La non-disparition du nazisme : Nkolo Foé

Nkolo Foé, préface à Bruno Guigue : « Communisme », 2022, éditions Delga.

La non-disparition du nazisme.

Les nazis, qui ont l’avantage de constituer une des réserves terroristes pour lutter contre la gauche et le communisme, sont acceptés avant comme après guerre par une grande partie des élites intellectuelles, des industriels, des hommes politiques et des militaires de l’Occident, ce qui explique, malgré le jugement de quelques nazis par le tribunal de Nuremberg à la fin de la guerre, la non-disparition du nazisme, son recyclage dans un tas d’aventures économiques, politiques et militaires.

Le fascisme et le nazisme ont leur racine dans les intérêts capitalistes d’exploitation maximum de la main-d’œuvre et dans l’expérience sanglante du colonialisme et du racisme (génocides, exterminations par gazage ou bombardement, camps de concentration, déportations, mutilations, tortures, expérimentations sur l’humain), mais aussi dans les écrits des élites comme Renan, Ford ou Hitler.

 On retrouve ces caractéristiques du capitalisme et du colonialisme aussi bien dans les expériences fascistes en Italie, avec le squadrisme urbain et rural de terreur contre les grèves, les manifestations ouvrières et la mouvance communiste ou socialiste, que dans les expériences nazies en Allemagne, avec les terroristes SA et SS qui assassinent ou déportent les militants communistes ou socialistes, avant d’étendre les victimes aux Juifs, gitans, slaves, homosexuels, handicapés, improductifs. Ces expériences barbares sont soutenues par les élites capitalistes parce qu’elles ont l’impression qu’elles vont dans le sens de leurs intérêts dans leur guerre de classe contre la classe ouvrière, et parce que ces élites sont anticommunistes. Contrairement à ce que prétend le Parlement européen qui assimile nazisme et communisme dans le gadget idéologique du totalitarisme, ces expériences n’ont rien à voir avec le communisme : au contraire, elles sont explicitement anticommunistes. Hitler formule son projet de guerre contre l’URSS, un projet qui veut effacer l’échec des actions de guerre de l’Occident contre l’URSS entre 1918 et 1922 et du cordon sanitaire qui a suivi. Tout cela convient à la plupart des élites capitalistes.

Après 1945, malgré l’horreur de la guerre déclenchée par les nazis (le Parlement européen considère que la guerre a été déclenchée par les soviétiques !), l’Occident capitaliste est toujours anticommuniste. L’Occident manifeste cet anticommuniste par la Guerre Froide et les guerres contre les indépendances nationales (les guerres d’indépendance ont été encouragées en 1920 par l’engagement contraignant des partis communistes à lutter contre le colonialisme). Pour les besoins de cette guerre contre le communisme et contre les souverainetés nationales, l’Occident capitaliste utilise le terrorisme, et en particulier recycle les nazis, pour utiliser leur expérience terroriste dans la lutte anticommuniste.

Le Parlement européen, qui a la prétention de dire la vérité sur l’histoire et la politique, considère qu’il est regrettable que les nazis aient fait l’objet de procès (alors que les communistes sont restés impunis).

Les néoconservateurs anglo-saxons, qui sont tombés dans l’irrationalisme et le refus des Lumières et de la Révolution française, banalisent le nazisme : pour eux, le nazisme est une défense légitime face au danger communiste.

L’impérialisme des États-Unis et ses impérialismes compradores européens engagent des guerres économiques et militaires contre les pays qui veulent garder leur souveraineté nationale, et en particulier ces impérialismes utilisent des révolutions colorées et des changements de régime par l’instrumentalisation des terrorismes, en particulier justement ce terrorisme nazi, savamment entretenu, formé, armé, aidé.

La Chine est un des pays jaloux de sa souveraineté nationale, un pays qui veut préserver son économie de marché – une économie qui n’est pas le capitalisme (les banques et les industries essentielles doivent respecter la concurrence et l’État, elles ne commandent pas l’État, mais sont commandées par l’État) – et qui veut promouvoir un monde de paix reconnaissant les souverainetés nationales.

