes ouvrières exploitées. Les partis populistes,, s’appuient sur des plèbes dont le niveau de vie dérive largement du travail sous-payé des prolétaires de Chine, du Bangladesh, du Maghreb ou d’ailleurs. Les électeurs populaires du Rassemblement national sont des extracteurs de plus-value à l’échelle mondiale : ils sont donc très normalement de droite.

Cette analyse cruelle permet de comprendre pourquoi il est si difficile de réindustrialiser. Si la délocalisation de nombreuses activités productives a contribué à anémier de plus en plus nos provinces et nos banlieues, le libre-échange a tenu sa promesse de favoriser le consommateur aux dépens du producteur, de transformer le producteur en consommateur, et le citoyen productif en plébéien parasite, guère désireux au fond de retrouver le chemin et la discipline de l’usine.

Mais cela ne concerne pas seulement les milieux populaires. C’est l’ensemble de la société, dans le monde occidental avancé, qui profite du travail des ouvriers chinois et des enfants du Bangladesh, les jeunes diplômés de l’enseignement supérieur mal payés comme les prolos, les électeurs de LFI comme des électeurs du RN. Ils vivent tous des surprofits de la globalisation.

Cette vision est celle du Reste du monde, où triment pour des salaires dérisoires hommes, femmes et enfants, d’où cette inclination pour cette Russie qui ne joue pas le jeu de l’exploitation mondiale mais insiste au contraire pour rester une nation souveraine, extérieure au système. L’opposition économique entre un Occident exploiteur et un Reste du monde exploité est une réalité.

La stratégie occidentale des sanctions a radicalisé l’antagonisme latent de l’Ouest et du Reste de deux manières : en sommant le Reste de choisir l’Occident contre la Russie et en suscitant dans les classes supérieures du Reste une peur inédite des États-Unis.

L’affrontement en Ukraine oppose la Russie aux États-Unis et à leurs alliés (ou vassaux). Cet affrontement est avant tout économique. Les Russes possèdent des missiles hypersoniques, les Américains non. Leur doctrine militaire autorise désormais Moscou à user de frappes nucléaires tactiques si l’État russe est menacé. L’engagement de l’OTAN dans une guerre conventionnelle créerait une situation trop dangereuse. L’Ukraine est donc le théâtre d’opérations conventionnelles très localisées. Les Russes, en s’interdisant de mener une vraie guerre conventionnelle, ont satisfait les occidentaux. L’envoi de matériel militaire à l’Ukraine, mais non d’hommes, s’inscrit bien dans la logique de la globalisation nous avons, dans un premier temps, fait fabriquer ce dont nous avions besoin par les travailleurs des pays à bas salaires ; dans un second temps, nous faisons faire la guerre dont nous avons besoin par un pays à bas coût. Le corps humain ne vaut pas cher en Ukraine, nous l’avons remarqué à propos de la gestation pour autrui. Le grand nombre d’amputés en Ukraine semble avoir relancé l’industrie des prothèses en Allemagne.

L’Occident a accepté de mener une guerre exclusivement économique, nous disant que la guerre économique était moins violente que la guerre tout court. Elle ne n’est pas quand elle affame des populations. Dans le cas de la guerre en Ukraine, les sanctions ont  surtout élargi à la planète le champ des opérations et donner à la guerre, instantanément, une dimension mondiale et un caractère de lutte à mort entre les États-Unis et la Russie. Remarquons que les sanctions sont inspirées par le blocus mis en œuvre par les alliés contre les empires centraux pendant le conflit de 1914, un blocus qui avait fait des centaines de milliers de morts de faim ou de maladie et qui avait joué un rôle décisif dans la victoire des alliés. Mais pour fonctionner, la sanction doit abolir la neutralité des non-belligérants et obtenir leur participation. Une guerre conventionnelle se joue entre deux acteurs, devant un monde extérieur transformé en un immense public. Ces matchs meurtriers ne sont plus possibles dans un régime de sanctions. Pour que celui-ci soit efficace, le Reste du monde doit l’appliquer. Le Reste du monde a convenu d’aider la Russie. L’Occident a découvert qu’on ne l’aimait pas. Une terrible blessure narcissique. Le Reste du monde a soutenu la Russie dans son effort pour briser l’OTAN, en achetant son pétrole et son gaz, en lui fournissant les matériels et les pièces détachées dont elle avait besoin pour continuer la guerre et marcher sans trop de mal comme société civile.

Soumettre la Russie à un blocus opérationnel était, dès le départ, un projet saugrenu qui ne pouvait résulter que du narcissisme otanien, de l’étroitesse de taille et d’esprit de la petite bande de Washington, leader opérationnel du camp occidental.

Considérons la dualité peuple – classe dirigeante dans les pays du Reste du monde. Ce sont les travailleurs du bas de l’échelle sociale qui boulonnent pour assurer le confort de l’Occident. Mais les multiples décisions d’aider la Russie, dans le Reste du monde, ce ne sont pas les travailleurs exploités qui les ont prises, mais les groupes dirigeants indiens, turc, saoudien, sud-africain, brésilien, argentin et tant d’autres. On aurait pu s’attendre à ce qu’ils fussent solidaires de l’Occident, où ils recyclent leurs dollars et duquel ils pourraient même s’imaginer faire partie. Les grands hôtels, les paradis fiscaux, les écoles privées américaines et anglaises où les ploutocrates de tous les pays envoient leurs enfants auraient pu, ensemble, délimiter un espace commun à tout les super riches de la planète, dans un univers post-national authentique. Mais la saisie illégale des avoirs russes à l’étranger a soulevé une vague de terreur parmi les classes supérieures du Reste du monde. En traquant l’argent et les yachts des oligarques russes, les États-Unis (et leurs vassaux) ont, de fait, menacé dans leurs biens tous les oligarques du monde, ceux des grands comme des petits pays. Échapper à l’État prédateur américain est devenu partout une obsession et se dégager de l’empire du dollar devient pour tous un objectif raisonnable. Les sanctions ont en pratique rapproché les peuples du Reste du monde de leurs privilégiés.

Il y a aussi le fait que les valeurs occidentales déplaisent. L’Occident est de parenté bilatérale, les ascendants et collatéraux du père, d’une part, ceux de la mère, d’autre part, pèsent d’un poids égal dans la détermination du statut social de l’enfant ; la famille, centrée sur le couple, est nucléaire. Ce système anthropologique a conduit à la démocratie libérale parce que la famille faisait préexister dans la population un tempérament libéral. Dans la phase récente qui a vu l’enseignement supérieur se développer, ce système a provoqué le surgissement du féminisme radical. Les phases ultimes de cette révolution culturelle ont été l’émancipation de l’homosexualité, le développement d’une bisexualité féminine et enfin l’idéologie transgenre. Le Reste du monde est patrilinéaire. Le statut social de l’enfant est défini par la parenté du père seulement. Le principe patrilinéaire cohabite souvent avec un système familial communautaire, peu ou pas du tout individualiste. Le principe patrilinéaire et plus ou moins intense. Si on trouve des ménages nucléaires, les valeurs anciennes, patrilinéaire, communautaire, réfractaire un féminisme radical, n’ont pas disparu pour autant les cultures patrilinéaires n’ignore pas l’émancipation des femmes, mais celle-ci n’y prend pas la forme extrême du féminisme typique du monde occidental. En Iran, il n’y a une répression des femmes, mais les femmes font désormais plus d’études que les hommes.

La carte de l’homophobie ressemble à celle de la patrilinéarité. Les Occidentaux condamnent comme arriéré tout pays hostile à l’idéologie FGTB. Ils se rendent ainsi suspects au monde patrilinéaire, homophobe et de fait opposé à la révolution occidentale des mœurs. La Russie sait que sa politique homophobe et antitransgenre séduit beaucoup de pays. Poutine surjoue le rôle de la religion orthodoxe. Cela explique le rapprochement avec l’Iran, avec la Turquie, avec l’Arabie Saoudite.

Après la chute de l’URSS, toutes les nations sont inertes,  affectées par un mouvement vers un état zéro de la religion et de l’idéologie (c’est pourquoi Poutine veut préserver la Russie d’un engagement total dans la guerre : les Russes sont des individus modernes qui pensent d’abord à leur plaisir et à leur peine, tout en étant, il est vrai, à l’abri de la forme extrême de la postmodernité qu’est le nihilisme). L’Amérique s’étend vers l’extérieur, alors qu’à l’intérieur la pauvreté et la mortalité s’accroissent. La moralité, l’éthique du travail et le sentiment de responsabilité se sont évaporés. Les décisions ont cessé d’être morales ou rationnelles. Le respect des engagements est considéré comme une chose désuète : trahir devient normal. Les dirigeants ne maîtrisent plus la séquence historique, et en particulier ne comprennent pas la marche inexorable autant qu’absurde à la guerre. La fusion du nihilisme américain avec le nihilisme ukrainien est la revanche ultime sur la raison en histoire. Dans une première phase, les États-Unis acceptent la perspective d’une paix générale, même si Brzezinski considère la liaison de l’Allemagne et de la Russie comme la menace principale et que, pour achever la Russie, il faut arracher l’Ukraine. Dans une deuxième phase, les États-Unis agrandissent l’OTAN, interviennent en Irak, en Afghanistan, en Ukraine (révolution orange). Avec la crise de 2008 et l’élection de Barak Obama, les États-Unis se retirent l’Irak, les Allemands entraînent les États-Unis en Ukraine en 2014, les États-Unis n’interviennent pas en Crimée et en Syrie. Dans la quatrième phase, les États-Unis sortent du réel, Donald Trump est élu, puis Biden. Les États-Unis sont entraînés par les nihilistes ukrainiens. Les États-Unis préfèrent l’irrationalité, la violence, l’aggravation des conflits, les guerres.

L’idéologie nihiliste occidentale transforme le principe du respect des engagements en une chose désuète, négative. Trahir devient normal.