Le mouvement communiste a tiré les leçons des échecs des révolutions, en particulier les leçons de l’expérience de la Commune de Paris. Désormais, toute révolution doit tenir compte du rapport de force. Les révolutionnaires, quand ils arrivent au pouvoir, doivent avoir suffisamment de forces économiques et militaires, choisir leurs véritables amis dans la lutte, tout en promouvant un monde de paix, c’est-à-dire respectueux des souverainetés nationales.

Les résolutions de l’ONU à Israël ne sont pas appliquées : le dire, c’est risquer sa place.

Nkolo Foé rappelle que Bruno Guigue a été démis en 2008 de ses fonctions de sous-préfet par le gouvernement Sarkozy pour avoir affirmé, pour répondre à un pamphlet anti onusien, que la paix au Proche-Orient passait nécessairement par l’application du droit international, tandis que, au même moment, le député Claude Goasguen n’est pas poursuivi pour avoir qualifié les Palestiniens de « peuple sauvage, de terroristes épouvantables ! ». Il faut saluer l’audace de Bruno Guigue, si l’on songe à la cohorte de théoriciens marxistes qui, dans l’euphorie de la fin de l’histoire, ont abjuré leur foi communiste, sans oublier les imprécations anticommunistes des dirigeants ex-communistes eux-mêmes, convertis au nouvel évangile du capitalisme, du libéralisme et de la démocratie.

Il y a des communistes soviétiques complètement corrompus.

Nkolo Foé rappelle le discours de Boris Eltsine devant le Congrès des États-Unis en juin 1992 : devant le Congrès de ce qu’il appelle le grand pays de la liberté, en tant que le premier président élu par le peuple depuis plus de 1000 ans d’histoire de la Russie, une Russie qui a fait le choix en faveur de la liberté et de la démocratie, Boris Eltsine affirme la supériorité morale du capitalisme, la faillite morale du communisme, son irrationalisme, son diabolisme, sa folie, sa volonté de répandre les conflits, sa brutalité.

Le Parlement européen a la prétention de dire la vérité sur l’histoire et la politique : il est regrettable que les nazis aient fait l’objet de procès (alors que les communistes sont restés impunis).

Nkolo Foé rappelle la résolution du Parlement européen sur « l’importance de la mémoire européenne pour l’avenir de l’Europe » adoptée le 19 septembre 2019 : pour cette résolution, qui écrit l’histoire et la politique européenne, le pacte germano-soviétique d’août 1939 a été la cause directe de la seconde guerre mondiale, l’ambition des deux régimes totalitaires d’Hitler et de Staline étant de se partager l’Europe. Les conséquences directes de ce pacte criminel ont été l’invasion de la Pologne par Hitler et Staline, le déclenchement par l’Union soviétique d’une guerre d’agression contre la Finlande le 30 novembre 1939, l’occupation et l’annexion par l’Union soviétique de parties du territoire roumain, l’annexion de la Lituanie, de la Lettonie et de l’Estonie. Après la défaite du nazisme, « certains pays » sont restés privés de liberté, de souveraineté, de dignité, de droits fondamentaux et de développement socio-économique car soumis à des dictatures et à l’influence directe de l’Union soviétique. L’intégration européenne constitue une réponse à l’expansion des régimes communistes totalitaires et non démocratiques en Europe centrale et orientale. L’intégration européenne permet aux pays européens ayant souffert de l’occupation ou d’une dictature communiste de retrouver la grande famille européenne à laquelle ils appartiennent. Les régimes communistes sont responsables de massacres, de génocide, de déportation, de pertes en vies humaines et de privations de liberté d’une ampleur sans précédent. Il est regrettable que les crimes nazis aient fait l’objet de procès et de condamnation à Nuremberg tandis que les violences communistes sont restées impunies. Il est temps que des enquêtes judiciaires sur les crimes du stalinisme et d’autres dictatures soient menées. Les symboles des régimes totalitaires dans les espaces publics et à des fins commerciales doivent être interdits : les lois interdisant l’idéologie et les symboles communistes dans certains États membres de l’Union européenne vont dans le bon sens.