La chute de l’URSS a remis l’histoire en mouvement. Elle a créé un vide qui a aspiré le système occidental, principalement américain, alors qu’il était lui-même en crise et s’atrophiait en son centre. Un double mouvement s’est déclenché : une vague d’expansion de l’Amérique vers l’extérieur, alors même que dans l’intérieur des États-Unis se produisait un accroissement de la pauvreté et de la mortalité. Tous les acteurs de la guerre, Russie comprise, sont affectés par le même mouvement vers un état zéro de la religion. Il ne se manifeste pas toujours par l’apparition d’un état d’esprit nihiliste, qui nie la réalité du monde et tend vers la guerre, mais partout les populations semblent incapables de se reproduire. Toutes les nations, Russie comprise, sont inertes. Aucun sentiment collectif puissant ne les anime, pour restaurer leur grandeur par des prouesses économiques, par la guerre ou tout autre projet qui unirait les citoyens dans un fervent effort commun. Là où prédominaient des formes familiales complexes, intégratrices de l’individu au groupe, subsiste un résidu de collectivité qui permet au gouvernement de mener une action plus efficace. L’Allemagne est une société machine. La Russie est aussi une nation inerte, et c’est pourquoi Poutine veut la préserver d’un engagement total dans la guerre : les Russes sont des individus postmodernes qui pensent d’abord à leurs plaisirs et à leurs peines, tout en étant à l’abri de la forme extrême de la postmodernité, à savoir le nihilisme. L’Amérique d’aujourd’hui n’est plus un État-nation. Elle a perdu sa classe dirigeante et sa capacité à fixer une direction. Le pays n’est plus structuré par ses valeurs originelles protestantes, et la moralité, l’éthique du travail et le sentiment de responsabilité se sont évaporés. Les décisions de Washington ont cessé d’être morales ou rationnelles. On ne peut donner des États-Unis l’image paranoïaque classique d’un système manipulateur efficace.

La conscience historique des acteurs occidentaux est à son plus bas. Nos gouvernements prennent des décisions mais leur vision des rapports de force planétaire et de leur évolution est fantasmatique. Leur non-conscience, et l’absence d’un projet réel qui en découle, justifie une approche chronologique : c’est l’examen des décisions concrètes des acteurs, dans d’une séquence historique qu’ils n’ont pas maîtrisée, qui permet de comprendre la marche à la guerre, inexorable autant qu’absurde. L’existence d’une composante nihiliste aux États-Unis et d’une autre en Ukraine exclut a priori une interprétation rationnelle de l’histoire. La fusion des deux nihilismes conduit à une défaite, revanche ultime de la raison dans l’histoire.

Le pourcentage du PIB consacré aux dépenses militaires est un indicateur mesurant l’intérêt des États-Unis pour la chose militaire.

Dans la première phase, dans les années qui suivent la chute de l’URSS, les États-Unis acceptent la perspective d’une paix générale. Pendant 10 ans, les États-Unis ne nourrissent pas de projet de domination mondiale.

Brzezinski considère en 1197 l’association de l’Allemagne et de la Russie comme la menace principale. Pour achever la Russie, il faut lui arracher l’Ukraine.

Dans la deuxième phase, se déroulent dix années d’hubris. La fraction du PIB consacré aux dépenses militaires remonte. Les États-Unis se mettent à rêver d’une emprise absolue sur le monde. Les échecs en Irak et en Afghanistan se succèdent. En 1999, la Pologne, la Tchéquie et la Hongrie intègrent l’OTAN et l’OTAN bombarde la Serbie, tandis que Poutine arrive. Les organisations pseudo non-gouvernementale et les hommes d’affaires américains essayent de prendre le contrôle de tout ce qui peut l’être en Russie. En 2001 c’est l’invasion de l’Afghanistan, en 2003 l’invasion de l’Irak, avec le nihilisme de Pauwel, un nihilisme qui nie la réalité et la vérité et voue un culte aux mensonges. En 2001, la Chine entre à l’OMC. La Chine décime l’industrie américaine, la Russie se redresse. Poutine gagne la deuxième guerre de Tchétchénie. En 2004, l’OTAN intègre la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Slovaquie, la Slovénie, la Bulgarie, la Roumanie. La ruée vers l’est continue : c’est la révolution orange en Ukraine de novembre 2004 à janvier 2005. La russophobie apparaît en 2005 : la mise au pas des oligarques russes choque aux États-Unis, alors qu’aux États-Unis, les oligarques sont en train de l’emporter sur l’État, et surtout, ce qui inquiète, c’est le front commun germano-franco-russe contre la guerre d’Irak. En 2007, Poutine dit que la Russie n’acceptera pas un monde unipolaire. Les États-Unis parlent d’intégrer dans l’OTAN l’Ukraine et la Géorgie. En 2008, les Russes annexent l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie aux dépens de la Géorgie.

La troisième phase est le temps du repli, avec la crise de 2008 des subprimes et l’élection de Barak Obama, président pacifique d’instinct. Les dépenses militaires régressent. En 2012, la Russie entre à l’OMC. Obama refuse d’armer l’Ukraine, parvient à un accord avec l’Iran, retire des forces de l’Irak en 2011. En 2009 l’OTAN intègre la Croatie. En 2010, l’espérance de vie des Américains blancs de 45 à 54 ans commence à baisser en 2011 éclatent des révolutions en Tunisie, en Algérie, en Jordanie, en Égypte, au Yémen, à Bahreïn, en Libye, au Maroc et en Syrie. Les Américains se laissent entraîner dans une intervention en Libye. En 2013 la Russie accorde l’asile politique à Snowden. L’Allemagne abandonne le nucléaire et construit Nord stream. L’Allemagne accueille 1 000 000 de réfugiés syriens. En 2014, les Allemands entraînent des États-Unis en Ukraine. La Russie récupère la Crimée. En 2015, la Russie intervient en Syrie. Les Américains ne bougent pas.

La quatrième phase correspond à une sortie totale du réel de la part des États-Unis, qui tombent dans le piège de la guerre d’Ukraine. Les dépenses militaires augmentent de manière insignifiante. Le rêve nihiliste des nationalistes ukrainiens a appâté les États-Unis. En 2016, Royaume-Uni se prononce en faveur du Breaksit et Donald Trump est élu président des États-Unis. Nous allons assister à des décisions stratégiques dépourvues de logique. Des aléas purs. Il n’y a pas de cohérence dans la politique extérieure. Trump arme les ukrainiens. Les néoconservateurs ne parviennent pas à s’identifier à Trump. Le protectionnisme ne peut aboutir : les États-Unis ne parviennent pas à développer une industrie de substitution aux importations. De toute façon la main-d’œuvre qualifiée nécessaire n’existe plus. Trump reconnaît Jérusalem comme capitale d’Israël. Il dénonce l’accord avec l’Iran, prend des sanctions contre le Venezuela, signe avec les talibans un accord de retrait, menace de quitter l’OTAN. L’OTAN s’élargit en absorbant le Monténégro en 2017 et la Macédoine du Nord en 2020.

Biden est élu en novembre 2020. Les troupes américaines se retirent d’Afghanistan en août 2021. L’État américain se scinde en divers organes – l’armée, la police, la marine, les services de renseignements, etc. –, lesquelles agissent sans contrôle ni coordination. Les États-Unis sont entraînés malgré eux en Europe. Le gouvernement de Kiev poursuit son rêve impossible, nihiliste, de récupérer le Donbass et la Crimée et d’asservir des populations russes en leur interdisant l’usage de leur langue. La résistance efficace de Kiev crée l’illusion d’une victoire, tournant la tête des néoconservateurs. Le nihilisme américain se met à vibrer en phase avec le nihilisme ukrainien. Les éphémères succès militaires du nationalisme ukrainien lancent les États-Unis dans une surenchère d’où ils ne peuvent sortir sous peine de subir une défaite globale, militaire, économique et idéologique. La défaite, ce serait le rapprochement germano-russe, la dédollarisation du monde, la fin des importations payées sur la planche à billets collective interne, une grande pauvreté. L’état sociologique zéro de l’Amérique nous interdit toute prédiction raisonnable quant aux décisions ultimes que prendront ses dirigeants : le nihilisme rend tout possible.

30 septembre 2023.

Dans la guerre qui tue surtout des civils en Palestine, on voit la préférence de Washington pour la violence, pour l’aggravation du conflit : déplacement d’un porte-avions, visite de Biden, refus de voter la trêve humanitaire. L’engagement irréfléchi et sans nuance du côté d’Israël est un symptôme suicidaire. La Russie apparaît comme une force de paix : pour le monde arabe, elle est désormais le seul bouclier possible contre la violence renouvelée des États-Unis. La préférence de Washington pour la guerre nous incite à imaginer qu’un jour les Israéliens se tourneront finalement vers la Russie. Il n’y a plus de rationalité en États-Unis. Ils ne sont pas à la recherche de gains, en évaluant des coûts. Dans le village de Washington, pays des fusillades de masse, à l’heure de la religion zéro, la pulsion première est un besoin de violence.

30 octobre 2023.

1c) Les raisons de la transformation des partis communistes, c’est-à-dire des partis de défense de la classe ouvrière, en partis sociaux-démocrates, proches de la droite (écrit a la suite de la lecture du livre d’Emmanuel Todd en janvier 2024).

Les pays capitalistes occidentaux continuent d’exploiter et de coloniser le Reste du monde. L’ensemble des travailleurs de ces pays occidentaux, en particulier la classe ouvrière, profite de cette situation, ce qui diminue la conflictualité dans les pays occidentaux, avec une tendance au réformisme, à la conciliation, et une droitisation de l’ensemble des partis politiques de gauche, qui en arrivent même à soutenir l’impérialisme américain et ses vassaux dans leurs guerres tous azimuts.

En résumé, on peut caractériser le courant social-démocrate de la façon suivante (comme un concept à la limite, un idéal-type) : démocratie interne à géométrie variable, manque d’empathie et bureaucratisme, coalition éventuelle avec la droite et en particulier la droite pro-américaine (concessions à la bourgeoisie), utilisation éventuelle des terrorismes (fascistes, nazis ou djihadistes), penchants pour le colonialisme, le néocolonialisme, l’impérialisme américain et la guerre, manque de cohérence et irrationalisme (avec Lukacs et son livre « La Destruction de la raison », 1954, on sait où conduit l’irrationalisme).

2) Comment caractériser le courant communiste ?

Les partis communistes naissent en 1920 à condition de respecter les 21 règles de l’Internationale communiste : lutte contre la colonisation, contre l’impérialisme, contre le réformisme, le centrisme, le social-patriotisme, le social-pacifisme, lutte pour une action communiste dans les organisations de masse et les syndicats par des noyaux communistes subordonnés au Parti, subordination des élus communistes au Parti, subordination du Parti à la centralisation démocratique, soutien aux républiques soviétiques par le refus des transferts de matériel de guerre, confirmation des programmes des partis par le Congrès de l’Internationale communiste ou par son Comité exécutif (si ce dernier refuse de sanctionner le programme, la parti en question a le droit d’en appeler au Congrès de l’Internationale communiste), obligation de suivre et d’imprimer les décisions des Congrès de l’Internationale communiste et du Comité exécutif (le Comité exécutif doit tenir compte des conditions variées et n’adopter de résolution obligatoire que dans certains cas). Il est fait allusion à la dictature du prolétariat comme concept à faire comprendre. Dans les pays où la lutte de classe entre dans une période de guerre civile, là où il y a un état de siège ou des lois d’exception, les communistes doivent créer un organisme clandestin parallèle et conjuguer l’action illégale et l’action légale. L’adhésion d’un parti à l’Internationale communiste exige que les deux tiers des membres du Comité central et des institutions centrales les plus importantes soient d’accord.

Les communistes des pays capitalistes sont tout de suite, dès 1920, combattus par la droite et parfois par la gauche non communiste.

L’URSS est l’objet de l’agression de 14 pays de 1918 à 1922, puis du cordon sanitaire.

Quand Hitler arrive au pouvoir, avec le soutien de nombreuses forces aux États-Unis, en Angleterre et en France, ces forces espèrent la réalisation du projet de Mein Kampf d’une agression contre l’URSS. Le pacte de Munich, où Daladier et Chamberlain rencontrent Hitler et Mussolini, laisse les mains libres à l’est à Hitler.

Du point de vue de ces forces anticommunistes social-démocrates et de droite, l’invasion par Hitler de la France, le 10 mai 1940, est une surprise. Ces forces anticommunistes s’attendaient, conformément à leur signature de l’accord de Munich, à une agression nazie contre l’URSS.

Ces forces anticommunistes devront attendre le 22 juin 1941 l’agression nazie contre l’URSS pour que soit satisfait leur anticommunisme.

Les États-Unis, qui aident Hitler dans son réarmement et ses guerres (guerres en Espagne, Pologne, France, Belgique, etc.) à travers General Motors (qui prend le contrôle d’Opel), Ford, la banque et le pétrole, n’entrent en guerre contre Hitler que lorsque Hitler leur déclare la guerre : les États-Unis sont désolés de mettre en question une partie de leurs intérêts en Allemagne et de se trouver alliés avec leur ennemi, l’URSS.

Les États-Unis n’interviendront sur le front ouest contre l’armée allemande que le 6 juin 1944.

En 1945, les États-Unis ont toujours conscience que leur ennemi, c’est l’URSS.

Les nazis allemands et les nazis des autres nations (en particulier les nazis banderistes d’Ukraine et les nazis oustachis de Croatie) sont recyclés en Allemagne de l’Ouest, aux États-Unis, au Canada, en Amérique du Sud, dans les organes de renseignements et les armées d’Allemagne de l’Ouest ou des Etats-Unis, ou dans l’écriture d’une histoire anticommuniste de l’URSS et du mouvement communiste. Le nazisme semble avoir été définitivement vaincu, mais c’est seulement une apparence.

La Guerre Froide commence, une guerre militaire, économique, médiatique, culturelle contre les communistes et tous ceux qui résistent à l’impérialisme américain et aux impérialismes des pays de l’OTAN.

C’est la guerre contre les communistes de Corée (1950-1953, 2 000 000 de morts), les guerres contre les communistes vietnamiens (1946-1954, 1955-1975), les guerres contre les communistes cubains. Ce sont les guerres par procuration. Ce sont les « changement de régime » et les coups d’État, par exemple au Chili, en 1973. C’est le soutien à des mouvements politiques d’opposition et à des O.N.G. contrôlés par la puissance américaine. C’est le soutien direct à des mouvements terroristes qu’ont fait intervenir éventuellement en les faisant venir de l’extérieur, comme en Afghanistan ou en Syrie.

Après la réussite du « changement de régime » en URSS en 1991, les guerres des États-Unis et des pays de l’OTAN continuent contre l’Irak, la Yougoslavie, la Libye, la Syrie (entre autres).

Depuis plusieurs années, du fait de l’évolution non acceptée du régime en Russie (une évolution vers plus d’indépendance par rapport au pillage, au chaos et au démantèlement précédents), une guerre contre la Russie est engagée, parallèlement à une guerre contre la Chine et tous les pays qui veulent prendre un peu d’indépendance.

Ces guerres sont engagées contre la charte de l’ONU.

Parallèlement, l’ONU est contrôlée par les États-Unis : non seulement le siège de l’ONU est à New York – l’autorisation de participer aux réunions de l’ONU est à la discrétion du gouvernement américain –, mais le secrétaire général de l’ONU est un politicien atlantiste d’un des pays de l’OTAN. En même temps, les États-Unis ont violé leurs engagements internationaux et ont dénoncé la plupart des traités internationaux de sécurité collective.

Les guerres contre la Russie et la Chine sont engagées au nom de « l’ordre basé sur des règles », c’est-à-dire les règles instituées unilatéralement par les États-Unis et les pays de l’OTAN. Ces guerres se manifestent par l’extension de l’OTAN en direction de la Russie et de la Chine, par l’alliance de l’OTAN avec le Japon et les Philippines, par l’installation de bases militaires tout autour de la Russie et de la Chine, par des sanctions économiques, commerciales et financières (génératrices de nombreux morts dans les populations civiles), par la propagande raciste anti-russe et anti-chinoise, par la censure, etc.

L’Inde, les pays du Moyen-Orient et d’Afrique comprennent qu’ils peuvent être la prochaine cible de l’impérialisme des États-Unis et des pays de l’OTAN.

En résumé, le mouvement communiste de 1920, anti-impérialiste, anticolonialiste, internationaliste, fonctionnant selon la centralisation démocratique, promeut la dictature du prolétariat (« il ne convient pas de parler de dictature du prolétariat comme d’une formule a priori et courante, mais de la propager de manière qu’elle paraisse indispensable à tout ouvrier, ouvrière, soldat, paysan, sur la base des faits mêmes de la vie relevés journellement par notre presse »), flétrit « systématiquement et impitoyablement non seulement la bourgeoisie, mais aussi ses sous-ordres, les réformistes de toutes nuances ». Ce mouvement communiste est combattu dans les pays capitalistes. La Russie soviétique est dès le début et sans cesse l’objet d’agressions militaires et économiques. Les forces anticommunistes aux États-Unis, en Angleterre et en France soutiennent l’arrivée d’Hitler au pouvoir, espérant son entrée en guerre contre l’URSS. Après la défaite nazie, les États-Unis et ses vassaux européens engagent la Guerre Froide contre l’URSS et tous les pays qui résistent à l’impérialisme, en recyclant les nazis dans les services de renseignements, dans les armées, dans la politique, dans la culture et dans la réécriture de l’histoire.

3) Il y a toujours dans le mouvement communiste des possibilités, des risques de social-démocratisation. Prenons un premier exemple, la plupart du temps nié, ignoré ou refoulé, le coup d’État de 1953 en URSS.

Si je suis fidèle à Domenico Losurdo (« Staline : Histoire et critique d’une légende noire », éditions Aden, 2011) et à Grover Furr (« Kroutchev a menti », éditions Delga, 2014), en 1953, en URSS, le criminel de masse Kroutchev organise un coup d’État. Cette phrase est une vérité basée sur des faits, même si ces faits ne sont pas reconnus par les historiens du consensus et les journalistes de cour.

D’une part, en ce qui concerne la personnalité de Kroutchev : dans les années 30, secrétaire du parti dans la région de Moscou puis en Ukraine, Kroutchev – dans le cadre de troïkas où il s’adjoint un juge et un membre du KGB – a fait exécuter plus de 100 000 communistes, sans parler des communistes envoyés au goulag (ne parlons pas de la responsabilité de Kroutchev dans une défaite où 18 divisions soviétiques sont faites prisonnières par les nazis, à la suite de quoi Kroutchev est écarté).

D’autre part, en ce qui concerne le coup d’État, il suffit de voir ce qui se passe à la tête du parti soviétique en 1953 : la bande à Kroutchev assassine le groupe Staline. Arrivé au pouvoir, Kroutchev multiplie par deux les rémunérations des communistes, introduit un secteur privé permettant la corruption généralisée des dirigeants du parti (développement des oligarques), nettoie les archives et réécrit l’histoire du mouvement communiste sur le modèle de l’historiographie anticommuniste (qu’elle soit nazie, anglo-saxonne officielle ou trotskiste), interdit toute dissidence par rapport à la ligne officielle, réprime par la force armée les protestations populaires, démantèle les coopératives, intervient militairement en Hongrie, éteint tout véritable débat à l’intérieur du parti communiste, introduit concrètement le culte de la personnalité à l’égard de lui-même et des dirigeants – sous prétexte de lutter contre le soi-disant culte de la personnalité de Staline, un culte que Staline explicitement détestait, etc.

On peut parler d’une social-démocratisation de la direction de l’URSS au sens défini plus haut (évidemment, le parti communiste soviétique et l’URSS conservent certaines de leurs qualités communistes, avec des hauts et des bas, pendant un certain temps – on ne peut effacer dans les sentiments de la population brusquement et totalement la période 1917-1953 –, jusqu’à la chute de l’URSS, avec Gorbatchev et Eltsine, qui sont les derniers oligarques kroutchéviens de l’époque soviétique).