Les nazis, qui ont l’avantage de constituer une réserve terroriste pour lutter contre la gauche et le communisme, sont acceptés avant comme après guerre par une grande partie des élites intellectuelles, des industriels, des hommes politiques et des militaires de l’Occident.

 Pour Lukacs, le fascisme, s’il est battu sur le plan militaire et politique, et moralement, l’est bien plus objectivement que subjectivement : les fascistes sont toujours là et ils sont soutenus par certaines forces qui les considèrent comme une réserve susceptible d’être utilisée contre la gauche.

 Heidegger, le philosophe nazi, constate la supériorité spirituelle de l’homme occidental sur le reste de l’humanité. Il n’est pas loin de penser que la bombe atomique est l’arme de dissuasion et de destruction massive par excellence du capitalisme. L’atome représente la puissance qui doit déterminer la marche de l’histoire et orienter son cours. L’énergie nucléaire est spécifiquement occidentale : il n’y aurait assurément jamais eu de science (et par conséquent de bombe atomique) si la philosophie ne les avait pas précédées et devancées, en tenait compte du fait que, pour le philosophe nazi, la philosophie ne peut être qu’européenne et occidentale.

 De telles déclarations et leur diffusion après-guerre montrent que la défaite militaire du fascisme n’a pas impliqué sa défaite idéologique. C’est sous le couvert de l’humanisme que son contenu est subrepticement reconduit dans la philosophie occidentale post-guerre pour en constituer le noyau dur et orienter l’ensemble de la géopolitique de l’Occident jusqu’à nos jours.

L’idéologie de la guerre occupe une place centrale dans la philosophie d’Heidegger, de Husserl, de Karl Jaspers et d’Oswald Spengler, où l’on retrouve le lien indissoluble entre la catégorie d’historicité et celle de combat, à partir d’une conception agonistique de l’histoire. Heidegger lui-même avait mis en parallèle la problématique héraclitéenne de polemos et celle d’ami-ennemi empruntée à Carl Schmitt. Polemos signifie que la guerre est le père de toutes choses. Hitler lui-même avait repris cette catégorie pour justifier un ordre mondial dominé par la loi du plus fort, selon la perspective darwinienne.

La guerre froide voit le renouveau de l’irrationalisme, avec en particulier la promotion de l’éthique de Nietzsche, qui est exclusivement la morale de la classe dominante.

Les héritiers du fascisme et du nazisme continuent de régner en tant qu’industriels, chefs d’entreprise, dirigeants politiques, élites intellectuelles, penseurs, officiers.

Les néoconservateurs anglo-saxons tombent dans l’irrationalisme, le refus des Lumières et la banalisation du nazisme, un nazisme considéré comme une défense légitime face au danger communiste.

 Burke, le philosophe qui a lutté contre les Lumières françaises et la Révolution française (Réflexions sur la révolution de France, 1790), est l’inventeur du concept d’endiguement appliqué avec rigueur pour contrer le bloc communiste et il est en ce sens le précurseur du néoconservatisme. Burke accepte la religion comme la base de la société civile. Pour cet irrationaliste, le préjugé fait de la vertu une habitude.

 Les néoconservateurs américains (Irving Kristol, Zygmunt Bauman à la suite de Bastiat et Hayek) et François Furet opposent les Lumières anglo-saxonnes aux Lumières françaises, la Révolution américaine à la Révolution française. Pour eux, Emmanuel Kant trahirait la communauté nationale et les sentiments instinctifs des masses populaires. Seule la religion nous montre le chemin. Pour eux, la révolution fasciste a l’avantage d’occulter les problèmes économiques en les transformant en question morales ou psychologiques.

 Les néoconservateurs sont persuadés que la révolution bolchevique fut une pure émanation de la Révolution française. Pour banaliser les crimes nazis, ces néoconservateurs considèrent que le nazisme ne constitue qu’une pâle copie de ces deux grandes révolutions française et russe. Pour eux, le nazisme n’est pas la destruction de la raison et des valeurs universelles, mais une simple réplique du communisme, un acte de défense légitime face au danger communiste. Hitler et Mussolini sont des clones de Lénine.