Apparaissent dans l’après-1953, aux yeux du monde entier, dans le présent de l’actualité, d’une part, une réalité de l’URSS, une réalité des pays socialistes, une réalité des partis communistes, des réalités faites de dogmatisme, d’autoritarisme, d’arbitraire, de violence, de mépris des militants, de mépris de la population, avec, là où les communistes de type kroutchévien dirigent, l’irrationalisme, l’incompétence, le mensonge, la pensée monolithique, la censure, les pénuries, les queues dans les magasins, les privilèges pour des dirigeants corrompus, les services dégradés dans les transports, la santé, l’école, la sécurité, la production, l’absence d’internationalisme, la xénophobie. Ces réalités sont alors identifiées non à la social-démocratie kroutchévienne, mais au communisme. D’autre part, apparaît, avec une grande satisfaction de la part de toutes les forces anticommunistes, une image effrayante de la période léniniste-bolchevique et de la période stalinienne, une image décrite par les dirigeants, politiciens et intellectuels communistes de type kroutchévien comme bien pire encore que ces réalités kroutchéviennes de décomposition que le monde entier pouvait constater. Pour ces sophistes et communicants, qu’on désigne comme communistes ou révolutionnaires, ou qui se désignent comme communistes ou révolutionnaires, la science de l’histoire n’existe pas, autrement dit : on peut dire n’importe quoi en évitant évidemment et surtout toute discussion ouverte et approfondie.

Le coup d’État de 1953, non reconnu, non dénoncé, et parce qu’il est non reconnu, non dénoncé, ne peut être qu’à l’origine d’une social-démocratisation rampante de tout le mouvement communiste, social-démocratisation dans les pays socialistes et dans les partis communistes des pays capitalistes.

En effet, on ne peut pas sans conséquence effacer les faits de ces dirigeants communistes soviétiques assassinés en douce, sans procès, et du changement d’orientation du parti communiste soviétique. En ne dénonçant pas la criminalité de Kroutchev, en effaçant les crimes de Kroutchev et des membres de sa bande de secrétaires généraux du parti, en considérant Kroutchev comme un personnage historique de grande stature et intelligence, on adopte sa vision de l’histoire de l’URSS, en particulier sa vision de l’histoire du stalinisme, on adopte ses mensonges comme des vérités historiques indubitables, malgré les archives, on prend en compte ses orientations social-démocrates, irrationalistes, dogmatiques et autoritaires comme des orientations communistes, on adopte son langage binaire qui élimine toute véritable discussion, jusqu’à adopter sans critique l’historiographie anticommuniste irrationaliste, qui était une des sources principales cachées des falsifications historiographiques de Kroutchev, de ses acolytes et de ses fidèles en URSS et à l’étranger

 Ces risques de social-démocratisation du mouvement communiste, il faut en faire l’histoire dans les pays socialistes (par exemple, la bande à Ceausescu, à l’image de la bande à Kroutchev, réussit à prendre le contrôle du parti communiste roumain) et dans les partis communistes (nous prendrons l’exemple du parti communiste français). Il faut enfin développer, malgré les institutions qui freinent (comme Annie Lacroix-Riz le démontre), des histoires non idéologiques, des histoires scientifiques de l’URSS, des différents pays communistes et partis communistes.

En résumé, le coup d’État de 1953 en URSS est social-démocrate, et on peut ajouter que tant qu’il ne sera pas reconnu comme tel par les communistes, il sera un élément d’irrationalisme historique, de cécité quasi-volontaire par rapport au fait, et donc un facteur de social-démocratisation du mouvement communiste (l’irrationalisme en histoire se diffuse en irrationalisme tout court – c’est une question de cohérence – et l’irrationalisme est un caractère important de la définition ci-dessus de la social-démocratie).

4) Y a-t-il eu et y a-t-il en France une social-démocratisation du parti communiste, des syndicats et des associations ?

4, a Leur attitude irrationaliste à l’égard du coup d’État de Kroutchev de 1953.

Pour le Parti communiste français, le diagnostic est difficile, car il est évident que le parti communiste français joue un rôle important dans la défense des classes populaires.

 Il semble que le Parti communiste français n’ait pas reconnu le coup d’État de 1953 en Russie comme un coup d’État et ait finalement adopté la réécriture de l’histoire faite par Kroutchev. L’alignement irrationaliste du Parti communiste français sur l’histoire falsifiée de Kroutchev et de sa bande (ce qu’on appelle la déstalinisation) a entraîné, souvent dans l’indifférence des dirigeants, des défections de militants de base et la possibilité renforcée d’une orientation irrationaliste dans la méthode et le contenu de la politique du parti communiste français, des organisations syndicales et des associations.

4, b Les défections de militants, la médiocrité des dirigeants, leur esprit non démocratique, leur dogmatisme, leur corruption, leurs censures.

En ce qui concerne les défections de militants, ces défections ne coïncident pas seulement avec le processus historique de « déstalinisation » (la déstalinisation, c’est, d’une part, le silence sur le coup d’État de 1953 et l’assassinat du groupe Staline, et d’autre part, l’alignement sur le narratif de Kroutchev et de ses complices). Ces défections coïncident aussi avec les errements antidémocratiques, sociaux-démocrates et impérialistes de Kroutchev et de tous ceux qui, en URSS ou à l’étranger, l’ont suivi et continuent de le suivre (interventions militaires en Hongrie ou en Tchécoslovaquie, absence de démocratie, unicité de pensée, dogmatisme, bureaucratie, corruption, censures, exclusions, traitement discriminatoire des « dissidents » ou opposants, concessions à la bourgeoisie et à l’impérialisme, absence d’internationalisme, etc.). Un aspect de la médiocrité des dirigeants des organisations, de leur non-esprit démocratique véritable, c’est de ne pas solliciter et comprendre les raisons des départs des militants de base (et aussi les raisons des adhésions). Cela manifeste l’indifférence des dirigeants, leur refus finalement de discuter sur le fond avec la diversité des militants. Ce sont des dirigeants qui ont vraisemblablement la science infuse !

On pourrait ajouter ce caractère à notre définition de la social-démocratie.

4, c Le manque de rationalité, de connaissances théoriques, de rigueur, d’empathie et d’honnêteté intellectuelle des dirigeants, qui versent dans l’électoralisme, la rhétorique, la communication, l’esthétisme, la politique instinctive

En ce qui concerne l’orientation de la méthode de la politique des organisations, cette nouvelle orientation ne concerne pas seulement le moment de la déstalinisation et les errements de type kroutchévien. Outre les difficultés de reconnaître qu’on s’est trompé, outre le manque de modestie intellectuelle, outre l’aspect présomptueux, outre la manifestation de trop d’assurance, outre la confiance en soi démesurée, il y a la non-expérience de ce qu’est une recherche scientifique dans le domaine des sciences humaines et politiques, des erreurs qu’elle comporte et qu’elle doit reconnaître aux yeux de tous. Reconnaître ses erreurs, ses hésitations, ses tâtonnements, ce n’est pas manifester sa faiblesse, son incompétence, c’est au contraire manifester son honnêteté intellectuelle, sa rationalité et sa rigueur, et c’est prendre ses distances à l’égard de l’électoralisme, de la rhétorique, de la sophistique, de la communication, de l’esthétisme et de la politique instinctive, superficielle, utilisant le langage de l’évidence, ne vérifiant pas ses affirmations, prenant pour argent comptant les témoignages volontaires. Et aussi il faut substituer à la certitude absolue le degré de certitude, au rigoureusement mesurable l’infiniment probable.

Et il y a le manque d’empathie et de discussion avec la base : « notre peuple mérite qu’on se fie à lui et qu’on le mette dans la confidence. » (Marc Bloch).

On pourrait aussi ajouter ces caractères à la définition de la social-démocratie.

 Autrement dit, il y a un manque de rigueur, d’approfondissement, de cohérence, du fait de cette insuffisance de formation théorique, de véritable discussion et de solidarité militante. C’est bien une caractéristique de la social-démocratie et de son bureaucratisme.

4, d Le trente-huitième et le trente-neuvième congrès du parti communiste français (mis à jour en juin 2023).

Dans le Parti communiste français, il faut noter, dans une France soumise en grande partie à la censure du gouvernement et des oligarques français et américains, l’importance de l’existence récente de véritables discussions, ce qui a entraîné un changement par le vote au dernier congrès (le 38ème, en novembre 2018) dans la direction du parti. Il faut reconnaître que la direction élue en 2018 a été plus sensible aux revendications et intérêts des militants de base. Par conséquent, l’orientation de l’ancienne direction, vraisemblablement trop social-démocrate, a été remise en question, ce qui est, répétons-le, réconfortant dans la situation actuelle de propagande, d’unicité de pensée.

De même, la discussion de préparation au trente-neuvième congrès, qui s’est terminée en avril 2023, a abordé de nombreux sujets avec des points de vue très divers (il est particulièrement remarquable que des militants communistes soient restés dans leur parti avec des opinions complètement différentes de celles adoptées par la majorité).

 Dans la possibilité d’une orientation rationaliste, anti-impérialiste, internationaliste du parti communiste français à partir de ce 39ème congrès, tout est une question d’une course de vitesse entre deux forces qui s’opposent à l’intérieur du parti communiste français, les forces rationalistes, anti-impérialistes, anticapitalistes et pacifistes, d’une part, les forces irrationalistes, obscurantistes, à la remorque de l’OTAN et de la Communauté européenne, d’autre part.

Cette lutte à l’intérieur du parti communiste français, qui malheureusement ne s’exprime pas suffisamment en dehors des congrès par des véritables discussions de fond et un engagement des dirigeants, reflète une lutte au niveau national et international, une lutte entre l’idéologie nazie bandériste dominante et la prise de conscience rationaliste, une lutte, d’une part, entre le terrorisme de l’instinct, de l’irrationalité, le terrorisme de la finance, du court terme et de l’urgence, le terrorisme des États, des partis et des médias inféodés et corrompus, le terrorisme des milices fascistes, nazies ou djihadistes utilisées par les politiciens va-t-en-guerre de tout bord, des terrorismes qui conditionnent par la peur et le racisme l’orientation de l’esprit et du jugement des populations, des terrorismes qu’il est dangereux de sous-estimer, et d’autre part, la prise de conscience rationaliste de plus en plus de militants.

4, e La domination dans les pays de l’OTAN de l’idéologie nazie bandériste.

Notons que l’idéologie nazi bandériste a cours en Ukraine et semble admise dans les pays de l’OTAN, puisqu’il n’y a pas de protestation contre l’héroïsation de Bandera et de ses fidèles en Ukraine, ces assassins de juifs et de russes pendant la dernière guerre mondiale. N’oublions pas qu’il y a eu, du fait de l’idéologie nazie, 6 000 000 de morts juifs et 35 000 000 de morts soviétiques – 15 000 000 de civils, 20 000 000 de soldats, sans parler des morts dans les pays occupés, dans les résistances et dans les armées alliées avec l’URSS.

Il faut être plus précis : non seulement il n’y a pas de protestation de la part des gouvernements des pays de l’OTAN (et aussi de la plupart des partis de gauche de ces pays), mais il y a un silence sur les faits, des faits qui se produisent en continu depuis 2014 et qui ne sont même pas présentés à la population française, des faits qui ne sont pas insignifiants puisqu’il s’agit de dizaines de milliers d’assassinats, de tortures, de viols dans un pays européen, qu’il s’agit d’une volonté explicite d’épuration ethnique des gouvernements de Kiev.

Cette idéologie nazie bandériste qui a cours en Ukraine et semble admise à bas bruit dans les pays de l’OTAN comporte de nombreuses analogies avec l’idéologie nazie hitlérienne.

Prenons quelques exemples.

Il y a d’abord l’existence dominante d’un racisme anti-russe dans tout l’Occident, dans tous les pays de l’OTAN, un racisme qui dissimule sa nature par des mensonges sur la Russie, des mensonges présentés comme des vérités de fait, des mensonges qui sont favorisés par la censure de toute parole libre qui vient de Russie, des mensonges qu’on tait pudiquement quand ils sont révélés (dernier mensonge révélé par une enquête américaine : l’intervention de Poutine et de la Russie dans les élections américaines).

Plus généralement, les mensonges sont un moyen quotidien de politique dans les pays de l’OTAN, une seconde nature (les armes de destruction massive en Irak, Kadhafi qui bombarde ses populations, Poutine qui bombarde les populations, les hôpitaux, les écoles, les centrales nucléaires, les barrages du Donbass, Poutine qui sabote Nord stream, etc.).

Au racisme anti-russe, il faut ajouter la volonté d’épuration ethnique en Ukraine et un antisémitisme chez de nombreux adeptes. Prenant modèle sur les lois de Nuremberg, le régime de Kiev institue un droit différent pour les populations qui ne parlent pas ukrainien.

Sur le modèle du nazisme hitlérien, il faut aussi pour les élites des pays de l’OTAN la réécriture de l’histoire. On apprend ainsi que l’URSS a joué un rôle négligeable dans la défaite nazie par rapport aux armées des États-Unis, ce qui permet de ne pas inviter la Russie aux commémorations de la fin de la dernière guerre mondiale ou aux commémorations de la libération d’Auschwitz, pourtant libéré par les soviétiques. On apprend ainsi que les nazis qui ont été vaincus n’étaient pas si mauvais que cela, qu’ils étaient des nationalistes courageux, qu’ils étaient des résistants au stalinisme – un stalinisme défini à la façon de la propagande des hitlériens ou des historiens anticommunistes occidentaux, etc.

N’oublions pas l’interdiction des partis d’opposition, l’assassinat ou l’emprisonnement ou le bâillonnement des opposants et des journalistes indépendants (en Ukraine, et aussi en Angleterre, Julian Assange et Kit Klarenberg), la qualification de complotistes ou de terroristes de ceux qui ne sont pas dans la ligne – ce qui permet de justifier leur exclusion des médias et, du coup, la censure généralisée et les discours les plus irréalistes, puisque, a priori, il n’y a plus de contradiction possible.

Enfin il y a la frénésie guerrière généralisée, l’engagement dans la guerre et dans l’économie de guerre considérées comme des solutions, et les centaines de milliers de morts comme conséquence.

Un signe encourageant dans le parti communiste français : des militants du PCF dénoncent les positions atlantistes du journal L’Humanité, prenant pour exemple l’édition du 31 mai 2023.

Du côté de Mélenchon et des Verts, les positions atlantistes et bellicistes sont inquiétantes (nulle trace, nulle mention, le silence complet, chez ces gens qui se disent de gauche, des massacres des populations de l’Est de l’Ukraine depuis 2014 et des révolutions qui ont suivi).

D’après Danielle Bleitrach (Histoire et Société du 9 juin), Mélenchon, le 17 mai 2023, a invité à l’Assemblée nationale, grâce au ministère des Affaires étrangères et à l’Élysée qui ont permis cette rencontre dans un lieu institutionnel, des opposants à Poutine. Danielle Bleitrach parle de la gauche impérialiste européenne, qui va de Podemos en Espagne, à la Linke en Allemagne, à la France insoumise, jusqu’à l’émule italien de Mélenchon Unione popolare, une gauche impérialiste tenue en réserve utile pour les moments où l’Occident capitaliste a besoin de légitimer ses opérations de guerre et les rendre « humainement » acceptables. Dans une conjoncture comme celle-ci, où le niveau de confrontation militaire devient de plus en plus élevé, la propagande des États-Unis et de l’OTAN doit déployer le maximum d’efforts pour impliquer dans le soutien à ses projets des secteurs de l’opinion publique qui pourraient échapper à son contrôle. Et dans le collimateur, il y a non seulement l’opinion publique occidentale, mais aussi celle des pays « ennemis » qu’elle tente de déstabiliser avec l’arme de sa prétendue « démocratie ». A l’heure où la bataille devient décisive, il faut toujours prendre en compte le rôle que peut jouer sur le front anti-impérialiste la cinquième colonne – c’est-à-dire l’ensemble des acteurs qui se disent anti-impérialistes tout en soutenant pratiquement l’impérialisme.

4, f L’urgence de lutter contre le terrorisme nazi bandériste.

« Se former une idée claire des besoins sociaux et s’efforcer de la répandre, c’est introduire un grain de levain nouveau dans la mentalité commune, se donner une chance de la modifier un peu et, par suite, d’incliner en quelque mesure le cours des événements » : telle est, pour Marc Bloch, l’importance de reconnaître la responsabilité de chacun dans la lutte contre les terrorismes, avant qu’il ne soit trop tard pour intervenir.

Pour l’heure actuelle, il faut lutter, avant qu’il ne soit trop tard, contre tous les terrorismes, et en particulier le terrorisme nazi bandériste qui domine en Ukraine depuis 2014, dans le silence complice des médias, des gouvernements et des partis politiques.

En résumé, le parti communiste, les syndicats et les associations, en adoptant le narratif mensonger et irrationaliste de Kroutchev, augmentent les risques de social-démocratisation de leurs organisations : manque de relations et de discussions avec la base, croyance d’avoir la science infuse et d’être dépositaire de la certitude absolue, politique instinctive, superficielle, utilisant le langage de l’évidence, ne vérifiant pas ses affirmations, non-reconnaissance de ses erreurs, de ses hésitations, de ses tâtonnements, acceptation comme argent comptant des témoignages volontaires (photos, vidéos, déclarations). Il faut une prise de distance avec la communication de type managérial et l’électoralisme démagogique. Il y a une course de vitesse entre, d’une part, le terrorisme et l’irrationalisme qui conditionnent par la peur et le sentiment, et d’autre part, la prise de conscience rationaliste de la population et l’esprit de responsabilité de chacun. L’existence dans le parti communiste français d’une véritable discussion pour le prochain congrès ouvre la possibilité de cette prise de conscience rationaliste de la population.

5) Des exemples passés de la social-démocratisation du parti communiste français et des syndicats.

5, a La difficulté de reconnaître ses erreurs, la difficulté de l’honnêteté intellectuelle et de la rigueur scientifique.

Ne pas reconnaître les faits historiques, ne pas approfondir l’histoire du mouvement communiste, cela manifeste un manque de sérieux, cela conduit à un manque de cohérence. C’est sous-estimer ou ignorer les risques de dérives social-démocrates.

Il faut reconnaître les faits, même si c’est douloureux, même si cela met en cause des certitudes et des engagements passés : le cancer de la social-démocratie a existé à bas bruit par exemple dans le Parti communiste français, même si nous ne le reconnaissions pas à l’époque.

Pour diverses raisons, par la famille, par l’action commune passée, par les lectures qui nous ont marqués, etc., nous estimons certaines personnalités, sans voir leurs limites ou sans voir que les conditions ont changé, que ce qui semblait judicieux à l’époque se révèle, a posteriori, avec les nouvelles connaissances et expériences que nous avons, comme des erreurs : il est difficile de prendre de la distance à l’égard de personnes que nous avons aimées ou admirées, de personnes en qui nous avons cru, plus généralement, il est difficile de se remettre en question, de reconnaître ses propres erreurs d’appréciation.

Il s’agit d’être fidèle à la vérité, fidèle avant tout à notre engagement pour l’honnêteté intellectuelle, qui est notre première responsabilité, la responsabilité qui consiste en la volonté d’apporter, dans la mesure de nos limites et capacités, une connaissance vraie et entière aux populations, ce qui exige la recherche critique et ouverte, chaque jour renouvelée, des faits passés et présents, à travers les différents documents, témoignages, controverses. Telle est la première responsabilité des élus et des dirigeants.

5, b Le non-respect de la démocratie et de la discussion à l’intérieur du parti communiste français.