Le fascisme italien et l’hitlérisme à partir des années 1920 sont soutenus par les élites capitalistes.

En 1927, à Rome, Churchill fait l’éloge du fascisme italien, de même que Spengler et Sigmund Freud. Les soldats démobilisés et les marginaux constituent le noyau du squadrisme urbain ou rural au service de la bourgeoisie italienne. Le syndicalisme fasciste de Mussolini, pour qui la lutte des classes est entre les producteurs et les parasites, est une émanation du syndicalisme révolutionnaire de Georges Sorel, philosophe antisémite, nationaliste et populiste, et proche de Charles Maurras.

Daniel Bell (La fin de l’idéologie, 1997) ne reconnaît pas que le grand capital a soutenu le fascisme et le nazisme.

Comme l’anticapitalisme des classes moyennes se conjugue avec l’attachement à l’idée de nation, la lutte contre l’exploitation capitaliste est déviée vers l’ennemi fictif du gouvernement mondial de la juiverie internationale (Henry Ford – Le Juif international, 1920, Hitler – Mein Kampf, 1925).

L’État nazi ne connaît aucune classe, seulement des races. L’ouvrier nazi et le patron nazi sont asservis à la communauté populaire, aux chambres professionnelles, au Parlement économique central. Le principe de personnalité (celui du Führer), avec une sélection des élites, remplace le principe de masse, le principe du nombre.

Pour Hitler, les gouvernants de la Russie ne sont que de vulgaires criminels tout souillés de sang, une lie de l’humanité, qui a exterminé par millions, avec une sauvagerie sanguinaire, et qui exerce la plus cruelle tyrannie de tous les temps.

Hitler soutient le colonialisme anglais et français.

Le fascisme et le nazisme, qui ont leur racine dans les intérêts capitalistes d’exploitation de la main-d’œuvre et l’expérience sanglante du colonialisme et du racisme (génocides, exterminations par gazage ou bombardement, camps de concentration, déportations, mutilations, tortures, expérimentations sur l’humain, mais aussi les écrits des élites comme Renan, Ford ou Hitler), sont recyclés par les puissances impérialistes après 1945 avec les guerres coloniales (en Indochine, en Corée, au Vietnam, en Algérie, au Cameroun, etc.) et la guerre froide contre les pays communistes. Huttington remplace la lutte des classes par la lutte des civilisations ou des cultures.

Aimé Césaire a compris que le fascisme et le nazisme ont leur racine dans le colonialisme. On ne peut détacher le fascisme et le nazisme de l’histoire du capitalisme et donc du colonialisme.

 Le très distingué, très humaniste, très chrétien bourgeois du vingtième siècle porte en lui un Hitler qui s’ignore. Ce qu’il ne pardonne pas à Hitler, ce n’est pas le crime en soi, le crime contre l’homme, c’est le crime contre l’homme blanc, c’est l’humiliation de l’homme blanc, et d’avoir appliqué à l’Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu’ici que les Arabes, les coolies de l’Inde et les nègres d’Afrique.

Il n’est pas étonnant que la post-guerre mondiale soit marquée par l’intensification de la violence coloniale en Indochine, en Corée, au Vietnam, en Algérie, au Cameroun, etc. Dans ces guerres, les anciens nazis et anciens collaborateurs sont recyclés par les puissances impérialistes : le fascisme et le nazisme constituent des armées de réserves des grands intérêts capitalistes.

La colonisation a donc préparé le fascisme et le nazisme. Le docteur Bonichon en 1845 préconise pour l’Algérie la terreur, la guerre entre les tribus, l’eau de vie, la corruption, la désorganisation, l’expropriation, la torture, les destructions d’habitation. Le génocide est inscrit dans le projet colonial : pour s’approprier le territoire, les Arabes doivent disparaître ou être rejetés. Les têtes sont coupées, les membres sectionnés. On prélève les boucles d’oreilles et les bracelets. On enfume les villages qui se réfugient dans les cavernes. On incarcère dans des maisons de travail et on exécute les improductifs. On expérimente sur les prisonniers (le Docteur Fischer dans le sud-ouest africain).

Ernest Renan (Réforme intellectuelle et morale, 1872) affirme l’inégalité des races, rejette le socialisme et déclare que la colonisation est une nécessité (la conquête d’un pays de race inférieure par une race supérieure n’a rien de choquant). Le propos de Renan contient l’essentiel de la rhétorique nazie : l’inégalité entre les classes, l’inégalité entre les races, le militarisme, le crime comme moteur de l’histoire et de l’accumulation, le crime comme source de toute prospérité.

Victor Hugo proteste contre la guerre de l’opium, mais il loue la colonisation. Un humaniste bourgeois du dix-neuvième siècle comme Gobineau est raciste dans la mesure où il ne croit pas à l’égalité entre les hommes et où il considère que le socialisme est le règne de la canaille. (Césaire : au bout du capitalisme, désireux de se survivre, il y a Hitler. Au bout de l’humaniste formel et du renoncement philosophique, il y a Hitler).

Actuellement, dans la même perspective, Samuel Hutington, représentant du néoconservatisme anglo-saxon, à la suite de Spengler, substitue à la causalité historique fondée sur la lutte des classes une causalité fondée sur les grands cycles de civilisation, les conflits communautaires, les guerres civilisationnelles, les crises d’identité, les liens du sang, la langue, les institutions et la croyance, la foi et la famille, les liens culturels, religieux, personnels et historiques unissant et séparant les hommes les uns des autres, les coopérations et oppositions entre races, tribus, cultures.

L’idéologie occidentale capitaliste abandonne l’universalisme, les Lumières, les révolutions française, russe et chinoise, pour ratifier le fascisme et le nazisme. Les révolutionnaires renforcent donc leurs capacités militaires, dénoncent leurs faux amis (les sociaux-démocrates et les sociaux-impérialistes en 1914), tout en essayant d’établir un système mondial pacifique de reconnaissance des souverainetés nationales.

Le capitalisme, formé en Europe, avait cherché à couvrir l’ensemble de la planète, affichant ainsi ses prétentions universalistes. Cependant l’eurocentrisme s’est développé au détriment de l’économisme, annulant l’ambition universaliste sur laquelle la culture capitaliste dominante s’était fondée au départ. La bourgeoisie décidait alors d’assumer le principe de l’inégalité.

 L’idéologie américaine de la révolution conservatrice, suivie par l’idéologie européenne frivole et servile, a considéré que les Lumières et la Révolution française avait fait faillite, ce qui revient à capituler devant Bastiat et Hayek, à rendre hommage au vice et au crime, à magnifier la raison bourgeoise corrompue et à ratifier le coup de force fasciste et nazi. L’abolition en pensée des révolutions française, russe et chinoise exprime l’américanisation du monde.

L’Ukraine le prouve : les grands intérêts capitalistes cherchent à faire accepter au monde le fait accompli du nazisme et, ainsi, annuler les acquis de ces grandes conquêtes de l’humanité moderne que sont précisément les Lumières et la Révolution française, matrices et véhicules de la raison émancipatrice.

Tenant compte des échecs des révolutions antérieures, les révolutions bolchevique, chinoise, vietnamienne et cubaine ont accepté d’engager l’épreuve de force avec l’État bourgeois. La Chine renforce ses capacités militaires et poursuit l’objectif de la reconstruction d’un système politique international polycentrique, respectueux de toutes les souverainetés nationales.

Dans la lutte, il est important de savoir qui sont nos amis et qui sont nos ennemis. En 1914, la social-démocratie a choisi son camp : celui du militarisme, de l’impérialisme et de l’extrême droite. En pulvérisant l’édifice colonial et les mauvais penchants militaristes, impérialistes et racistes de la social-démocratie, le bolchevisme a affirmé pour la première fois le droit des peuples opprimés à l’autodétermination.

La Troisième Internationale rompt les liens avec la social-démocratie et le social impérialisme, ralliant autour d’elle toutes les classes opprimées du monde.

L’économie de marché de la Chine, jalouse de sa souveraineté nationale et promouvant un monde de paix reconnaissant les souverainetés nationales, n’est pas le capitalisme : les banques et les industries essentielles doivent respecter la concurrence et l’État (elles ne commandent par l’État, mais sont commandées par l’État).