 Nous disions que le cancer de la social-démocratie avait existé à bas bruit dans le Parti communiste français : par exemple, en février 1976, Georges Marchais ne donne pas à discuter l’abandon de la dictature du prolétariat (le journal L’Humanité écrit : « le projet de texte soumis aux communistes n’intègre pas cette notion. Mais le secrétariat général demeure inquiet et c’est alors qu’est lancée par un amendement téléguidé une opération de diversion sur la question de la morale et des mœurs. Opération de décentrement de la discussion en réalité inutile mais qui est l’indice de la volonté de conduire le changement du PCF seulement par le haut »).

 On pourrait ajouter, après l’élimination de Staline, puis de Lénine et de la dictature du prolétariat, le quasi-abandon de la notion d’impérialisme. Cela donne l’histoire consensuelle et ses affirmations non fondées, le purisme révolutionnariste de Lucien Sève, cela donne Robert Hue, secrétaire national du parti communiste de 1994 à 2001, qui appelle à voter pour Macron au premier tour de 2017, ou Charles Fiterman, dirigeant et ministre communiste, qui devient membre du parti socialiste en 1998.

5, c Le silence du parti communiste français sur les conflits d’intérêts et sur la criminalité de certaines firmes pharmaceutiques.

Autre exemple : lors de la pandémie, la CGT, les autres syndicats et le Parti communiste, n’ont pas vraiment défendu les professeurs et chercheurs de médecine, les médecins et soignants qui essayaient de dire la vérité scientifique : les vaccins proposés, non suffisamment expérimentés, se sont révélés inefficaces quant à la transmission du virus, et les soi-disant chercheurs, médecins et politiques qui monopolisaient l’information étaient en relation, plus précisément en conflit d’intérêts, avec les firmes pharmaceutiques anglo-saxonnes et leurs lobbys européens (de plus, il était bien connu que des firmes comme Pfizer avaient payé avant 2018, pour laver leurs crimes, des milliards de dollars, car cela se passe comme cela aux Etats-Unis : il suffit pour un criminel d’avoir de l’argent pour pouvoir continuer à exercer).

Maintenant que des vérités et des erreurs apparaissent, on attend toujours, de la part de ces courants qu’on peut caractériser comme sociaux-démocrates, une correction, une rectification, un retour critique, ne serait-ce qu’un débat.

En résumé, il faut reconnaître que la dictature du prolétariat a été éliminée sans discussion à la base, que le discours pseudo-scientifique des lobbys pharmaceutiques a été pris pour argent comptant.

6 La guerre des États-Unis contre la Russie.

6, a La technique américaine du changement de régime.

Depuis la chute du mur de Berlin, les États-Unis, contrairement aux promesses faites à Gorbatchev, déplacent l’OTAN vers l’est. L’OTAN est intervenue par exemple de manière illégale en Yougoslavie, pour le démembrer. Des fusées de l’OTAN sont installées dans les pays baltes, en Pologne, en Roumanie. Les bases américaines occupent la plupart des pays européens et entourent la Russie et la Chine.

Les États-Unis et la Communauté européenne ont organisé en Ukraine en 2014, selon la méthode américaine classique, un « changement de régime » en utilisant des terroristes ukrainiens nazis bandéristes ou ultranationalistes, pour qui il faut réhabiliter les assassins de juifs et de russes. La méthode du changement de régime utilise et finance ce qu’on appelait dans les années 1930 une cinquième colonne à l’intérieur du pays ciblé. Cette méthode est utilisée, non sans difficulté, par les pays de l’OTAN à l’intérieur des pays qui résistent à leur colonisation, en particulier la Russie et la Chine, ce qui permet d’éviter l’agression militaire directe.

Les manifestations, aidées financièrement et médiatiquement par les États-Unis et la Communauté européenne, commencent en novembre 2013 (manifestations appelées Euromaïdan) pour se terminer par la réussite du coup d’État sanglant d’origine explicitement américaine du 23 février 2014, appelé « révolution de la Dignité » ou « révolution de MaÏdan » ou « révolution de février » (le premier coup d’État d’origine américaine en Ukraine avait échoué en 2004, ce qu’on appelle la « révolution orange », et quand nous parlons des États-Unis, cela implique son instrument économique, la Communauté européenne, et son instrument militaire, l’OTAN). Les États-Unis ont financé et armé des groupes, en l’occurrence des groupes ultra-nationalistes et nazis ukrainiens (une « cinquième colonne »), pour faire un « changement de régime », comme ils l’ont fait ou essayé de faire en Russie, en Biélorussie, en Géorgie, au Kazakhstan, mais aussi en Syrie et ailleurs, et cela a réussi en Ukraine.

6, b Le gouvernement de Kiev interdit l’utilisation de la langue russe, ce qui entraîne des révolutions populaires dans tout l’est de l’Ukraine.

Les Ukrainiens et les Américains du coup d’État décrètent l’abolition de la loi sur les langues officielles : on ne peut plus échanger en russe. Pour légitimer le coup d’État qu’ils ont en fait organisé, les pays de l’OTAN font le silence sur la loi et les protestations qu’elle entraîne, et le silence est toujours maintenu.

Selon les méthodes de type nazi ou kroutchévien de traitement des protestations populaires, des répressions sanglantes et des massacres sont opérés par les terroristes ukrainiens et les oligarques kroutchéviens de Kiev qui veulent tuer les russes qui ne se soumettent pas (rappelons que Mein Kampf et l’idéologie nazie, dont se réclament de nombreux terroristes, ciblent non seulement les juifs, les tziganes, les handicapés, les homosexuels, mais aussi les slaves, les russes) : les historiens devront relever les nombreux charniers des victimes de ces terroristes ukrainiens.

Seul le massacre d’Odessa, comparable à la tragédie d’Oradour-sur-Glane, le 2 mai 2014, a pu être filmé, mais le film est inconnu en Occident, puisqu’il faut, pour les États-Unis et leurs colonies européennes, légitimer le coup d’État américain (les extrémistes sont venus à Odessa pour réprimer les manifestations parfaitement pacifiques des habitants : les habitants d’Odessa ont été massacrés avec une énorme sauvagerie – violés, étranglés, brûlés vif – pour le refus d’accepter le nouveau pouvoir qui n’avait jamais été élu par personne)..

Face a cette politique barbare de Kiev, des révolutions populaires se manifestent dans tout l’est de l’Ukraine. Ces révolutions sont réprimées dans le sang, à Odessa, à Kharkov, à Dniepropetrovsk, à Nikolaiev, à la façon nazie ou kroutchévienne.

Comme les troupes de Kiev sont composées de nombreux russophones, ces derniers refusent de tirer sur leurs frères : le gouvernement illégitime de Kiev intègre des milices nazies et ultranationalistes dans l’armée. Selon Reuters, le nombre de miliciens néonazis intégrés dans l’armée ukrainienne est d’à peu près 100 000.

Ces miliciens sont formés et financés par les États-Unis, l’Angleterre, la France. Comme les socialistes Hollande et Fabius soutenaient les terroristes de Al Nostra en Syrie, Hollande et Macron soutiennent les terroristes nazis bandéristes en Ukraine, ce qui n’empêche pas Macron de dire qu’il n’y a pas de nazisme en Ukraine, puisque le mensonge est devenu une habitude et qu’il est une institution dans l’idéologie nazie (pour la première fois cette année, la France a voté contre la résolution de l’ONU sur la « lutte contre la glorification du nazisme, du néonazisme et d’autres pratiques qui contribuent à alimenter les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée »).

6, c Les raisons du silence de la gauche sur les massacres et les bombardements des populations civiles du gouvernement de Kiev.

Si on comprend pourquoi les élites au pouvoir dans la Communauté européenne et aux États-Unis veulent cacher les massacres et les bombardements de populations civiles – il s’agit pour ces élites de justifier le coup d’État –, on comprend mal le silence et l’absence de solidarité de la gauche française. Cela peut s’expliquer par la social-démocratisation de toute la gauche française, c’est-à-dire les concessions qu’elle fait avec la bourgeoisie, ou bien parce que les révolutions populaires comprennent des communistes assimilés à des « totalitaires » par la gauche non communiste ou des « staliniens » par la gauche dite communiste.

Rappelons-nous ce qui s’est passé pendant la guerre d’Espagne : le tort du gouvernement républicain espagnol était de comprendre des communistes. Le gouvernement socialiste de Léon Blum, en complicité avec le gouvernement Chamberlain, a pratiqué alors la politique de non-intervention, laissant Mussolini et Hitler intervenir militairement (les communistes français de l’époque et quelques socialistes et hommes de droite ont aidé clandestinement la république espagnole, tandis que l’URSS de Staline était le seul pays à aider militairement la République espagnole, avec l’envoi d’armes, de tanks et d’avions).

6, d Les révolutions populaires en Crimée et dans le Donbass.

La révolution populaire de Crimée commence le 20 février 2014, elle est accompagnée par la désertion de 20 000 soldats sur 22 000, et elle est suivie par un référendum le 27 mars 2014 : la Russie accepte la demande d’annexion.

Les révolutions populaires des oblasts de Donetsk et de Louhansk, des révolutions comprenant des communistes, réussissent à résister militairement par la désertion des unités militaires ukrainiennes, constituant les armées du Donbass, organisant des référendums et des administrations. La direction de la Russie, malgré les demandes parallèles du parti communiste russe, refuse leurs demandes d’intégrer la Russie, préférant la solution diplomatique des accords de Minsk.

Notons que Wikipédia ne parle pas de révolution, et encore moins de révolution populaire ou de révolution comprenant des communistes, mais de révolte.

6, e Les trois guerres entre l’armée et les milices du gouvernement de Kiev et les armées des républiques populaires du Donbass (la troisième guerre, à nouveau déclenchée par le régime de Kiev, va rapidement se transformer en une guerre de l’Ukraine contre la Russie, puis en une guerre de l’OTAN contre la Russie).

En avril 2014, l’armée de Kiev attaque les armées du Donbass, ce qui se termine par un échec de l’armée de Kiev et les accords de Minsk I du 5 septembre 2014. La première guerre, déclenchée par le régime de Kiev, se termine par ces accords.

Quelques semaines après, l’armée de Kiev rompt le cessez-le-feu, mais sa nouvelle agression est en échec, ce qui conduit à Minsk II, le 12 février 2015, un accord validé par le Conseil de sécurité de l’ONU. La deuxième guerre, déclenchée par le régime de Kiev, se termine par ces accords de Minsk II.

On sait maintenant que Kiev avait la volonté de ne pas respecter ces accords, sous l’incitation des deux garants qu’auraient dû être l’Allemagne et la France, et sur l’incitation des États-Unis et de l’OTAN : il s’agissait de recommencer presque immédiatement la guerre de bombardement des populations civiles de l’est de l’Ukraine et de préparer soigneusement une offensive déterminante contre le Donbass. Autrement dit la troisième guerre commence dès la signature des accords de Minsk II par des bombardements de populations civiles et par la préparation d’une offensive déterminante de la part exclusive du régime de Kiev. Zelenski, en mars 2021, se fixe pour objectif non seulement la reconquête du Donbass, mais celle de la Crimée.

D’après la mission d’observation de l’OSCE, le 16 février 2022, les bombardements de populations civiles du Donbass par l’armée de Kiev s’intensifient à plus de 300, le 18 février à 1400 : la troisième guerre du Donbass commence par une agression massive de l’armée de Kiev, une armée longuement renforcée et préparée par l’OTAN, les États-Unis et la Communauté européenne.

6, f L’attitude du gouvernement russe et de la population russe face aux massacres des populations civiles de l’est de l’Ukraine.

A la suite des séries de manifestations demandant depuis 2014 la reconnaissance des référendums organisés par les républiques du Donbass, des manifestations éclatent à nouveau et plus intenses en Russie pour une intervention venant en aide aux populations de plus en plus martyrisées du Donbass. Le gouvernement russe, qui n’avait pas répondu en 2014, préférant à l’époque la solution des accords de Minsk, va répondre.

Ces bombardements et ces manifestations sont peu ou pas mentionnés par les médias occidentaux. Par contre, ces médias parlent beaucoup des manifestations russes pro-États-Unis et pro-Communauté européenne.

6, g Le problème de la légitimité ou de l’illégitimité de l’intervention russe, le problème de la légalité ou de l’illégalité de l’intervention russe.

Les Russes vont appliquer le principe de la responsabilité de protéger adoptée par les Nations unies en 2004. Ce principe comprend trois piliers. Premier pilier, tout État est responsable de protéger sa population : l’État ukrainien ne respecte pas ce premier pilier. Deuxième pilier, les pays qui entourent l’Ukraine doivent aider l’Ukraine à respecter le traité de Minsk : la solution politique du traité n’est pas respectée par la France et l’Allemagne, le deuxième pilier n’est pas respecté. Troisième pilier, la Russie a la possibilité d’intervenir par une opération spéciale à l’intérieur d’une guerre civile qui existe depuis 2014. Autrement dit, la Russie a, selon les Nations unies, le droit moral, le droit politique, la légitimité d’intervenir.

Cependant, la Russie n’a pas encore avec elle la légalité. La Russie va alors appliquer l’article 51 de la charte des Nations unies qui autorise l’intervention pour sauver une population à condition que ce soit à l’intérieur d’une coalition. Très légalistes, les Russes reconnaissent les républiques révolutionnaires de Lougansk et de Donetz, reconnaissance entérinée par la douma de Russie et par les parlements des deux républiques. Des traités d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle sont signés entre la Russie et les deux républiques le 21 février 2022. Le 23 février, les deux républiques révolutionnaires, pour répondre à l’intensification des bombardements de leur population civile par le gouvernement de Kiev, font une demande officielle d’aide à la Russie. En coalition avec les deux républiques, la Russie intervient militairement le 24 février.

Les pays de l’OTAN parlent de l’agression non provoquée de la Russie, comme si la guerre ne commençait que le 24 février 2022, par une décision de Poutine, avec l’objectif, non de protéger les populations du ,Donbass, mais d’occuper l’Ukraine et de contrer l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN et à l’Europe, ce que contredit le secrétaire général de l’OTAN : le 2 juin 2022, le secrétaire général de l’OTAN, Stoltenberg, déclare que la guerre « n’a pas commencé en 2022. La guerre a commencé en 2014. Et depuis, l’OTAN a mis en œuvre le plus grand renforcement de notre défense collective depuis la fin de la guerre froide… Jusqu’en 2014, les alliés de l’OTAN réduisaient leurs budgets de défense. Depuis 2014, tous les alliés européens et le Canada ont considérablement augmenté leurs dépenses de défense… C’est là une énorme transformation de l’OTAN qui a commencé en 2014 » (Washington Post, 9 mai 2023, interview par Lee Hockstader).

Plus exactement, les objectifs de l’opération spéciale russe sont présentés par les pays de l’OTAN et par l’idéologie nazie bandériste non comme la nécessité de protéger les populations russophiles des exactions de gouvernement de Kiev, de son armée et de ses milices, mais comme la volonté d’occuper, de s’emparer de l’Ukraine, ou bien comme la réponse à l’avancée de l’OTAN vers l’est, et avec ces objectifs supposés être les objectifs des Russes, l’intervention russe n’est évidemment pas légale.

Les massacres des populations civiles de l’est de l’Ukraine et les objectifs invoqués par la Russie de protéger ces populations n’ont pas été évoqués et ne doivent absolument pas être évoqués dans les médias des pays de l’OTAN, car cela détruirait tout le narratif du gentil Zelenski agressé par le méchant Poutine, et de la nécessité de faire la guerre jusqu’au bout, quel qu’en soit le coût.

7) Des exemples actuels de la social-démocratisation du parti communiste, des syndicats et des associations.

7, a Ces organisations soutiennent de fait l’OTAN et le nazisme bandériste.

Le Mouvement de la Paix, la Ligue des droits de l’homme, le Parti communiste, la CGT, la FSU passent rapidement sur les milliers de civils tués dans le Donbass depuis 2014 par le gouvernement de Kiev pour qui, ceux qui veulent parler russe doivent vivre dans les caves sous les bombardements de leur propre gouvernement ou partir en Russie.

Tous ces faits sont essentiellement passés sous silence par ces organisations et les autres composantes social-démocrates. Il n’y a pas eu de manifestation, comme contre la guerre de Corée ou contre la guerre du Vietnam considérées à l’époque comme des agressions impérialistes des États-Unis et de ses impérialismes vassaux.

Ces mêmes organisations passent en particulier sur la réhabilitation massive des assassins de juifs dans presque toutes les villes de l’Ouest de l’Ukraine (monuments, noms de rue, manifestations, émissions télévisées, enseignement, insignes), des faits pourtant bien documentés (par exemple par le Forward, journal juif américain publié à New York).

 De plus, ces organisations prennent parti pour le narratif de l’OTAN et de la Communauté européenne, quand, niant les faits et l’histoire des faits, ils parlent de l’invasion de l’Ukraine par la Russie ou de l’agression russe (comme si, en 1945, les alliés avaient envahi l’Allemagne, comme s’ils étaient les agresseurs !).

Il semble que les directions de ces organisations sont en pleine irrationalité quand elles admettent implicitement, sans dénoncer la manipulation, surfant sur la vague raciste anti-Poutine, que la Russie a saboté les gazoducs Nord Stream, qu’elle bombarde la centrale nucléaire qu’elle occupe, qu’elle bombarde son camp de prisonniers, qu’elle bombarde le Donbass qu’elle occupe actuellement, avec les hôpitaux, les écoles, les centres commerciaux de ce même Donbass !

7, b La non-trahison des communistes et des gaullistes en 1940.

En 1940, les communistes de l’époque et quelques hommes de la gauche non communiste – les seuls hommes politiques courageux et rationnels de gauche de l’époque – se sont retrouvés avec un petit nombre d’hommes de droite (De Gaulle en particulier) et le peuple français dans sa grande majorité pour ne pas trahir (souvenons-nous donc que la majorité de la gauche non communiste de l’époque, c’est-à-dire la social-démocratie de l’époque, a trahi, qu’une minorité de cette gauche a été, avec quelques hommes politiques classés avant-guerre à droite, lucide, rationnelle, courageuse).

7, c Le mouvement de la paix américain, qui regroupe des personnalités de toutes tendances politiques, lutte contre l’impérialisme des États-Unis.

On retrouve un tel mouvement actuellement non en France (où le Parti communiste français, la CGT, la FSU, le Mouvement de la paix, La Ligue des droits de l’homme et le courant social-démocrate adoptent, avec une grande partie de la droite, au nom de la paix et de la démocratie, les positions atlantistes obscurantistes) mais aux Etats-Unis, un mouvement qui regroupe des citoyens de gauche et de droite et qui dénonce « la machine de guerre américaine lancée à tout-va par l’oligarchie financière anglo-américaine contre la Russie et la Chine », un mouvement de la paix américain qui est ostracisé par le pouvoir politique et médiatique américain et qui n’apparaît donc pas dans Google, Facebook ou YouTube (« Rage Against the War Machine » demande : pas un centime de plus pour la guerre en Ukraine, ouverture de négociations pour arriver à la paix, dissolution de l’OTAN, réduction du budget du Pentagone, démantèlement de la CIA et de l’État profond militaro-industriel, rétablissement des libertés civiles, libération de Julian Assange).

Ces citoyens américains courageux et rationnels ne parlent pas, comme ces organisations françaises, de « l’invasion russe » ou de « l’agression russe », mais de l’agression américaine, de la machine de guerre américaine lancée contre la Russie et la Chine, une agression américaine au nom évidemment de la paix, de la liberté, de la démocratie, des « valeurs » et du « soutien au peuple ukrainien ». Il faut espérer que ce mouvement de la paix américain réussira, malgré des médias corrompus par le complexe militaro-industriel, à contraindre à la paix les politiciens américains, eux aussi corrompus par le lobby militaro-industriel, comme il avait réussi, par la connaissance qu’il avait apportée des crimes de guerre des États-Unis à la population américaine, à interrompre la guerre du Vietnam.