Mao, percevant cet enjeu vital, rassemble au sein d’un vaste front uni les classes sociales ayant pris part à la lutte anticoloniale et anti-impérialiste, en opposition aux despotes locaux, aux mauvais hobereaux et à la bourgeoisie compradore, laquais de l’impérialisme. Actuellement, la Chine milite pour l’économie de marché socialiste, qui suppose l’ouverture du pays au marché mondial et non le protectionnisme.

Fernand Braudel (La Dynamique du capitalisme, 1985) soulignait l’essence autoritaire du capitalisme, distinguant nettement ce régime économique et social de l’économie de marché. Le capitalisme s’appuie toujours, obstinément, sur des monopoles de droit ou de fait, tournant ainsi allègrement le marché. Cela signifie qu’historiquement, le capitalisme s’est construit contre l’économie de marché et la concurrence. Les capitalistes ont mille astuces pour fausser le jeu en leur faveur, notamment par le maniement du crédit, par le jeu fructueux des bonnes contre les mauvaises monnaies, les bonnes monnaies d’argent et d’or allant vers les grosses transactions, vers le Capital, les mauvaises, de cuivre, vers les petits salaires et les paiements quotidiens, donc vers le Travail. Historiquement, le marxisme est né pour mettre un terme à la dépossession du Travail.

Ayant la supériorité de l’information, de l’intelligence et de la culture, les capitalistes saisissent autour d’eux tout ce qui est bon à prendre, à savoir la terre, les immeubles, les rentes, etc. Ils ont à leur disposition des monopoles ou simplement la puissance nécessaire pour effacer neuf fois sur dix la concurrence. Les capitalistes sont convaincus que, dès qu’il y a de la concurrence, il n’y a plus d’eau à boire.

En Chine, l’ouverture ne se fait pas au détriment de la souveraineté nationale. Il s’agit de mettre en place un système industriel tourné d’abord vers la satisfaction du marché intérieur et en même temps capable d’être présent sur le marché international, un système souverain, en particulier au plan de la maîtrise de la technologie. En Chine, les banques ne gouvernent pas, elles ne font pas élire le président de la République et ne nomment pas les ministres : au contraire, le secteur bancaire est sous le contrôle de l’État, en tant qu’instrument des politiques publiques.

En Chine, l’ouverture a favorisé l’émergence d’une droite moderne, connectée au monde, audacieuse, et l’exposition des classes moyennes à la culture et aux idéologies postmodernes a introduit une ère postcommuniste, post-matérialiste, post-idéologique, post-révolutionnaire, post-résistance, post-nationale, post-patriotique, avec l’émergence de l’individualisme, de l’hédonisme, de l’initiative personnelle, du pluralisme politique.

Le dix-neuvième congrès du parti communiste chinois met un terme au business du tutorat éducatif, met en place des mesures anti-monopole visant des entreprises à haute technologie, réprime les géants de la livraison de nourriture employant des travailleurs sans contrat légal. Il s’agit de se soustraire à l’emprise des capitalistes, de restructurer les grosses entreprises qui privilégient l’intérêt des actionnaires au détriment des intérêts de la société dans son ensemble.

Edgar Morin et sa complexité, les icônes de la postmodernité ou du postcolonialisme, sombrant dans le désespoir et de pessimisme, participent non de la dialectique mais d’un marxisme formel.

Les marxistes formalistes se moquent en réalité du marxisme. Les formules sèches du marxisme formaliste ne sont utiles ni à la compréhension des processus historiques concrets, ni à la résolution des contradictions qui surgissent dans le processus de la lutte. Par exemple, les esprits mal entraînés à la dialectique éprouvent des difficultés à saisir la réalité du socialisme chinois, trouvant ainsi des contradictions là où il n’y en a pas, sombrant dans le désespoir et le pessimisme, et finissant par succomber aux sirènes de la complexité telles que l’expriment Edgar Morin ou d’autres icônes de la postmodernité ou du postcolonialisme.

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