7; d La plupart des dirigeants de « gauche » français, par opportunisme, électoralisme, corruption, soutiennent de fait les guerres de l’impérialisme américain.

 La gauche des pays occupés par l’impérialisme américain ne voit pas tellement cela. Elle ne voit pas (elle qui luttait jusqu’à maintenant concrètement pour la paix et non seulement en paroles comme le font les États-Unis et le gouvernement français) que la guerre de l’impérialisme américain contre la Russie et la Chine a commencé et elle désigne la Russie comme l’agresseur, ce qui permet vraisemblablement à cette gauche de ne pas être accusée par les racistes et les terroristes de complotiste ou d’agent de Poutine, d’avoir le minimum des faveurs et aumônes des médias et des pouvoirs racistes français (en fait étatsuniens par procuration), dans une visée électoraliste démagogique à vraiment très courte vue, abandonnant toute morale (des dizaines de milliers de morts et de blessés en Ukraine), toute rationalité, tout internationalisme, etc.

7, e Ces dirigeants de gauche doivent reconnaître leurs mensonges et leur médiocrité, et revenir à l’anti-impérialisme.

Il faut ajouter qu’il est difficile pour les dirigeants médiocres des organisations de reconnaître qu’ils ont occulté des faits importants, qu’ils ont participé à des mensonges, en bref qu’ils n’ont pas porté la connaissance et la rationalité à la population française, ce qui était pourtant leur responsabilité : il leur est difficile de retourner à la réalité, mais c’est possible, et ce retour à la réalité doit devenir un phénomène de masse, à la façon d’une boule de neige qui grandit exponentiellement, brisant sur son passage toutes les médiocrités, tous les mensonges, toutes les corruptions (ainsi l’itinéraire de Georges Bernanos devant les crimes franquistes, tel que le rapporte Lydie Salvaire dans « Pas pleurer », prix Goncourt 2014, une année où la censure ne fonctionnait pas encore à plein).

En résumé, ces organisations françaises de gauche ne parlent ni du coup d’État américain de 2014 en Ukraine, ni des révolutions populaires en Crimée et dans le Donbass en 2014, ni des assassinats de masse par les terroristes nationalistes et nazis habités par l’épuration ethnique, ni des bombardements depuis 2014 par les gouvernements de Kiev (celui Porochenko puis celui de Zelenski) de la population civile du Donbass, ni de la réhabilitation massive des assassins de juifs par le gouvernement ukrainien. Ces organisations sont dans l’irrationalité quand elles laissent dire que la Russie agressée par l’impérialisme américain est l’agresseur ou que la Russie bombarde ses propres installations. Le mouvement de la paix américain, lui, désigne la machine de guerre américaine lancée contre la Russie et la Chine. Il est malheureux qu’actuellement, dans le Mouvement de la paix, La Ligue des droits de l’homme, le Parti communiste, la CGT et la FSU, le narratif de l’OTAN dans sa guerre contre la Russie soit admis, que les guerres et les crimes de guerre des États-Unis et des pays de l’OTAN ne soient pas montrés dans toute leur ampleur et que, à la suite de l’aveuglement volontaire des dirigeants des pays de l’OTAN, la résurgence du nazisme et de la complicité au nazisme, au racisme et au terrorisme, que ce soit en Ukraine, aux États-Unis ou ou dans les pays de la Communauté européenne, ne soit pas montrée.

8)  L’attitude actuelle de ces organisations à l’égard des sanctions, de l’inflation, de la loi sur la retraite, de la censure et du racisme.

8, a La plupart des dirigeants français de gauche ne disent pas les causes et les conséquences de l’inflation et des bas taux d’intérêt (il s’agit de payer la guerre et de rendre plus riches les plus riches).

Actuellement, pour ces organisations qui disent se situer à gauche, il s’agirait par exemple de montrer que l’inflation est une façon de diminuer les salaires pour enrichir les 10% (les possesseurs d’actifs financiers et immobiliers) et actuellement pour payer la guerre contre la Russie tout en étant en partie une conséquence boomerang des sanctions contre la Russie (l’existence de sanctions n’est même pas dénoncée, elles sont banalisées, justifiées, alors que les sanctions non décidées par le Conseil de sécurité sont des crimes de guerre : on sait la conséquence sanglante des sanctions contre l’Irak, mais pour la secrétaire d’État américaine, c’était justifié pour la défense de la démocratie). Ces organisations doivent prendre conscience qu’elles sont responsables de porter la connaissance et la rationalité à la population française.

On doit faire comprendre aux militants la réalité de l’inflation et le pourquoi de l’inflation, une inflation qui diminue le pouvoir d’achat depuis 1983 et même avant (bien avant l’inflation qui commence en 2020 et qui s’accentue avec les sanctions et la guerre contre la Russie, la politique monétaire à taux d’intérêt zéro ou négatifs permet à ceux qui ont suffisamment de moyens ou d’intérêts financiers d’emprunter à 0% pour acheter des titres financiers ou des immeubles qui rapportent 7%, et c’est l’inflation des titres financiers, des biens immobiliers et des titres de dette d’État, reflétée par exemple par la croissance du CAC 40, une inflation qui favorise les 10 pour cent les plus riches et est plus ou moins volontairement ignorée). Est responsable la politique américaine d’impérialisme et de guerre contre la Chine et la Russie à travers la Communauté européenne et l’OTAN, et le relais de cette politique par des présidents sociaux-démocrates ou de droite, qui sont donc les responsables d’une politique d’inflation et de bas taux d’intérêt, qui augmente les profits immédiats des entreprises par la baisse du salaire réel (mais maltraiter ses ouvriers, ce n’est pas un bon plan de développement pour un chef d’entreprise), qui sacrifie les investissements productifs, la recherche/développement, la formation, au profit du court-termisme, qui favorise les entreprises non rentables (les entreprises zombies), qui augmente la richesse des spéculateurs et des financiers par la croissance des actifs financiers et immobiliers et qui développe le secteur militaro-industriel de l’OTAN.

8, b La plupart des dirigeants français de gauche ne protestent pas contre la censure, contre le racisme, contre les stratégies de guerre.

 Il s’agirait de montrer, pour des organisations qui se réclament de l’antiracisme et de la liberté de la presse, la censure des médias tous contrôlés par la finance américaine, des médias qui développent un racisme anti-russe et un racisme anti-chinois, pour préparer cette guerre que veulent explicitement les dirigeants des États-Unis contre la Russie et contre la Chine.

Pourquoi ces organisations portent si peu à la connaissance du public les stratégies de guerre des États-Unis, des stratégies explicitement formulées par les présidents successifs des États-Unis et leur entourage ?

Plus généralement, cela devient une habitude en France, la censure succède à la censure, les mensonges succèdent aux mensonges. La caractéristique d’un mensonge est qu’il n’apporte pas de preuve ou qu’il apporte de fausses preuves. L’entité qui est l’objet d’une accumulation de mensonges n’a pas le droit de répondre ou, quand exceptionnellement on lui donne la parole, il est devant la tâche presque impossible d’apporter des preuves pour réfuter chaque mensonge de l’accumulation : en dehors des règles du droit, selon les règles du gouvernement et des propriétaires de médias, ce n’est pas au menteur d’apporter des preuves à chaque mensonge qu’il a produit, et, de plus, si le mensonge est avéré comme un mensonge, le menteur n’est pas obligé d’en parler et il passe à un autre mensonge ou à une diversion, comme si rien ne s’était passé.

8, c La plupart des dirigeants français de gauche ne dénoncent pas le statut de la France comme colonie américaine par l’intermédiaire de l’OTAN et de la Communauté européenne, la loi sur les retraites manifestant l’exigence de l’empire des États-Unis.

Il s’agirait de montrer, pour des organisations qui ont à cœur d’apporter la connaissance à la population, que la réforme des retraites par Macron n’est que l’application de l’exigence de la Communauté européenne à l’égard de tous les pays européens, une Communauté européenne qui n’est que l’instrument économique de la domination des États-Unis.

N’oublions pas l’existence des bases militaires américaines en Angleterre, en Belgique, en Allemagne, en Italie, en Espagne : les pays européens sont des pays occupés. « Pour le dire sans détour, l’Europe de l’Ouest reste dans une large mesure un protectorat américain et ses États rappellent ce qu’étaient jadis les vassaux et les tributaires des anciens empires » (Brzezinski, « Le grand échiquier », 1997). N’oublions pas que les États-Unis ont 900 bases militaires en dehors des États-Unis, dont plus de 100 en Allemagne (ce qui explique en partie la non-réaction de l’Allemagne à l’attentat terroriste contre le gazoduc international Nord Stream, vraisemblablement un attentat de type mafieux d’un membre de l’OTAN contre d’autres membres de l’OTAN). Si la France fait exception (le 10 mars 1967, De Gaulle annonce le retrait de la France du commandement militaire intégré de l’OTAN et exige la fermeture de toutes les bases de l’OTAN sur le territoire français), les médias français, contrôlés par la finance américaine, ont réussi deux fois successivement à faire élire un président de la République associé-gérant de la banque américaine Rothschild de 2008 à 2012.

Tout cela, semble-t-il, n’est pas vraiment montré.

En résumé, actuellement, pour ces organisations françaises, la censure et la propagande sont à peine évoqués, le racisme anti-russe et anti-chinois n’est pas dénoncé, les causes de l’inflation et de la réforme des retraites ne sont pas vraiment montrées. Cette censure, cette propagande, ce racisme, cette inflation, cette destruction des protections de la population et des services publics sont en relation avec la guerre des États-Unis et de ses pays vassaux contre la Russie et la Chine commencée au tout début du siècle, une guerre qui, malgré les innombrables déclarations de guerre des gouvernants américains, n’est pas reconnue (l’extension de l’OTAN à l’Est, les bases militaires qui entourent la Russie et la Chine, les sanctions, ce sont des actes pacifiques des États-Unis et des pays inféodés à l’OTAN, pour la défense de la démocratie, pour la défense de la paix, contre l’invasion russe et « l’impérialisme chinois »!)

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